Par Camille Loty Malebranche
La face achevée de toute théorie est de déterminer un état ou une action dans le domaine humain de son énonciation, le champ de son intervention. Le poids impondérable des idées, de volume et de masse immatériels, est puissamment et activement présent dans la balance du devenir. Le théorique est la sève abstraite des mutations solides que nous appelons le concret.
Le théoricien est soit doctrinaire lorsqu’il propose une théorie de son cru, soit herméneute précisant les implications d’une théorie doctrinale à travers une lecture particulière, une grille spécifique.
La théorie est doctrinale et c’est sa différence fondamentale avec le théorème qui est juste didactique et applicatif.
Sans être la contemplation du divin, comme le veut son étymologie hellénique, la théorie porte une forme de démiurgie implantant, dans le concret des intériorités et la chaire des consciences, des idées vouées aux modes de vie des hommes par l’imprégnation mentale et la praxis comportementale. Ainsi, toute théorie est actéologie.
Le théoricien est figure de leader, guide de conscience qui fait des hommes sinon des disciples, des endoctrinés persuadés, quand ce ne sont tout simplement de vrais convaincus.
Par contre, un vrai théoricien n’engendre pas de fanatiques, car le fanatisme, pour naître, a besoin de l’exaltation dogmatique, qui, non seulement, ne fait guère appel à l’intelligence, cette voie de réceptivité de toute théorie, mais doit toucher l’émotion et déclencher le délire de l’envoûté chez le fanatisé.
La théorie est un déictique intellectuel, qui montre une voie en en démontrant sa méliorativité justificatrice par la construction logique du théoricien, loin des incitations irrationnelles des meneurs fanatisants. Toutefois, par la manipulation propagandiste d’idéologues, il arrive assez souvent que des théories bien dignes soient dénaturées en vocables pour fanatiser.
Le théoricien relève d’une catégorie du pouvoir qui s’exerce par la distillation subtile du verbe qui véhicule ses idées. La théorie est en quelque sorte l’entéléchie provisoire du monde platonicien des idées, incarnation de l’intelligible qui influence le sensible humain ou social. Dans le social, la théorie est donc comme le déclic de l’intelligible adapté qui entre dans l’espace du penser pour féconder des modes d’être personnels et collectifs (donc des états humains) ou des modalités de l’agir, selon qu’elle soit une vision de l’art de vivre ou une indication des principes de l’action.
La théorie fait la jonction de la théorétique et de la praxis. C’est pourquoi, ne serait-ce que par le changement de la weltanschauung modelée ou remodelée en elle, elle constitue un levier sûr qui détermine le mouvement par un nouveau regard et une nouvelle démarche chez l’homme ou le groupe qu’elle touche et qui la reçoit.
La théorie est l’agent de la mobilité cogitationnelle et actionnelle des hommes et des sociétés. En quelque soit son domaine d’énonciation: moral, théologique, religieux, politique, scientifique..., une théorie est une connaissance, une élaboration gnoséo-praxique (mélange de connaissance et d’appel à l’action) qui parle à l’intelligence et à la liberté de son destinataire. La théorie se corrompt en frénésie discursive quand elle cesse de parler à la raison pour n’exciter que les émotions et les passions qui finissent par fanatiser et asservir l’homme.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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