L’homme et le voyage existentiel : le cas d’Abraham.

2 Mai 2024

Par Camille Loty Malebranche

L’orgueil de l’homme, quant à sa provenance et son origine, a sa raison d’être car l’homme est fils de Dieu; on est ici loin de l’orgueil de débilité d’arrogance. Loin des réminiscences négatives et des désapprobations de démesure entachant l’orgueil du monde, cette intumescence pathogène de la bêtise matérielle et de l’arrogance des colifichets chez l’esprit dévié, l’orgueil spirituel qui émane de l’estime de l’essence spirituelle de l’homme, est claire vision de la vérité de l’essence humaine. L’orgueil spirituel de l’appartenance à Dieu qui rejette le monde est un catalyseur de la justice dans la foi en Dieu qui soutient ses fils dans le bien et la victoire permanente contre leurs propres faiblesses de toutes sortes et contre toutes les ignominies du monde. L’orgueil spirituel est le fruit transcendant qui rejette la part immonde du monde par le dépassement selon l’esprit vivant loin des miasmes et putréfactions en vogue dans les us et coutumes des civilisations.

Il s’agit d’abord de naissance à l’esprit, puis, de métamorphose et de maintien mental dans la vie de l’esprit par l’homme prenant conscience qu’il est esprit sorti de Dieu qui est Esprit. Telle est la clé de voûte, le point d’orgue de la Vérité révélée depuis Abraham devenu par elle, le patriarche, le père, c'est-à-dire le premier des croyants de ce type : hautement spirituel et sans idoles. Là, l’adhésion métaphysique, toute spirituelle d’Abraham à la Lumière de la Vérité divine, rejoint l’enseignement du Christ, Verbe éternel, incarné de Yahvé qui dit à quiconque veut l’entendre que connaître Dieu par les révélations de son Verbe, libère l’humain auditeur-réceptacle dont l’Éternel fait son allocutaire par amour paternel se communiquant à l’homme, sa créature destinée à être fils de Dieu. « La vérité, nous libère » dit le Christ; oui, la vérité spirituelle révélée de Dieu, nous libère. La patrie, la terre, bref, le terrestre symbolisé par la Mésopotamie, comme patrie de l’homme qui vit seulement dans le fini de ce monde sensible qu’était Abram, change radicalement de sens quand commence la conscience spirituelle du destin métaphysique de l’homme qui sait désormais que le terrestre est un moyen et non une fin puisque Dieu et sa sphère céleste, est le seul conducteur des êtres et choses cosmiques et humaines. La foi en Yahvé est changement radical d’habitus et d’horizon, métamorphose mystique et totale de la perception de l’être, transformation absolue de la conception de l’existence.

Voyage, désapprentissage, apprentissage, et transformation mentale pour atteindre le vrai soi, telles sont les prescriptions essentielles de Dieu à celui qu’il appelle. La conversion au vrai Dieu est un voyage dont le viatique fondamental est la Foi. Un voyage à vie, une odyssée où il faut garder la route malgré tous les détours et sinuosités de la voie. Tous les mirages et paréidolies qui pourraient le dérouter, son regard et son but intime étant Dieu, son rocher, sa voie et son horizon, sa terre promise, qui n’est qu'une allégorie du ciel.

Abraham : Incarnation de l’homo viator.

L’homme de Dieu est homo viator qui reçoit la foi comme itinéraire de l’esprit dans un monde d’égarement existentiel. La foi, la métagnomie orchestrée par le Saint-Esprit, mène le voyage de l’esprit qui doit se retrouver en sa nature, par delà les poncifs de la finitude, les vétilles de ce monde qui passe. L’homme qui assume sa vérité d’appelé de Dieu, aura été la voie royale d’Abraham, le choix sacré de celui qui allait devenir l’archétype de la patriarchie spirituelle, le père modèle de la foi des croyants du Yahvéo-christianisme. La foi est la puissance métamorphique qui transforme la créature humaine en fils de Dieu car nul n’est fils de Dieu sans la métamorphose sacrée paraclétique que le Christ donne au nom du Père... Et, si elle n’est pas transsubstantiation de la créature humaine en divinité, la Foi est le tremplin de la déification humaine, déification possible seulement par la fusion spirituelle avec le Seul vrai Dieu, que la Foi orchestre entre l’esprit qu’est l’homme et l’Esprit de Dieu dont il vient. Une fusion indicible inexprimable qui se vit dans les profondeurs lumineuses de l’esprit jusqu’aux sommets ineffables de l’ascension humaine en Dieu.

Abraham partant sur l’ordre de Dieu, est le visage emblématique, l’incarnation symbolique vivante et active de l’homo viator. C’est la figuration dynamique de la collaboration spirituelle de l’homme de foi avec Dieu pour sa propre rédemption mais aussi dans un amour que seuls les vrais croyants expérimentent. C’est le mode d’appel lancé par Dieu à l’humanité pour le voyage des limbes de la matérialité et de l’illusion du tangible vers les tréfonds de la Vérité spirituelle où l’homme éprouve et assume son essence immatérielle, intérieure et supérieure sortie de Dieu.

Un voyage faisant du mésopotamien sans histoire, la figure de proue, le pinacle de l’humanité croyante qui reçoit la révélation du seul vrai Dieu Créateur des univers visibles et intangibles, un interlocuteur de la vérité cosmique au niveau du noumène par l’éprouvement de la déité du seul vrai Dieu que nul ne peut connaître sans sa révélation, sans accepter son être de mystère. Une figure de proue qui engendre Isaac comme emblème de la filiation spirituelle des adorateurs du seul vrai Dieu, orchestrant la naissance du peuple de Dieu, peuple intemporel car transcendant l’ethnie, l’histoire et l’espace géographique...

Le voyageur Abraham évoque l’émigré conquérant qu’est l’homme ici-bas, un mode de vie à cultiver en visant le mouvement vers Dieu que doit être cette existence pour toute conscience humaine éveillée. La marche vers la patrie immatérielle selon l’attraction mystérieuse et mystique éprouvée de la foi en l’esprit conscient de ses origines et de sa vocation de conquête de la destinée supraterrestre. Le voyage existentiel, c’est cette vie elle-même assumée dans son seul sens véritable, voie de l’esprit et route de l’accomplissement par delà les effacements inéluctables des étants spatio-temporels de la matière. L’abrahamisme est l’illustration de l’action divine du salut de l’homme qui appelle au mouvement vers la vérité de l’unique spiritualité accomplie à travers l’acte allatif expressif dans les faits et gestes de la vie pour marquer la conversion au Seul Vrai Dieu, le Bien absolu et exclusif de l’homme. Dieu, ici-bas est l’arrivée de l’homme, une arrivée dynamique pleine de mouvements. Abraham nous aura montré le prix et le privilège de la Foi, privilège d’habiter le royaume du Seul Vrai Dieu que seul connaît le croyant véritable et authentique. L’on sait qu’Abraham aura l’appel de Dieu de lui sacrifier son fils de la promesse et que sur le point de passer à l’acte, Dieu lui interdit le sacrifice humain car ce n’était qu’un moyen de lui faire manifester sa Foi pour que les autres qui l’accompagnaient en soient témoins et soient toujours prêts à croire en Dieu en sachant que croire en Dieu est toujours pour le bien global temporel et éternel de l’homme.

Abraham et sa vie nous dit que l’homme sans la Foi en Dieu, est un apatride métaphysique, cette plus déchirante des apatridies où la conscience sans assise, sans terre de base ne comprend plus rien! Car pour voir et acquérir le but final, faut-il pouvoir se tenir sur le sol ferme inébranlable, le rocher du sens qu’est la Foi. La Foi comme habitus et horizon du sens ontologique, comme rocher inébranlable, comme voie incontournable et comme arrivée nécessaire en Dieu, tel est le message sacré, spirituel de la vie d’Abraham.

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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