Par Camille Loty Malebranche
L’aliénation est dénaturation de la volonté. À la différence de l’aboulie qui est directement pathologique en tant que déficience mentale qui bloque la capacité conscientielle de vouloir, l’aliénation, quant à elle, corrompt la volonté et fait de l’individu une sorte de reflet compulsif du maître bourreau personnel ou institutionnel introjecté dans sa conscience dénaturée. Là où la volonté normale est activité, proactivité, affirmation, fut-ce par exigence d’une négation affirmée, l’aliénation est une altération de la volonté rendue passive, laissant l’autre décider contre soi. Là où la conscience devrait choisir en souveraineté à travers le recul critique de l’intelligence et du jugement, l’aliénation ravale le sujet victime à une auto-dénégation qui nie toute faculté d’autodétermination.
La servitude est immanente à l’aliénation et lui est une conséquence immédiate. On ne peut être libre sans vouloir assumer sa propre conscience, sans décider pour soi-même et choisir sa voie en pleine lumière des buts visés et de la responsabilité qui y est inscrite. On ne peut être libre sans la volonté d’être libre en se travaillant soi-même au plan mental pour affiner le jugement et atteindre la finesse du jugement juste qui rend libre. Car méjuger de ses possibles, abdiquer devant ses prérogatives et devoirs d’humanité comme essence et conscience, ou, au contraire, les mésinterpréter et les croire absolus jusqu’à devenir bourreau et méchant est le commencement abyssal de l’asservissement mental.
La liberté étant téléologique, elle n’est pas et ne saurait être sans une claire projection de soi en finalité personnelle tout en étant solidaire de l’humain en général. Voilà pourquoi, la conscience libre n’accepte pas de pactiser avec l’esclave sans volonté de libération, donc aliéné complice de sa servitude et qui soutient l’ordre de son propre malheur. La liberté est différente selon les contextes de la situation humaine et la dimension humaine en question. La liberté spirituelle, la liberté politique, la liberté intellectuelle... Toutefois, il n’est aucune liberté sous aucun registre possible sans la prégnance du soi contre les dissociations programmées au niveau de l’individu par une culture de dépossession de soi. Une autre forme de libération consiste à combattre la souffrance, loin de toutes les aberrations religieuses ou pseudo-mystiques du karma ou du paradis céleste décontextualisé par des déments, des manipulateurs ou des ignares. Ceux qui font souffrir objectivement leur prochain - depuis les tortionnaires anonymes comme on en rencontre dans toutes les sphères sociales et les familles, les pères fouettards et mères accusatrices qui se vengent de leurs propres indignités aux dépens de leurs enfants, les bouffis sans nom ou les pitoyables cuistres du pouvoir, se défoulant de leur misérabilisme sur autrui, jusqu’aux grands banquiers kleptocrates immondes qui séquestrent l’économie des peuples en utilisant leurs politicards serviles, sans omettre les minus tordus qui se liguent pour exclure les grands hommes de bien et de mérite en les privant de leur juste dû - sont des aliénés, des méchants, des déshumanisés qui font de la terre et de la vie sociale, la géhenne inhumaine qu’elle est assez souvent dans les faits.
L’acceptation sans coup férir de la souffrance, est de l’aliénation. Il faut, avec des moyens justes, se mettre à l’assaut de la souffrance, de la misère. Car la souffrance est un grave mal. Un mal donc à combattre absolument et l’aliénation qui l’entretient, doit être expédiée aux cloaques de l’indu. La pauvreté et ses misères, la soumission au mal systémique qui façonne la politique en torture de condition des majorités sont des maux à vaincre. La souffrance, si elle est quasi inévitable à une vie d’homme, elle n’est pas et ne saurait être ni une vocation, ni un destin, ni une mission ni une dette cosmique, ontologique ou sociale de l’homme. C’est pourquoi, la minimiser encore et encore par une permanente action saine d’élévation de l’homme - telle la repentance, la prière, la conversion comme changement du mauvais comportement, la lutte aux méchancetés, la révolte active contre les injustices, la révolution socio-économique - est un des devoirs et dévolus majeurs de l’humanité.
La libération doit viser toutes les dimensions humaines; et, la souffrance, étant déjà, à une échelle ou à une autre, une intruse occasionnelle et indésirable en toute vie, aucune religion, aucune politique n’a le droit de prôner la résignation. Prôner la résignation au mal, la soumission à l’ordre du monde, l’acceptation de la misère ou la passivité face aux faiblesses qui sont en chaque humain en arguant du divin ou de purification métaphysique, équivaut à un crime de haine contre l’humanité... Nulle entité - homme, institution, société ou autre étant du monde - n’est censée être autorisée à théoriser une doctrine d’acceptation fataliste du mal.
La victoire sur les puissances aliénantes du monde se corse dans l’attention de la conscience à s’affermir et rendre imparable la force de la volonté, la puissance de la détermination volontaire.
La volonté est la plus puissante détermination du sort de l’homme car elle est de par son état sain ou malsain, ce qui permet à l’individu d’affirmer ce qu’il choisit de faire de soi comme sujet ainsi assumé. Et, malgré toutes les adversités objectives, extrinsèques, la volonté est la manifestation supra-individuelle de l’être humain qui s’y fait sujet souverain ou ombre de la servitude, individu-chose ou personne humaine en accomplissement.
Au stade spirituel entéléchique, c’est la volonté qui choisit de répondre ou non à Dieu, embrasse la destinée ou la contredestinée; car là, spécifiquement, il s’agit pour l'Homme de choisir son maître dans une des deux adhésions finalitaires possibles au Sens suprême: Dieu ou l’absurde.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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