Par Camille Loty Malebranche
Nous appelons dialectique harmonique, cette sorte d’opposition fluide sans heurt qui renvoie à certains contraires inhérents à des faits de la condition humaine, des situations de l’existence humaine.
Dialectique harmonique, inhérence ludique des fonctions opposées entre elles au champ des modalités internes des mécanismes de la nature de ces modes de factualités humaines ou situations sociales naturellement duelles en soi, telles l’action et l’amorphisme, l’expression et le mutisme, à la différence de celles qui ne le sont que contingemment comme l’admiration et la détestation, l’amabilité et la grossièreté..., puisque l’admiration, par exemple, peut survenir sans qu’il y ait jamais eu de la détestation tout comme l’amabilité peut bien exister en soi sans s’opposer à un cas de grossièreté! Alors que le mutisme n’existe guère sans une obligation d’expression, sans une nécessité de dévoilement verbal, sans une attente de parole, sans l’expectative d’un logos éludé, sans une opportunité de communication ou une exigence discursive! Le mutisme, en ces occurrences, est la rupture de l’attente légitime, le déboutement d’une perspective, l’évitement d’une révélation par le refus de s’exprimer comme témoin dans le contexte d’une situation exigeant clarification, le camouflet du silence opérant le déni, l’élusion déclaratoire alors que la prise de parole profile comme obligation, devoir-être circonstanciel et non pas qu’un pouvoir-être ou qu’une posture situationnelle facultative!
L’esthétique de l’appariement des contraires orchestrant le beau par la saillie des répliques, le charme de leur opposition éloquemment interactive en leur différence appariée, c’est la capacité qu’a l’homme de les mettre en scène. C’est le cas de l’articulation interlocutrice par le dramaturge dans la construction dialogique pour en tirer la fin dramaturgique désirée. Le théâtre, par la répartie, l’appariement des répliques, est l’art dialectique par excellence! Il est aussi un autre champ de l’art de la dialectique harmonique présent dans le couplage des différences au cœur de l’univers érotique des deux genres naturels de l’espèce, par le jeu de ravissement de l’homme et de la femme exploitant la gestuelle, esquissant le langage avec ou sans mots de l’érotisme. Dialogue non verbal (mais pas silencieux) des corps, car la gestuelle, si elle n’est pas mot n’est pas silence, vu son impact et son éloquence! Une dialectique ludique, symbiotique pour l’explosion de la jouissance des corps. Je dis dialectique car si la sexualité est naturelle, l’érotisme et les jeux de charme ou la gestuelle de séduction sont culturels. Là, l’on pourrait me répliquer que certains animaux font des gestes sexuels quand ils sont en chaleur, oui, mais bien trop limités dans leurs gestes pour y voir une gestuelle élaborée, un langage dialectique.
Tous les opposés impliquant la condition de l’homme comme sujet pensant et agissant, sujet hypersensible et hyperémotif - car il n’y a de dialectique que par l’intervention humaine déterminant un espace de causalités orchestrant des causes et conséquences - ne sont donc pas nécessairement antagoniques et même, nous venons de le voir dans l’érotisme, sont parfois purement ludiques! C’est donc ce à quoi réfère notre oxymore dialectique harmonique.
Pour bien aborder le questionnement de ces sortes de dialectiques non antagoniques au cœur de la plurale, que dis-je, de l’incommensurable configuration de factualités qu’implique l’existence humaine, nous devons ici affirmer notre perception de la dialectique comme inscrite dans la confrontation interactive des contraires à l’échelle de la condition objective de l’homme comme conscience agissante et comme sujet choisissant. Lesdits contraires de la dialectique ainsi perçus sont parfois tels les muscles agonistes et antagonistes, se contrebalançant dans les mouvements du corps, dans une complémentarité bénéfique, symbiotique pour la santé organique, somatique mécanique et globalement fonctionnelle. Néanmoins, si nous faisons allusion didactique au corps, à la nature, ce n’est que par explication allusive; car il ne faut surtout jamais oublier que la dialectique est soit artifice du sujet humain soit émanation des rapports humains, et, en aucun cas, n’est ou ne saurait être chose de la nature! Par exemple, il n’y a pas de dialectique du prédateur et de la proie naturelle, tel l’antagonisme impliquant le carnassier et l’animal de chair consacré à lui par la chaîne alimentaire. C’est naturellement inscrit dans le code génétique du chat que de dévorer le rat, l’anolis, le poussin... À moins qu’au figuré l’on dénonce l’ignominie d’une injustice criante dans des rapports interétatiques, interclasses ou interindividuels, il ne saurait exister de dialectique du prédateur et de la proie.
La dialectique devient harmonique quand les entités opposées, les altérités en présence deviennent non pas forcément synthétiques mais caractéristiques d’une action humaine, d’un fait de comportement humain au point que l’effacement de l’un des contraires entraîne la fin de la factualité les impliquant. Des oppositions donc harmonieusement impliquées où une disparition voire un dysfonctionnement d’une des deux parts différentes enclenche déséquilibre et effondrement du système ou de la situation impliqué, rupture des normes et destruction de la normalité dépendant des deux parties contraires dont la présence et l’interaction sont strictement gage de stabilisation et de fonctionnement.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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