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Par Camille Loty Malebranche

 

Refonder la praxis politique contemporaine avec le peuple à travers des communautés territoriales auto-administratives gérant l'activité économique sur leur territoire, telle est la voie actuelle de la libération collective.

Le vice de construction dans l'organisation sociale, qui fait tellement souffrir les majorités dans le monde, est le centralisme politique qu’incarne le gigantisme du système étatique avec sa totalisation de tous les pouvoirs selon l’exclusivisme des prérogatives politiques dont il dispose. Fermé, compassé, instrumentalisé par quelques-uns, l’État est l’incarnation du pouvoir garantissant le grand ordre que constituent les systèmes socioéconomiques déterminés par les grands groupes financiers, les mégacompagnies multimilliardaires. Mais l’homme, après tant de siècles de savoirs, de savoir-faire, peut, s'il s'y met au vingt-et-unième, créer des systèmes sociaux ouverts où les structures, malléables aux mains des majorités, n’exproprient plus l’action collective au profit des oligarchies. L’homme peut inventer des systèmes sociaux de proximité contrôlables sans la pseudo-subsidiarité actuelle au service de l'État, loin des coupoles qui favorisent les tyrans et les oligarques.     

La grandeur d’un système, c’est qu’il permet l’agencement logico-fonctionnel des choses, sans quoi, il eût été impossible aux individus de produire un fonctionnement social. Cela, les fonctionnalistes, les structuralistes et tous les spécialistes de la gestalt, nous l’ont montré, démontré, parfois à l’excès voire à la caricature. Toutefois, un système social est souvent un encadrement rigide qui limite l’homme au point de le reproduire selon le schéma structurel du système, le réduire en une sorte de propriété de l’ordre des choses. Un système est très souvent une bulle, un monde fermé qui façonne tout, à commencer par les hommes qu’il implique. Ainsi, de chose humaine qu'il est, le système fait-il de l’homme, sa chose, la miniature mouvante de ce que l’on peut appeler la grandeur nature systémique.

Redondance fatale qui semble inévitable par la claustration des systèmes sociaux tels qu’ils sont conçus.

Dans les systèmes en cours, où nous constatons les terribles méfaits de dépossession de la volonté de l’homme, et d’aliénation du moindre pouvoir de toute initiative non déjà inscrite et permise dans les codes systémiques, même les dirigeants de bonne foi sont soit forcés de céder au statu quo soit obligés de résister et de se heurter aux forces structurelles institutionnelles du système en courant le risque de devenir les boucs émissaires, ce qu’ils deviennent facilement de fait, coupables de freiner ce qui fonctionne malgré les failles et défauts. Les sociétés humaines préférant un mauvais fonctionnement de facto, auquel elles s’accrochent par accoutumance et répétition, plutôt que l'incertitude et le dysfonctionnement perçus comme de l'aventurisme. Les humains, les peuples optent volontiers, par dépit, pour un ordre fort aberrant et écrasant au lieu d’un désordre où ils se sentiraient perdus. Et c’est là, la plus sûre assise de la perduration des systèmes sociaux avec leur agglutination économique et politique coiffant la production des biens et services indispensables à tous et à chacun.

Au vingt-et-unième siècle, avec toutes les percées déjà faites en sciences humaines et organisationnelles, on devrait pouvoir refonder la société en construisant un système basé sur un ensemble de communautés de production à partir d'un réseau de coopératives qui forgera une tout autre économie abandonnant celle des grandes compagnies, des banques privées commerciales et groupes financiers en cours. Une économie communautaire vouant le mode de capitalisme actuel à l'effondrement, parce que délaissé par le peuple fonctionnant dans sa propre économie, ses propres structures de financement loin de la voyoucratie bancaire actuelle et de son financiarisme pillard. Élaborer un système ouvert, un peu comme les structures de construction tels le langage et les chiffres, dont l'ouverture et la liberté constituent, entre autres, des modèles de systèmes laissant l'initiative à l'imagination créatrice et leur gestion, aux bons vouloir et savoir de leur utilisateur. Créer un modèle social nouveau, doit être possible si l’on repense les modalités constitutives des structures sociétales. Il faudra commencer par constituer des communautés auto-administratives dont le nombre de membres ne dépasse pas un certain seuil, où les membres sont géographiquement proches, avec des besoins plus ou moins similaires, des compétences complémentaires et sachant se donner des temps de débat démocratique pour réajuster démocratiquement leur mode de fonctionnement communautaire selon leur vision en administrant leur espace territorial et tout ce qui s’y trouve en tant qu’activité économique.  

Le malheur antidémocratique des peuples est dans le gigantisme de l’État auquel finalement les citoyens n’ont qu’un rapport de soumission sans aucun droit effectif et une factice influence électorale qui n’est que symbolique. C’est un peu comme la planète du petit prince croulant sous le gigantisme des baobabs de Saint-Exupéry, que je considère comme étant une belle allégorie littéraire de la fatale dérive totalitaire de tout pouvoir dans le méga-système étatique tel que connu jusque là. Remodeler le système étatique en abolissant la fonction d’un chef suprême décideur par instauration d’un comité exécutif qui n’exécute que les rapports des délégués des communautés auto-administratives entièrement souveraines dans leur subsidiarité, car sous contrôle direct des populations concernées, pourrait être une voie dans un tel ordre politique. Substituer à l’État vicié car instrumentalisé par quelques-uns, la loyauté des délégués immédiats de la communauté. Bien entendu, ici tout est à créer, à construire et à partir de consultations pertinentes constructives des forces populaires régionales qui doivent elles-mêmes se former, prendre en main leur nouveau mode de travail dans leur région en fixant les règles. Mais rien n’est impossible. Il s’agit pour les peuples de vouloir la liberté et de croire à leur suprématie dûment assumée par eux-mêmes, imbus de leur propre capacité de s’organiser autrement et soi-même plutôt que par l’État répressif et oppressif selon l’imposture oligarchique. Car une fois abandonné aux décisions étatiques selon le centralisme total en vogue, sans aucun vrai contrôle citoyen sinon que par l’autre aberration appelée législatif via des parlements qui ne servent qu’à donner l’impression démocratique dans une occurrence où la plupart des élus sont sous la coupe réglée des riches et l’influence des mêmes partis de l’exécutif, le peuple n’est que le paillasson des ignominies de l’ordre financier institutionnel, réifiant infligé par les cossus.

Pour le peuple, il est question de prendre conscience de ses possibles et d’assumer son pouvoir sans cesse déléguer à des prédateurs via des élections qui ne servent qu’à légitimer l’abominable pouvoir des nantis qui utilisent leurs semblables comme des tampons jetables. Voir et assumer la grandeur pour les humains qui font le peuple et imposer des proportions limitées et contrôlables à l’État, tel est l’avenir enfin libre des hommes en société.

Réinventer la démocratie en organisant des communautés auto-administratives, abolira la finance bancaire en créant et administrant des banques communautaires, de nouvelles normes de production et de consommation. Et, à l’ère de la cybernétique et de la communication exponentielle, armées des immenses acquis des neurosciences, des sciences humaines de l’action et du comportement collectif, de la prospective et de la praxéologie moderne, les communautés auto-administratives, usant du bagage scientifique et technologique au service réel des humains et non des tenants du capital, s’amélioreront sans cesse, guettant constamment le meilleur et en permanence, afin d’affermir rationnellement et scientifiquement le sceptre populaire pour la refonte de l’étatisation à l’échelle des peuples qui prendront finalement, le contrôle de leur destin dans une société conviviale et solidaire.

Au peuple de montrer s’il est apte à la liberté et à la dignité démocratique véritable ou s’il préfère se faire traiter en moins que rien par les infimes minorités de milliardaires ploutocrates. Au peuple de s’administrer lui-même et de cesser d’être le marchepied du sybaritisme oligarchique.

Il faut redéfinir l’administration publique, renverser le rapport d’autorité, repenser le pouvoir, le recréer au nom de tous et ne plus supporter la malpropreté politico-économique en cours où quelques parasites arrogants commandent le destin collectif dans le sens du profit de quelques cupides accapareurs, usurpateurs des biens communs des peuples.  

 

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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