La contingence n’est pas l’accident.

Par Camille Loty Malebranche

Contingence et accident, s’ils sont ordinairement interchangeables au plan sémantique, ont quand même en certaines circonstances une différence fondamentale : certaines contingences réfèrent à des aspects d’impondérabilité, d’indétermination volontaire impliquant la nature d’un être ou d’une espèce d’êtres sans en être consubstantielles, alors que l’accident réfère à l’étrangeté, à l’anomalie d’une situation, d’une factualité affectant la condition, le statu quo d’un individu ou d’un groupe.  

Par exemple, le fait d’avoir un lieu de naissance est une contingence, mais tout en étant contingence et donc non essentiel ou nécessaire, cette factualité du lieu de naissance est incontournable et fait partie de la condition spatiale de l’être humain, spatialité immanente à la nature humaine. Or l’accident ne saurait être une condition immanente à toute une espèce en train de naître, condition à laquelle nul échantillon naissant n’échapperait! Il est clair que cette condition de toute naissance constitue une contingence, contingence qu’il convient d’appeler : la contingence spatiale des êtres vivants.

L’accident est, par définition, toujours casuel et non principiel, perpétuellement particulier car jamais ni global ni répétitif! Donc, ce sont les particularités découlant d’un type de factualité, qui sont accidentelles. Ainsi, tel lieu particulier, tel pays spécifique de naissance d’un humain - sauf en cas volontaire d’un lieu choisi pour l’accouchement de la génitrice - est effectivement un accident, mais d’une accidentalité qui ne se borne qu’à sa particularité, puisque le fait en soi d’être né quelque part, est général, sans exception, et donc inéluctable pour tout nouveau-né. 

Une fatalité existentielle qui n’est pas ontologique, une inéluctabilité qui ne possède donc pas les provisions logiques et ontologiques d’une nécessité, vu que précisément elle est variable à l’infini et donc manque d’un paramètre ontologique fondamental, à savoir que pour qu’une particularité propre à un être ou une catégorie d’êtres soit désignée nécessaire, il faut qu’elle soit une et qu’elle trône l’immuabilité pour cet être ou cette catégorie d’êtres...  

La contingence est non inéluctable sous certains aspects mais peut en certaines occurrences, relever de la condition naturelle incontournable d’un étant et donc ne pas être accident. Comme je l’ai expliqué dans un autre texte traitant de ces deux vocables conceptualisés en philosophie : le lieu de naissance, l’ethnie, par exemple, sont des contingences de l’être humain sans le moins du monde être ni des nécessités dans leur spécificité, ni des accidents, vu leur immanquable présence et pérennité dans l’existence humaine, même si l’on peut les modifier dans le temps respectivement par des choix d’émigration des futures mères et par la copulation de différentes ethnies. Toutefois, force est de remarquer qu’en toutes circonstances possibles, il y aura quand même une ethnie et un lieu de naissance dont tout humain, chaque individu de l’espèce humaine, relève! 

Ce qui caractérise un accident est sa non prévisibilité, sa non prédictibilité même en occurrence probabiliste et donc sa non répétitivité étant une factualité involontaire, factualité impondérable à toute logique possible de prévision. Pour le reste, si certains disent contingence pour qualifier l’accident, c’est parce que la contingence et l’accident partagent, sauf cas rarissimes comme nous venons de le voir, le caractère d’involontarité et d’incontrôlabilité, et que l’homme les subit. Avec néanmoins, cette différence fondamentale que certaines contingences sont littéralement ordinaires, attendues, habituelles car inhérentes à des contextes précis de l’existence telle, l’ethnie, la couleur de peau, le lieu de naissance, le sexe naturel, alors que l’accident, le vrai accident est toujours fortuit, en dehors de tout ordre et ne survient jamais que de manière inattendue, absolument imprévisible; je dis imprévisible pour éviter la locution haïssable « par hasard » que j’abhorre! 

La contingence est le champ d’un état variable mais incontournable qui s’imprime à l’essence d’un type d’être, de fait, ou de situation, à travers ses variabilités sans toutefois affecter l’essence de cet être, de ce fait ou de cette situation. Ainsi, si les chiens sont de différentes races, et, malgré la grande différence entre un xoloitzcuintle et un mastiff du Tibet, la race demeure un état inévitable, régulier de tout individu de l’espèce canine, de tout chien particulier considéré. 

La contingence est un état pérenne affectant un type d’être, de fait ou de situation comme une pérennité qualitative, donc fatalité d’espèce malgré les variations; alors que l’accident n’a aucune pérennité de régularité, c’est un intrus, une extranéité, une étrangeté imprévue qui intervient et peut être parfois une fortuité favorable même si c’est le plus souvent une malencontre voire un malheur. 

C’est pourquoi prévenir les cadres comportementaux qui pourraient générer des cas d’accidents malheureux et prévenir spirituellement par la prière et l’affirmation du bien, les agents négatifs qui peuvent orchestrer le mal, constituent à la fois, une arme et une armure contre de terribles malheurs. Par ailleurs, comme je l’ai dit ailleurs, plusieurs situations horribles considérées et appelées accidentelles ne sont point des accidents puisque parfaitement prévenables moyennant certaines précautions; ce sont en fait des maux déterminés par de mauvais comportements humains, des conséquences désastreuses imputables à des choix fautifs et aveugles...

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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