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Depuis quelques années, avec l'essor et le renforcement de la Toile, est progressivement apparue une diversité phénoménale de produits offrant aux internautes autant de moyens devant faciliter la communication, c'est-à-dire les échanges et partages en tous genres.
Dans la sphère des besoins d'ordre professionnel au sens large du terme, mais également bien sûr dans celle de l'information médiatique , ainsi que dans le champ de l'économie, les messages voyagent à la vitesse de l'éclair, rendant possibles désormais toutes sortes d'iinteractions commandant une infinité d'actions et réactions de la part des hommes, en temps réel, ou presque.
Il va de soi que ces réalités ont considérablement modifié l'agir humain, au point certainement de constituer une "révolution". Et nous savons que nous ne sommes qu'aux balbutiements du processus .....
 
Cela posé, le propos que nous choisissons de développer aujourd'hui cible davantage la sphère privée quant à  l'utilisation des sites, blogs et réseaux sociaux... 
Nous sommes sur ce terrain face à un décloisonnement des domaines traditionnellement qualifiés 'privé' et 'public' , au point qu'il nous paraît intéressant d'interroger la pertinence de cette frontière qui semble s'estomper quand ce n'est disparaître totalement entre ces registres.
 
L'intention ici n'étant nullement de condamner quoi que ce soit ni de chercher à moraliser des pratiques jugées déplorables, nous chercherons simplement à proposer trois angles d'approche du phénomène, afin de tenter modestement d'en analyser les aspects les plus frappants et peut-être d'aider  chacun à une réflexion critique sur sa propre activité.
 
*1* C'est pour que le sujet existe que le 'soi' s'exhibe.
 
Il s'agit là d'une exigence banale et vieille comme le monde, si l'on peut dire. L'être humain a toujours cherché à s'emparer des moyens que son environnement mettait à sa disposition afin d'y imprimer sa marque et de tenter de manifester son être propre, ceci afin de confirmer à ses  propres yeux son existence-même et de s'affirmer comme sujet et personne à part entière pouvant être reconnu par ses semblables.Il s'agit de se projeter concrètement hors de soi à travers toutes sortes de réalisations pour se poser comme auteur d'actions, producteur d'effets, détonateur de réactions. Dès lors, chacun, de manière plus ou moins ostensible selon son tempérament, profite presque naturellement des moyens à sa disposition pour se dire, se montrer, exprimer ses intentions, manifester ses talents, etc...Nous comprenons donc bien que ce que le numérique nous propose comme possibilités de nous révéler offre sur un plateau d'argent une palette de moyens d'expression de soi quasi infinie dont la visibilité s'étend au monde entier !
Une opportunité prodigieuse, sur laquelle nombreux se ruent, avec plus ou moins de discernement , afin d'objectiver leur  être et de mettre en avant tout en la façonnant ce faisant, leur personnalité...
 
*2* Une confusion si aisée entre privé et public...
 
Un des "soucis" auquel se confronte l'internaute devant son ordinateur lorsque, notamment, il se rend sur un réseau social, c'est qu'il lui est très aisé de ne pas prendre la mesure du geste qu'il pose parfois en ne donnant qu'un "clic" ... Nous voulons attirer l'attention, disant cela, sur le simple fait que la tentation est immense d'oublier , de ne pas voir, la dimension de ce qui est entrepris, de ne pas mesurer l'impact de l'action, de négliger l'envergure des moindres effleurements de touches du clavier devant soi, de minimiser "le poids des mots et le choc des photos" (slogan de ParisMatch*) ! 
Le phénomène s'explique aisément, puisque tout part de chez soi, de son univers le plus propre et privé qui soit : son coin de bureau bien à soi, sa chambre douillette, son cadre tout personnel, lieu de l'intimité par excellence..! Chacun y tient devant soi son ordinateur personnel, objet qui , comme son téléphone et sa tablette, représentent quasiment une excroissance de sa propre personne. Ainsi, confortablement installé(e) et détendu(e), dans la tenue qu'il lui convient d'adopter, celui qui clavarde peut très facilement en venir à perdre de vue que, mine de rien, il mène de front deux actions quasi antinomiques; à savoir : se centrer sur son intériorité dans une ambiance feutrée d'une part & possiblement s'exhiber crument en livrant au regard du monde entier ce qui est propre à lui, d'autre part... La seule prise de conscience de cette réalité problématique pourrait, nous le pensons, prémunir celui qui  y est attentif contre bien des dérives ou actions mal contrôlées regrettables a posteriori !
 
*3* Ce qui de l'intimité peut mériter la publicité.
 
Comme posé en introduction, point n'est question de brandir quelque étendard moralisateur sur le présent sujet, simplement de prendre un petit temps de réflexion sur une question susceptible d'intéresser existentiellement tout un chacun.
Ainsi nous semble-t-il opportun de méditer enfin sur ce que représente précisément et implique en vérité le fait-même de publier quoi que ce soit.
La publicité d'une chose, à travers sa publication, consiste en un acte de communication visant à porter à la connaissance d'un ensemble plus ou moins large de personnes un certain contenu. Il peut s'agir d'idées, d'images, de sentiments, de réactions, etc.... Publier est donc mettre en avant des données qui rejoignent une sphère qui nous échappe (partiellement) dès lors que d'autres à qui elles sont offertes s'en emparent ... S'emmêlent alors notamment les éventuels décalages d'intention entre volonté de l'émetteur et disposition du récepteur, malentendus éventuels dus à des ajustements conceptuels insuffisants, risques d'exploitation malveillante , bienveillante ou neutre de ce qui a été livré ainsi, etc.... Publier consiste donc toujours en une aventure qui n'est pas banale et qui, sauf à être dans l'inconscience et l'insouciance naïve, engage celui qui s'y emploie.
Il convient d'en être conscient, afin d'en privilégier le meilleur et de si possible s'en garder du pire !
Le traditionnel 'journal intime' est un objet censé porter les confidences d'un sujet de soi à soi, sorte de jardin secret du sujet écrivant, rédigeant des propos dont il est à la fois l'auteur et le destinataire et dont le contenu-même a priori le concerne essentiellement.
Les tweets, états d'âme étalés sur bien des blogs ainsi que certains statuts et commentaires rencontrés sur Facebook et autres réseaux sociaux ressemblent fort aux contenus des submentionnés journaux intimes... La question est alors: Que gagnons-nous, que perdons-nous à ces manoeuvres ? Nous ne répondrons pas à cette question, laissant à chcun(e) le soin de le faire en propre. Toutefois nous pouvons apporter peut-être à l'éclairage de la réflexion du lecteur cette remarque que nous empruntons au philosophe français Gilles DELEUZE, concernant ce que signifie le fait d'écrire pour les autres -il évoquait le cas spécifique de l'écrivain pour sa part-. Tout est dans le double sens du 'pour' .... A la fois, c'est à destination des autres que nous écrivons lorsque nous publions, c'est-à-dire que nous leur adressons quelque chose qui est dès lors susceptible de les concerner, de les informer utilement, de les toucher en vue d'une réaction possible... Et puis, par cet acte, nous faisons, donc en écrivant pour les autres, une oeuvre humaniste ou humanitaire en quelque sorte, car nous faisons à la place de ceux qui ne peuvent ou ne savent ou n'osent le faire, une déclaration, une communication ou encore une révélation qui, loin d'enliser son auteur dans l'anecdotique stérile de sa petite histoire toute personnelle, rejoint la dimension commune de la solidaire condition existentielle de tous. De telles publications sont des trésors. Philosophes et hommes de Lettres et autres artistes plus largement, dans une grande variété de genres, l'ont compris; ils nous offrent des oeuvres qui tout en nous en disant long sur eux nous parlent de nous et de l'humanité dans son ensemble
 
Il nous est donc possible de soutenir qu'une certaine forme d'intimité bien comprise n'est nullement incompatible avec une publicité convenablement maitrisée. Mieux encore, par ce type de partage, les hommes  réalisent quelque chose de leur appartenance commune à une condition qui, par-delà les différences de lieux, époques, cultures et sensibilités, parle de l'unité du genre duquel ils relèvent.
Mais ceci est quasiment un art, en tous cas, une entreprise exigeant discernement et sensibilité avisée.
 
Isabelle VAUGEOIS-ROUSSEL
Tag(s) : #Dossiers spéciaux, #articles et vidéos
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