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Par Camille Loty Malebranche

 

L’anthropomorphisme est, en général, la communication langagière du non humain, représentant l’infrahumain ou le supra-humain, bref l’autre ou le tout autre, par des allusions humaines selon des modèles humains.

 

Le milieu spirituel étant entièrement impréhensible aux sens par lesquels l’homme perçoit, il est donc indispensable aux révélations divines de procéder par paradigmes humains et matériels pour se faire comprendre. Ainsi, l’entendement qui, pour nous, synthétise le stade sachant de la conscience connaissante des hommes percevant et concevant à partir de l’intuition, de la raison, du sentiment voire de la sensation, doit veiller à toujours transposer, imaginer ce qui se dit de manière allusive dans le contexte transcendant pour bien appréhender que la plupart de ce qui est écrit, perd sa vérité si envisagé en dehors du strict contexte spirituel où le dit renvoie au non dit parfois si haut, si immense et inimaginable qu’il est insaisissable en ce monde dans lequel nos mots servent de porteurs d’impression de leur vérité. Qui, en effet, peut imaginer Dieu dans son Infinité supérieure anoriginelle (sans origine ni commencement), prétemporelle (précédant l’existence du temps), éternelle en même temps Créateur des univers tangibles et intangibles?!

 

L’anthropomorphisme est donc mode de pensée adoptant et communiquant la représentation du non humain par figure littéraire ou graphique sous des traits de l’homme, ici, un des cas éloquent est celui des ufologues créant leurs extraterrestres de morphologie et d’émotions humaines avec des tempéraments humains, et aussi parfois celui de certains éthologues qui font quelques fois des descriptions du comportement animal en évoquant le comportement humain. L’évocation anthropomorphique de l’étant non humain, a la vocation de produire de l’évidence sur cet étant pour l’homme afin de le faire percevoir dans une perspective cognitive, logique ou morale à l’intelligence humaine du lecteur, de l’allocutaire ou toute autre conscience humaine ou sujet humain que cible le communicateur. Là, nous comprenons l’interdiction de toute représentation plastique anthropomorphique, bestialomorphique ou autre de Dieu, imposée par le décalogue, vu que les sculptures et icônes évoquant Dieu, très souvent anthropomorphiques, finissent par réduire Dieu au somatique matériel et produit l’effet opposé à la visée anthropomorphique de l’Écriture sacrée révélatrice où il s’agit de faire sentir Dieu en tant qu’Esprit pour que l’homme se sache lui-même esprit malgré son corps, en dépit des limites impliquées par son incarnation. L’Écriture est appel à la théomorphisation de l’homme et non à la réduction de Dieu à la petite sphère pitoyablement finie de la matérialité des corps. Cela, le Christ Jésus, Verbe divin incarné, nous l’a fait comprendre éloquemment en montrant sans cesse que Dieu est Esprit et Vérité, c’est-à-dire essence immatérielle fondatrice de tous les êtres des univers tangibles et intangibles que Dieu Seul a créés. L’anthropomorphisation du Verbe en Jésus consomme le message anti-anthropomorphique de tout anthropomorphisme de la révélation sacrée, scripturaire. Car la perversion de la sensibilité humaine court si vite à l’idolâtrie et la représentation plastique est intentionnelle de multiples déformations de la Vérité de l’Être divin et de son essence d’Esprit.

 

Dans la sphère du réel palpable, nous recourons à de l’anthropomorphisme en évoquant les bêtes et les choses. Les fables, les contes animaliers, « végétaliers », « minéraliers » - j’utilise ces deux derniers prédicats pour désigner respectivement des entités des règnes végétal et minéral - en recèlent à foison surtout à travers la prosopopée, cette forme rhétorique adonnée spécifiquement à l’anthropomorphisation quand elle désigne et met en scène des animaux, des végétaux ou des étants inertes de la nature. Le loup et l’agneau; Le roseau et l’olivier, pour ne citer qu’Ésope, sont des cas patents, achevés de ce type d’anthropomorphisme littéraire…

 

Pour revenir à la spiritualité, l’anthropomorphisme spirituel est une forme de translucidité qui permet de briser l’opacité des tréfonds inexprimables, de faire deviner les contours de la vérité cachée des essences, par la « matérialisation » verbale du schème de l’immatériel par le langage afin de nous en faire visualiser autant que possible de manière idéelle, fictive et émotionnelle ce qui est tout à fait surrationnel. L’anthropomorphisme est donc l’évocation allusive du mystère, une forme de matérialisation idéelle pour rendre tangible le surrationnel que nous sommes appelés à vivre en l’éprouvant dans son statut de mystère intangible à l’entendement et à ses procédés rationnels, affectifs et imaginatifs en appelant et éveillant l’intuition mystérieuse souvent endormie du divin en nous.

 

En spiritualité, la révélation anthropomorphique bien comprise nous engage à apprendre à être théomorphiste par manière de redressement du sens. Car l’anthropomorphisme est une didactique du révélé comme une image renversée sur la rétine de l’intelligence intuitive qui doit la rendre dans sa vraie forme et posture idoine par le théomorphisme auquel la voix de Dieu et la foi subséquente appellent l’homme. Ainsi l’anthropomorphisme exige-t-il une pédagogie homilétique pour être bien reçu.

 

L’anthropomorphisme, art langagier de métamorphoser la sphère de l’esprit en évidence par des images concrètes et obvies de la condition humaine, doit toujours demeurer ce qu’il est: référent artificiel au mystère divin ainsi évoqué en langue humaine. Un artifice didactique de la communication dont les lecteurs ou auditeurs de la Parole sacrée doivent avoir pleinement conscience pour que celle-ci ne devienne aliénation de la vérité par altération totale du sens et des contextes strictement inconciliables du temporel et de l’atemporel, du matériel pondérable et de l’immatériel impalpable, du divin absolu et de la créature finie!

 

Les deux fonds de notre quiddité spiritualo-somatique nous appelle donc à un double mouvement de notre conscience vers la Vérité qui doit s’efforcer d’être autant présence au monde que transcendance hors et au-dessus du monde. Le théomorphisme s’étaye donc comme activité spirituelle imprégnant la sensibilité et le mental selon le sentiment de l’ailleurs perçu au plus profond de nous comme esprit sorti de la Substance même de Dieu; esprit qui est projection vivante, quoique incarnée et finie, de Dieu. C’est là que l’ascension la plus haute ne se peut que par l’enracinement le plus ancré dans les profondeurs de notre être, notre essence… Car il ne faut surtout pas que les hommes - inaptes à se voir esprits eux-mêmes - se mêlent par sensiblerie et sottise de réduire Dieu à leur pauvre et triste dimension de corps matériel projeté dans leur art. 

 

Même le "zoomorphisme" (concept ancien qui remonte au moins à Montaigne) renvoie à une forme danthropomorphisation de la bête déifiée: le veau d’or n’eût pas été adoré, s’il ne portait des sentiments humains à l’entendement ignare, superstitieux de la populace idolâtre qui lui projetait une conscience surhumaine colportant leur propre vilenie humaine. Je pourrais ici nommer cette autre anthropomorphisation politique et économique du divin via toutes les latries que les foules dites peuples vouent à leurs chefs auxquels ils donnent tout, se dépouillant elles-mêmes comme des moins que rien dans un culte idolâtre des structures, des titres et des richesses matérielles quelles-mêmes confèrent à ces idoles grandeur nature.  

 

L’anthropomorphisme est indu, fors son aspect didactique et pédagogique car il ne faut pas que l’homme se mette à blasphémer l’être de Dieu en le concevant comme un père humain ou encore un quelconque être ou créature de ses expériences temporelles naturelles, il ne faut pas que Dieu soit ravalé blasphématoirement au rang des ancêtres ou des héros de l’histoire quelle que fût leur importance humaine!

 

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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Tag(s) : #Monde du Concept
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