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Par Camille Loty Malebranche

 

J’écris ce texte en pensant à un documentaire télévisé sur Pablo Escobar, où, à raison, le monstre colombien incarné du narcotrafic, est stigmatisé comme il se doit. Toutefois, ces documentaires sentencieux que l’on projette à l’écran pour émouvoir, moraliser et convaincre, nous crachent des fois comme la seiche, une forme de sépia propre à l’art du masquage social. Je parle de la sorte quand je me rappelle cette petite phrase triomphaliste et apophtegmatique de la narratrice lors de la scène de la mort d’Escobar sous les balles des forces de l’ordre: « le mal, (le crime) ne paie pas ». « Le crime ne paie pas » n’est qu’exclamation vide, lieu commun emblématique des tenants de la justice institutionnelle au nom de l’hypocrisie sociale!

 

Si au stade métaphysique, il est indéniable que le mal revienne sous toutes formes au malfaiteur non repentant - conscient ou non d’être la cause des malheurs qui l’atteignent - au plan social, dans notre société perverse, il n’y a, hélas, que le mal qui paie! Car les politicards qui mentent et servent les banquiers prédateurs; les impérialistes qui disloquent l’économie des petits pays par la finance institutionnelle du Fmi; les prostitués petits-bourgeois enrichis alors que sont paupérisés et exclus ceux qui proclament la justice ne sont que quelques cas du triomphe du crime et du mal dans une société déshumanisée par ses monstres anthropomorphes. L’ordre social joue sinistrement ce qu’il faille appeler la dissociation scénique, une schizophrénie du discours qui tente de dissimuler les faits auxquels il feint pourtant de se référer, faits évidents mais dont l’évidence est systématiquement révoquée par les lieux communs qui prétendent l’évoquer!

 

Nous ne pouvons que constater combien la dimension sociale de l’homme dans l’ordre du monde, en a fait un monstre du dire et du formel qui ment et veut conférer par sa servitude de menteur pris au lasso du mensonge, son illusion à la nature des choses. Car en fait, ni la société ni même la civilisation ne tiendraient si elles consentaient à faire face à leur inhumaine vérité! Et, devons-nous le dire ici, malgré les salissures incommensurables de ce monde, nul, pas même le plus cynique des monstres criminels, ne peut se voir salement criminel sans fard ni détour, et l’assumer! L’homme, quel qu’il soit, de par la conscience morale qu’il porte, a besoin de justification.

 

Seule la représentation formelle créée spécifiquement pour être justificatrice des pires pratiques, sauve les humains de l’épée conscientielle de leur propre ignominie sociale, systémique. Le formel, l’érection et l’application de formes masquant les plus inavouables essences factuelles des actes, à travers ce qu’il faut appeler l’insidieux formalisme social justificateur, est le sceptre de l’orgueil humain transformant tous les crimes en actions justes voire hymnes de gloire, épopées ou apothéoses. La civilisation serait trop immonde et trop répugnante sans l’art macabre du louvoiement à travers les sillages des facticités formelles!

 

Nos Escobars Autorisés...

 

Pour revenir à Escobar, l’abominable narcotrafiquant, tueur invétéré, est-il si différent de toutes ces compagnies du nord tellement respectées au nom desquelles, des pays font des guerres d’interventions, massacrent en masse, créent des conflits pour profiter des mines du sud? Réduire des populations laborieuses en déchets de la misère quand elles ne sont pas tout simplement liquidées par la guerre, est un art que le nord pratique derrière les magistrales formes que sont les structures de l’économie mondiale avec l’argument du progrès, de la démocratie voire de l’humanitaire. Que serait l’impérialisme sans les formes que sont les discours sur « l’aide au développement, le soutien de la démocratie, l’aide économique… ».

 

En nous rappelant ce triste déchet du crime que fut Escobar et ce que j’appellerais la narcocratie meurtrière, nous devrions nous demander qu’est-ce qui différentie certaines grandes compagnies pharmaceutiques du charognard Escobar? Sinon que le formel prestigieux de ces grandes pharmaceutiques! Nous feignons d’oublier que dans cette société, le seul dieu, principe et jauge de la grandeur, c’est l’argent, ce même dieu que nous qualifions de démon chez Escobar! Et de fait, en quoi Escobar est-il plus sale que nos grands capitalistes des pharmaceutiques qui achètent des toubibs lesquels bombardent des pans entiers de populations, de médicaments dangereux impliquant parfois de graves cas de maux iatrogènes et engendrant dans les meilleurs, de cinglantes dépendances?! La seule différence est que les crimes d’Escobar ne sont pas inscrits dans les codes formels de la légalité systémique, c’est tout! Et quant au crime, dans l’écrasant grand nombre auquel le mot humanité appliqué n’est que prédicat vide sans référent aucun, sinon leur morphologie somatique, rien n’est noble car tout court à l’appât du gain, la foi aux formes justifiantes voire glorifiantes quelles que soient les infamies cachées par lesdites formes! La crise des hôpitaux du secteur public dans le but de privatiser les soins de santé même où ils étaient au moins épargnés, et le maintien de maladies curables par la médecine pour vendre des médicaments, sont clairement les conséquences du choix politique que des tenants du grand capital imposent à l'État.

 

Hélas, parmi les soi disant humains qui courent et feignent le prestige souvent dédaigneux d’autrui non inscrit dans leur formalisme de référence, il n’est souvent question que de choses organiques pulsionnelles anthropomorphes rejetant le moindre effort d’humanisation. La soi disant humanité de notre sainte société ajuste et réajuste des formes selon la mode comme aujourd’hui, celle d’« aimer » les animaux tout en conservant voire aggravant en ce bas monde, les pires violences exterminatrices d’humains par toutes les forces létales et excommunicatrices d’un ordre du monde opérant selon le formalisme justificateur de ses structures faites pour la gloire sale, sinistrement inhumaine de quelques-uns.

 

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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Tag(s) : #Monde du Concept
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