Par Camille Loty Malebranche
La tolérance consiste dans les faits, à affirmer et divulguer ses convictions sans agresser autrui pour qu’il les accepte sans violenter ni ostraciser sur le plan social - en dehors du champ personnel privé où je choisis qui et quoi tolérer - les porteurs de convictions contraires.
Même dans le cas où je considère une conviction idiote ou arriérée, pourvu qu’elle n’empiète pas sur ma liberté et ne s’avère pas dangereuse pour autrui (je pense à un cas comme celui de l’excision où des adultes, par conviction religieuse, infligent des blessures et mutilations sexuelles à des enfants), je suis tenu de la laisser vivre par son porteur à qui je peux, toutefois, proposer une conception que je juge plus digne sans m’autoriser à le forcer aucunement. Cela est un aspect particulièrement important, car fondamental de la tolérance : le respect dû à tout humain, malgré ses différences. Mais attention, la tolérance sied aux domaines supralogiques, là où la logique laisse le pas à l’acte de foi et à l’ancrage mental dans une conviction. Toute conviction dans un domaine supralogique est un mode de vision non rationnellement exclusif parce que sans preuve démonstrative, vision donc variable selon les subjectivités croyantes, les niveaux de conscience, les influences et appartenances culturelles des individus et des sociétés. La tolérance se prescrit donc dans le domaine du relativisme convictionnel tant idiosyncratique que social dès que les convictions avérées sont objectivement sans dangerosité pour les pratiquants et pour ceux qu’ils côtoient.
La conviction est soit du champ métaphysique où elle appelle à être tolérée au nom de la liberté, parce que relevant de la subjectivité qui ne peut être érigée en preuve universelle pour la raison; soit de l’espace de la démonstration où elle ne saurait être concernée par la tolérance étant logiquement falsifiable, et légalement attaquable. Ici, il faut précisément ne pas confondre conviction, opinion et démonstration. La spiritualité, la foi sont du domaine strictement supralogique de la métaphysique, et tiennent du schème du surrationnel où rien de ce qui relève du rationnel ne peut être appliqué. La politique, elle, enfante non des convictions mais des adhésions et options que relatent les opinions des politiciens qui doivent, pour être sérieux, démontrer par le raisonnement, la justesse de leur option pour la justice sociale et l’intégration de tous dans le bien-être loin des prédations de quelques-uns. Ce ne sont pas des croyances que véhiculent les convictions des leaders en politique ou en science mais des démonstrations factuelles de la méliorativité de leur vue. En politique, parce qu’il est immédiatement question de la condition de vie du peuple et parfois même du monde, à moins de vouloir tromper le peuple ou le monde, les propositions économiques étant clairement soit favorables soit défavorables aux majorités, il ne doit y avoir aucune tolérance de ce qui, dans les faits s’est révélé contre les majorités. C’est par le mensonge et la force que les dirigeants imposent le libéralisme économique, le financiarisme, clairement démontré néfaste à l’économie elle-même et catastrophique pour les nations ainsi agressées.
Remarquez qu'en abordant la question de l'intolérance, nous n'évoquons même pas les haineux qui haïssent l'autre pour sa couleur de peau, sa taille ou pour un talent supérieur dont dispose cet autre, car ce n'est point contre la tolérance qu'ils sévissent, et ce n'est pas là de l'intolérance. Il s'agit, dans ces occurrences, de haine pathologique relevant de complexes graves à traiter. Le racisme ou la morve envieuse, je le redis, ne sont pas de l'intolérance mais de la maladie grave et parfois follement meurtrière à éradiquer de la société humaine.
Les haineux sont des malades mentaux qu’il faille contrôler par le traitement psychologique voire psychiatrique et parfois, par la force publique, pour les empêcher de mettre en œuvre leur crapulerie.
Maintenant, pour revenir à la tolérance, nous disons que si la tolérance concerne les convictions dans la sphère croyante, elle ne saurait être évoquée dans les démonstrations factuelles, les vérités scientifiques établies, les démarches de l’objectivité analytique. D’où, l’intransigeance doit être l’arme de l’intelligence contre les oracles prôneurs de billevesées qui voudraient substituer leur illusion contre le prouvé. Intransigeance donc contre le chef d’État ou de gouvernement qui impose des politiques économiques criminelles au peuple et paupérise les majorités pour enrichir des oligarchies, tout en arguant de conviction supralogique comme en métaphysique. Il ne doit y avoir aucune tolérance de la facticité du jugement en ce qui relève du connaissable démontrable qui se façonne à l’échelle des choix humains. En politique, la représentation n'est pas conviction à respecter car elle n'y est pas juste de la weltanschauung croyante personnelle ou collective mais de l'imposition par le pouvoir d'État, de la volonté oligarchique sur le peuple et son destin séculier.
Il faut finalement préciser que toute conviction est chose de représentation sous-tendant perception et conception dans des domaines de la vie et du comportement. La tolérance qui suppose le côtoiement des weltanschauungen selon leurs altérités représentationnelles, doit précisément être une approche respectueuse de la personne qui affirme sa différence par la représentation. La tolérance implique donc une volonté réciproque des altérités à coexister en paix. La tolérance n’exclut ni dialogue, ni confrontation d’arguments, car dès le départ les vrais tolérants savent qu’ils sont opposés et gèrent leur opposition par le dialogue même par delà la logique selon leur argumentaire de convaincus. La seule exclusion de toute tolérance effective, c’est la violence physique, sociale où l’ostracisme et la discrimination peuvent frapper l’autre mal vu pour sa différence. Mais en aucune circonstance, la tolérance n’est abdication de la volonté de transmettre les valeurs que l’on croit meilleures à l’autre. Là, la tolérance doit aiguiser l’art dialectique de la persuasion, la puissance discursive argumentative pour mener sur le terrain idéel, ses forces convaincantes dans la confrontation.
La tolérance est donc le lieu de l’opposition axiologique entre des humains différents par leur conviction. Conviction tolérante qui transcende par le respect des droits de l’autre - malgré le rejet de son altérité en sa représentation contraire du monde - la voie de la haine et de ses diableries sociales et politiques d’acrimonie, de persécution avouée ou inavouée, d’excommunication économique ou politique, de marginalisation de toutes sortes...
Tolérance, vocable de propagande idéologique de nos "démocraties" exterminatrices et ostracistes où seule la vision oligarchique a droit de cité! À dire vrai, dans nos sociétés de servitude idéelle par la pensée unique du capital où les reîtres institutionnels punissent la dissidence intellectuelle voire l’autonomie de pensée, c’est une ironie que les ayant droit médiatiques, les cerbères politiques et les cours de justice parlent de droit et de liberté alors qu’ils châtient tyranniquement l’esprit libre et ami de la libération globale du peuple des ornières idéologiques économiques qui l’asservissent!
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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