La persévérance, défi spirituel du croyant

Par Camille Loty Malebranche 

 « Celui qui met la main à la charrue et regarde en arrière n'est pas fait pour le royaume de Dieu. » Jésus in Luc 9 :62 

Jésus prend la parole et prononce cette parabole de style didactique, comme une pédagogie de la persévérance. La persévérance spirituelle est un des plus grands défis de l’homme ici-bas, dans un contexte de vicissitudes situationnelles collectives où l’Histoire avec ses conjonctures en plus de la perpétuelle turbulence de la vie individuelle charrient toutes sortes de changements bons ou mauvais, et une condition de peccabilité affectant la nature humaine, touchant la personne humaine tout au long de son existence intramondaine.

Par les mots de cette parabole prescriptive en forme de leçon eschatologique dont nous faisons notre exergue, le Christ évoque son message comme un jugement sentencieux avec le ton apophtegmatique d’une mise en garde contre la mollesse conscientielle qui sévit en ce monde, l’exigence de fermeté et de persévérance vigoureuse, implacable dans la foi pour quiconque choisit la conversion en Christ. La persévérance à l’engagement spirituel qu’implique la Rédemption dont la condition est la Foi et la vie selon l’Esprit c’est-à-dire suivant les principes doctrinaux et moraux constituant la Vérité spirituelle qu’il a apportée aux hommes, étant le Verbe Incarné, le Rédempteur de l’humanité envoyé de Dieu. La conversion, cette élection conscientielle de Dieu comme Père et Pasteur de sa vie par le converti, cette adoption de la Foi Véritable, est un engagement existentiel, un ancrage viager dans le mystère du Véritable, mystère à vivre en toute plénitude et permanence grâce au soutien infaillible de Dieu. 

La fermeté est donc cette intraitable, implacable indifférence hautaine à l'égard du mal et surtout du passé qui tente sa résurgence par d'ignobles suggestions. Là, seul le mépris du mauvais par l'affirmation radicale du Bien préacquiert la victoire. Vivre au présent selon le bien, vivre au présent le bien est la Force, la Grâce que Dieu donne à ceux qui croient et espèrent en Lui. 

Quiconque, parents, amis, dirigeants voulant te ramener au passé mauvais que tu as rejeté, rejette-le, à son tour; c’est un rebut du diable, une souillure mouvante qui souhaite t’entraîner dans sa propre infernale infamie, sa servitude de déchu où il se manifeste lui-même asservisseur immonde. C’est le propre des esclaves que de vouloir imposer l’esclavage car ils ne connaissent rien d’autre que leur asservissement. L’esclave est esclavagiste par réflexe et par inconscience, par ignorance de la liberté car empoigné mentalement par la servitude et aigri refusant de vivre autrement même en étant objectivement libre car non émancipé en esprit et donc préfère créer ou maintenir l’ordre esclavagiste où il aura le dessus, la position haute où il pourra assouvir ses plus ignobles instincts aux dépens d’autrui. 

Il faut vivre le bien au présent, vivre au présent au point de tuer le passé en le rendant néant, l’assignant au rien par la fixation du présent et de ses possibles, expédiant le passé à ce qui a disparu par inaptitude à être, comme absence totale, radicale car radicalement dissoute par son passéisme mort, rayé dans l’inexistence absolue.

Il n’y a pas d’alchimie à pourvoir transmuter la fange en or et il n’existe point de thaumaturgie pour transmuer la faiblesse et la culpabilité en valeur ascensionnelle ou idéal entéléchique. Il n’y a que la conversion et la miséricorde de Dieu accordée au pécheur qui transforme le damné en élu et efface d’un trait d’amour divin toute souillure, toute damnation au nom du Christ qui s’est livré pour nous, pauvres pécheurs.  

La persévérance est aussi le rappel de la promesse de Dieu de mettre sous notre autorité les puissances du mauvais sévissant en ce monde et voulant à tout prix profiter de nos propres faiblesses tant charnelles que spirituelles pour nous détruire. 

L’impétueuse omnipotence divine qui nous soutient, nous qui croyons, est une marée tumultueuse et irrépressible du sens véritable de l’être, qui nous imprègne de la vérité de notre destinée supérieure en Dieu, notre eschaton de Créature créée avec l’essence spirituelle de Dieu, Image de Dieu incarnée et en mission sur la terre. La Foi en Dieu nous fait vivre l’Amour de Dieu, cette raison créationnelle qui a porté le Créateur à nous tirer de lui, nous façonnant esprit de son Esprit. La Foi orchestre et exalte en nous notre amour de Dieu et l’Amour de Dieu nous bénit et attise en retour notre Foi, l’attestant et la magnifiant tout en la rendant inébranlablement immuable.  

Car il faut toujours se rappeler que la Victoire promise et garantie par Dieu est cette même Victoire de David, le petit, contre le mastodonte escogriffe Goliath, cette même Victoire de Moïse faisant sécher la mer Rouge, ou encore cette Victoire suprême de Jésus sortant vivant du tombeau, infligeant à la mort son ultime défaite dans sa puante, immonde tentative de détruire la Vie. Une Victoire préacquise pour celui qui a la Foi en Dieu, et que le Christ affirme et proclame en disant : « prenez courage, car j’ai vaincu le monde ».

La persévérance dans la vie de l’esprit une fois né selon l’esprit par la Foi, est certitude assurée aux vrais croyants se remettant entre les mains de Dieu, se sachant esprits nés de son Esprit par delà la chair et le sang, dans l’immuable omnipotence de Dieu qui préserve celui qui croit. La prière elle-même persévérante est ici une puissance inexpugnable, invincible, pour tout humain qui croit. 

La persévérance est une conviction si certaine en l’objet de sa persuasion, qu’elle fait de l’homme un protagoniste de l’affirmation active de ce dont il est convaincu, une incarnation de la praxis de ce qu’il porte en lui comme force vivante de persuasion du juste et du véritable qui vit, et agit en lui. Sa pensée, sa parole, son action sont imprégnées de la Lumière divine. 

Dans un monde où la plupart des hommes sont rendus ombres inaptes à être âmes – ombres, c'est-à-dire esclaves des babioles passagères inessentielles de ce monde de poncifs menteurs, sans ancrage dans l’humanité vraie et vivante, seule la persévérance dans la spiritualité par la foi puissante, persévérante, loin des inepties de sectes ou d’églises, sauvera l’humanité en son essence, où enfin l’être humain est vie plénière et véritable, esprit vivant sa vérité.

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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