Dans la langue de Jésus, le trésor renvoie au rapport mental, sentimental et comportemental d'un humain à ce que cet humain considère comme richesse. Le trésor est la posture spirituelle ou matérialiste face au chrématistique et au pécuniaire; la gestion de l'être et de l'avoir, la conception de l'enrichissement qui détermine la nature de ce qui prime pour l’esprit et le pousse à en vouloir être possédant.
La réponse de Jésus au jeune homme riche, renvoie à une vérité fondamentale, celle de l’exigence de la vie intérieure de la foi, la communion spirituelle de l’homme intérieur avec le Père selon la propitiation de la grâce christique. Le salut n’est pas le résultat de l’observance des commandements qui tiendraient lieu d’une formule théologale de la vie éternelle, non, il n’y a pas de formule compassée et préétablie du salut personnel car chaque esprit doit pour soi-même rencontrer Dieu. Ce qui est beaucoup plus exigeant que toutes les applications minutieuses et strictes des prescrits de la lettre de la loi. La loi n’est pas une recette du salut dont les commandements seraient les ingrédients pour y réussir, les lois ne sont que le préambule à une purification mentale pour accueillir l’Esprit originel qui nous a fait émaner de lui par Amour. La loi et ses lois sont la morale anticipant l’apprentissage de l’amour à travers le détachement de tout ce qui, au monde, constitue des impedimenta contre la marche spirituelle. Car aimer spirituellement c’est avant tout se dépouiller du faux, de l’illusoire pour se rencontrer soi-même. Seul l’esprit enfin conscient de sa nature, découvrira le lien incontournable qui l’unit au Père. Et quand cela advient, il n’y a plus de place pour l’attachement au monde, attachement qui est précisément la mauvaise richesse, puisqu’il fait du monde ou de quelque objet du monde, un trésor qui ôte à l’esprit l’aptitude à aimer entièrement Dieu. L'Amour spirituel n'est jamais tiraillé, seule l'attirance dans la sphère somatique ou du charnel psychologique, peut connaître le tiraillement entre plusieurs attractions. L'Amour de Dieu chez l'esprit conscient est toujours transcendant absolu et exclusif.
La véritable foi, comme nous l'avions dit ailleurs, est mitsein humano-divin. Il y est donc question d’être en union spirituelle avec Dieu et de vivre le mystère intérieur de la présence de Dieu. Dans l’amour humain responsif à l'Amour de Dieu et d’y reconnaître la seule richesse inamovible et éternelle. C’est là, le sens de ce qu’a dit Job, homme de pratique rituelle cérémonielle et d’observance de la loi mais qui avouera au bout de l’épreuve à Dieu : « jusque-là, j’ai entendu parler de toi, mais aujourd’hui, je te vois »; c’est aussi ce que Jésus le Christ a signifié à Marthe, femme de foi conventionnelle, reprochant au Sauveur de tolérer Marie Madeleine attachée à la personne du Christ et se tenant à ses pieds tout près de lui. La réponse de Jésus fut déconcertante quand le Sauveur lui dit « Marthe, tu te fatigues pour beaucoup de choses, mais une seule est importante, Marie, elle, a choisi la bonne part, et elle ne lui sera pas enlevée »! C’est donc que la rencontre avec Dieu est autre chose qu’un code de lois tissé de commandements annonçant l’enfer s’ils sont violés. Celui qui déclare « là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » nous indique donc implicitement que c’est d’abord de sentiment, d’incandescence amoureuse qu’il s’agit. La seule proximité avec Dieu, n’existe pour l’homme que dans l’amour qu’il porte intérieurement et intimement en esprit et en vérité au Père et la communication affectueuse qu’il entretient spirituellement avec le Père, un amour qui est part expressive de la véritable Foi.
Quand Jésus dit au jeune homme « vends tous tes biens donne l’argent aux pauvres, viens, suis-moi », c’est parce que lui qui lit les consciences, il avait vu en ce bonhomme un pathologique attachement aux biens de la terre. Maladie dont plusieurs ne guérissent jamais malgré le constat quotidien des fragilités existentielles, en dépit des preuves de la volatilité temporelle de l’être matériel du vivant qui ne peut ajouter comme le dit ailleurs le Christ « un seul jour à la durée de sa vie ».
Revenons un peu à la question du jeune homme à Jésus. Le salut qui en constitue le thème abordé par l’interrogateur, a été précisément conçu par le jeune homme dans le but d’obtenir une réponse de justification par Jésus, réponse de laudation de sa qualité de bon observateur des commandements comme une sorte de découlement rhématique anticipé. Or, quel ne fut le dépit du jeune homme de se voir contester la perfection légaliste qu’il se supposait et dont il attendait l’approbation par le maître! C’est que la perfection, inatteignable ici-bas, ne peut être en ce monde qu’une anticipation contemplative de l’esprit la visant à travers le champ métaphysique de la foi accomplie qui est amour plénier de Dieu et détachement des biens du monde.
User du monde, en jouir pleinement si possible, mais toujours être conscient de la véritable richesse qu’est la Vie d’union avec Dieu, au point où seule cette dernière orchestre toutes nos appétences fondamentales, voilà, à travers sa réponse au jeune homme riche, la leçon spirituelle de Jésus à l’humanité.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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