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Par Michel-Ange Momplaisir

 

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Je suis heureux que vous ayez fait dans ce court mais dense article La foi suggestive et la Foi spirituelle…, la distinction entre âme et esprit. Pendant longtemps, on confondait les deux, âme et esprit, dans une certaine tradition catholique. Les deux étaient pratiquement synonymes. Rappelons que dans son traité, De l’âme (II, 1, 412 a 20), Aristote présente celle-ci en tant que « substance comme forme d’un corps naturel qui a potentiellement la vie. » Dans la tradition aristotélicienne, encore appelée le péripatétisme (un mot qui vient du verbe grec peripatein, se promener. Aristote donnait ses cours en se promenant avec ses élèves dans son jardin. La tradition aristotélicienne en a fait péripatétisme et péripatéticien), l’âme est en effet la forme qui actualise le corps, qui lui permet de se concrétiser, ce que le Maître (Aristote) exprime par (entélos échein), entéléchie, réalisation, complet développement. »  Selon les Scolastiques, indivisible, adiairetos, l’âme est faite de facultés intégrées.  « Un tout potentiel aux virtualités multiples, dont les unes animent le corps, tandis que les autres s’exhaussent au-delà de la matière et s’épanouissent en une activité libre et indépendante. »  Toutefois chez le Père du péripatétisme, il y a primauté ontologique de l’âme intellective. En effet, celle-ci est capable de forger des concepts et de former des jugements. « L’homme en tant qu’homme n’est rien d’autre qu’intellect », soutient-il dans son Éthique à Nicomaque. Reprenant cette thèse, Thomas d’Aquin soutient la primauté de la faculté intellective de l’âme humaine. Aristote avait lui-même identifié deux modes d’intellect, l’« intellect agent », le noûs poïetikos, distinct du corps, et l’« intellect passif ou patient », le noûs pathêtikos, lié au corps. Les Scolastiques assimilent l’« intellect agent », le noûs poïetikos, distinct du corps, à l’esprit. D’où la confusion de l’âme avec l’esprit. Pour atténuer cette confusion saint Thomas d’Aquin dira que « l’âme est dans une certaine mesure toutes choses »/ anima est quodammodo omnia (Somme de théologie, I, q. 14, a. 1 ; De veritate, q. 2, a. 2), et Jacques Maritain « l’âme est à la fois une âme et un esprit. »  (Raison et raisons, Essais détachés, Paris, 1949, p. 117).  Néanmoins cette difficulté, il est important de retenir que le dualisme, l’âme d’un côté, le corps de l’autre, est évité par Aristote et saint Thomas, contrairement à Platon et au néoplatonisme, plus tard Descartes. Le dualisme est lourd de conséquences philosophiques. Dans les religions basées sur le dualisme philosophique, l’hindouisme, le bouddhisme, la métentosomatose (métempsycose) prévaut. Elle est incompatible avec l’hylémorphisme philosophique, l’unité substantielle de l’âme et du corps, retrouvée dans la tradition religieuse islamo-judéo-chrétienne. 

 

Ainsi, dès le départ, le judaïsme avait adopté la conception nephesch haia de la Genèse (2, 7), dont l’exégèse fait de l’homme une « unité vivante », encore appelée « une âme vivante ». Moïse Maïmonide (1135/1138-1204), dans le Guide des perplexes (1, 41), naguère appelé Guide des égarés, une mauvaise traduction selon Alain de Libera, l’un des plus grands noms de la philosophie médiévale en France après celui d’Étienne Gilson, dit du nephecsh (ou néfès) haia qu’il est « le siège de toutes les activités mentales, intellectuelles et affectives », en rapport avec le corps. Ce dernier, un assemblage d’éléments biochimiques, siège des grandes fonctions métaboliques. Il est lié au psychisme qui, selon André Lalande dans Le Vocabulaire Technique et Critique de la Philosophie, recouvre « l’ensemble des phénomènes formant un tout, soit qu’ils constituent la vie mentale, consciente et inconsciente d’un individu, soit qu’ils n’en forment qu’une partie systématisée. Quant au mental, Lalande le présente comme ce qui « concerne l’esprit, ou qui appartient à l’esprit d’un point de vue strictement positif et expérientiel. Certains en font le synonyme de conscient, acception généralement admise, rapporte Édouard Claparède. L’état mental d’un individu est l’état de santé, de trouble, ou d’aliénation de ses fonctions psychiques. »

 

Corps, mental et psychisme, tous animés (c’est-à-dire liés à l’âme), disparaissent à la mort.

 

Ne subsiste que l’esprit, le νοūς (noûs), chez Aristote, que la Scolastique latine traduit par intellectus, l’intellect, la pneûma, retrouvée dans la traduction des Septantes. Immatériel, incorruptible, dépassant le cosmos, l’esprit/noûs, encore appelé, selon les circonstances, intellect/intellectus,  pneûma, est à l’abri de toute décomposition. « L’homme et la femme sont deux grands animaux  spirituels », déclare Paul Claudel dans Partage de Midi.  

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