Abraham : la foi comme habitus et horizon existentiel...

25 Mars 2024

Par Camille Loty Malebranche

À sa rencontre avec Dieu, Abram - nom qui signifie père exalté selon des sources traductrices - s’est vu enjoint de voyager et de quitter la maison de son propre père géniteur, sa patrie, puis, a eu son nom changé par un Dieu jusque là inconnu, lequel se distingue de tous les dieux connus du monde de l’époque où les statues idolâtrées régnaient dans des panthéons de superstition, et que des esprits ténébreux, impurs, étaient servis par des sorciers dans des rites abjects! Et, comme une révolution dans l’histoire du culte et du rapport au monde divin et de l’esprit, Dieu se révèle à Abram, en le renommant Abraham (père des multitudes), tout en lui faisant la promesse de le faire patriarche des multitudes croyantes.

Une promesse qui place la patriarchie abrahamique bien au-delà du charnel et de l’hérédité, lui octroyant la dispensation de l’héritage du culte du vrai Dieu aux hommes, culte fondé sur la Foi et non la cérémonie rituelle. Abraham porte le statut d’une ascendance sacrée où il est père de la Foi yahvéenne, selon la transcendance spirituelle au-delà de l’ethnique et du biologique, par delà le rituel, c'est-à-dire patriarche de l’héritage spirituel du mode de foi en ce Dieu unique et strictement esprit vivant se manifestant à l’homme, lui qui ne tolère ni représentation ni aucune autre déification laquelle ne pouvant être qu’une fausseté, qu’une idole. Le nom Abraham est un signe pour les appelés. Abraham, archétype du vrai croyant. Et c’est cette vérité qui, comme le dira le Christ bien plus tard à la femme samaritaine, du seul Dieu des univers visible et invisible, en esprit et en vérité, que l’Homme doit servir sans temple ni lieu de pèlerinage. L’homme de Foi qui se sait esprit sorti de Dieu et reconnaît Dieu à la fois comme pur Esprit et Esprit pur, parfait, qui a fait l’homme à la fois corps de chair mais aussi esprit à son image et à sa ressemblance. Abraham est avant tout, homme de la Foi révélationnelle, élu par Dieu qui s’est à lui révélé comme étant un pur Esprit qui ne souffre point d’être matérialisé par les mains de l’homme sous aucune forme que ce soit, sous peine d’abomination idolâtrique. Abraham est donc l’ancêtre de la descendance spirituelle dont le signe sera la Foi en le seul vrai Dieu. Abraham, nom de l’appelé divin porteur de ce jet révélationnel originel du vrai Dieu abolissant toutes les autres latries des idolâtres peuplant le monde de ces temps surannés et fondant le seul repère vrai du sens de la présence humaine tel que Dieu, unique Créateur, l’établit et le définit. Un signe qui devient ce que nous appellerons une sémiarchie sacrée, une sémiocratie de la bénédiction divine inscrite dans l’ascendance abrahamique. L’on comprend qu’Abraham fut le premier homme à assumer l’élection divine comme missionnaire du Dieu unique Adonaï, Heloï, Yahvé, noms du seul et même Créateur de l’univers tangible et intangible; lequel affirme son existence strictement spirituelle et veut être honoré par la créature humaine selon la pureté intentionnelle, une pureté qu’il donnera en exigence, comme symbole à travers le rite de la circoncision. La circoncision des temps anciens est une marque de la pureté de l’esprit, une marque que seul la mort de Jésus effacera. Comme pour dire à l’humanité que l’adoration de Dieu se fait d’abord dans la consécration en esprit et en vérité au Seul Dieu qui a créé les hommes et au Seul Dieu et Créateur du cosmos et des univers, qui n’est pas une idole créée par l’homme, dans un monde où les hommes perdus à eux-mêmes, ignorant leur essence se sont mis à se créer des dieux! Car la pitoyable facétie fascinatoire de la fiction délirante et débridée des hommes à se fabriquer des idoles, est une perversion, une damnation!

Abraham est la face pure de l’attention spirituelle intuitionnelle de l’homme prenant conscience de l’appel du seul vrai Dieu. Attention spirituelle, point d’ancrage de l’intuition, part du royaume de Dieu en nous, et de la révélation, voix intérieure et extérieure à la fois de Dieu par le Verbe de ce Seigneur qui a tout fait par la Parole.

Dieu est Créateur et en aucun cas, il n’est créature! C’est lui qui définit et nul ne peut le définir selon les tares et défauts humains comme le font les prophètes maudits et les prêtres ténébreux des panthéons païens. Le nom, la nomination, c’est, comme je l’ai dit ailleurs, la manifestation du pouvoir parental qui s’y affirme, la prépondérance du maître, du conquérant imposant identité à son asservi, son conquis. Dans l’occurrence où Dieu renomme cet humain qu’il appelle à son service, c’est la proclamation de l’adoption libératrice où le service de Dieu libère l’homme de l’ignorance des fondements sacrés de la créature humaine et l’investit comme enfant de Dieu, intégré dans les privilèges du royaume spirituel de Dieu où il est apte à vivre selon l’esprit. Car Dieu est le seul conquérant qui n’asservit point mais qui adoube son conquis et le fait fils.

Le nouveau nom Abraham donné à Abram évoque donc la nouvelle naissance d’Abraham devenu fils de Dieu par la foi, ce pacte transcendantal et transcendant où l’esprit en son intelligence métaphysique reconnaît sa propre nature comme émanation de l’Esprit qu’est Dieu. C’est donc la condition nouvelle et radicalement autre du vieil homme, puisqu’il s’agit de l’accès à la nouvelle naissance, telle que Jésus l’enseignera plus tard dans la nouvelle alliance en son sang qui consacrera, fixera pour toujours le statut de Fils de Dieu à l’Esprit de l’Homme qui reçoit Dieu.

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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