Par Camille Loty Malebranche
Le fonceur et l’opportuniste constituent les deux types antagoniques de l’homo viator, les deux modalités de la conduite globale de l’homme face au choix inéluctable que chacun doit porter sur la nature humaine. Le fonceur, tel le spermatozoïde, cherche l’opportunité de donner la vie dans sa course à la fécondation des situations et talents qu’il porte, l’opportuniste est plutôt l’intrus microbien qui parasite un organisme en y guettant toutes les failles afin de déclencher son infection opportune en vue de détruire la vie.
Dans le social, l’opportuniste est sans doute le plus exécrable des méchants et profiteurs des situations de souffrance d’autrui. Là où le fonceur cherche à créer par le talent voire le génie, une voie malgré embûches et mesquineries des individus ou des institutions, dans le strict respect d’autrui, l’opportuniste est le manipulateur et flagorneur professionnel qui cherche en tout, à utiliser hommes et situations pour arriver à ses fins.
Au niveau métaphysique, le fonceur sait cultiver son être avant l’avoir, alors que l’opportuniste ne connaît que l’ostentation de l’acquis immédiat pour assouvir ses besoins de frime.
Le fonceur, homme de caractère qui ne fléchit point dans ses convictions au plus fort de sa route vers son but, est littéralement le conquérant qui affirme ses valeurs sans jamais les nier pour « réussir ». Sachant que le soi, son humanité, est la seule conquête supérieure que nulle autre conquête éphémère et profane ne saurait primer, le fonceur est l’homme du succès total intégrant et respectant l’humanité qu’il revendique, prêt qu’il est à renoncer à toute apothéose indigne qu’il juge facticité haïssable. En aucun cas, le fonceur ne cède aux facilités et aux pataugeages de l’opportunisme pour « arriver ». Vertical qui vit son engagement à être debout, le fonceur se refuse à toute reptation parmi les serpents venimeux de la prostitution et de la flagornerie qui prolifèrent dans la jungle sociale au coeur de la faune immonde du pouvoir de cooptation et les foules de l’asservissement.
L’opportuniste - loin d’être un conquérant, ce qu’il ne saurait être, l’étoffe mentale, morale, spirituelle et humaine du conquérant d’humanité accomplissant le soi, lui étant inconnue - arbore sa tronche patibulaire dans sa vulgarité valétudinaire d’intrigant et de profiteur arrogant jouant les maîtres en absence de ses maîtres. C’est le politicien aux vérités tronquées, l’idéologue corrupteur aux mensonges camouflés dont le seul sommet est la montagne d’alluvions pathogènes de l’esbroufe propre à l’arriviste sinistrement parvenu.
Le fonceur croit à la substance spirituelle du soi qui doit primer toute conquête d’un but temporel, et c’est pourquoi, la route, en sa perception, ne peut être que morale et justice envers Dieu, envers soi et envers autrui. Le fonceur sait, par ailleurs, que le chemin de la réussite temporelle, est vain s’il ruine l’être. Il proclame la surélévation de son être à accomplir sur tous les avoirs à conquérir. Pour le fonceur, la nature juste et morale du chemin est aussi importante que le chemin lui-même, que la destination elle-même.
Être de l’étoffe des fonceurs, c’est avoir la qualité intrinsèque et substantielle de la valeur, c’est s’aimer si sainement, si profondément que l’on refuse toutes les offres extrinsèques contre-nature, toutes les pitreries sociales du vil narcissisme qui pousse à tout faire pour parvenir au but à atteindre, quitte à en être transformé en dépouille de l’infrahumanité ou à puer de la décomposition des dégénérés, humains seulement par la morphologie!
Le fonceur chante ivre la grandeur de l’essence humaine qu’il cultive inlassablement dans ses moindres gestes au vin de ses jouissances et au spiritueux de ses combats. Il porte le flambeau de la Vérité de son Humanité et préfère la juste révolte. Il va, s’il le faut, jusqu’à l’intraitable luxe de la révolution plutôt que de se rabattre sur la facilité de l’opportuniste. Opportuniste, nom de cet animal penché en avant ouvert à toute proposition et utilisation dans une posture d’écarquillé disponible à toute abomination, et qui croit pouvoir s’improviser homme, à coups d’apparats acquis aux artifices décorés de la prostitution d’esprit et de corps!
La distance qui sépare le fonceur de l’opportuniste, est donc bien plus que celle, spatiale des années-lumière, existant entre corps cosmiques très éloignés dans l’interstellaire; c’est comme l’irréductible différence qui distingue l’humain se sachant esprit dont la vie et chaque acte est conatus édificateur, du banal lombric gigotant dans sa mare boueuse. Distance donc espécielle non pas phylétique, car ici, seule l’évolution dans son être par delà la chair et le sang, peut transformer le vil en précieux, via l’alchimie miraculeuse, rédemptrice de la conversion spirituelle.
Comme le suggère la pensée de Jésus-Christ : « gare à celui qui croit accumuler des richesses pour son avoir périssable et non pour son être-esprit et pour Dieu. »
Hélas! Face à l’appel de construction spirituelle du soi, comme des pourritures errantes ventilant leurs propres mouches, comme des suicidés aveugles, comme des ombres hagardes se laissant croire humaines, les cohues charnelles opportunistes, inconsciemment, incongrûment perdues à leur être, ne seront jamais strictement rien, quelles que soient les glorioles temporelles qu’elles s’octroient!
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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