Hyperlucidité et hyperconscience…

Par Camille Loty Malebranche

Il est de ces mots qui altèrent le sens des choses. Me vient à l'idée, en écrivant cette réflexion, le lemme « extralucide ». Oser parler d’extralucidité, c’est très mal comprendre l'ampleur de la lumière qui est en l’homme et que chacun doit développer sans jamais pouvoir en épuiser l'immensité. L'homme peut essayer, dans la part de conscience possible de son existence terrestre, part de conscience si vaste que les esprits les plus avertis n'en utilisent qu’une petite partie, part de conscience qui, elle-même, n'est qu'une infime poussière de la conscience divine exprimée dans le cosmique et le supracosmique; c'est donc carrément insensé et matamore que de se prévaloir d’un charisme qui serait extralucide. Par contre, l'effort de l'esprit à ennaturer permet une lucidité forte quand l'homme s’y met. C'est une hyperlucidité métaphysique, une hyperconscience à la fois intellectuelle et surrationnelle de l'esprit tourné vers soi pour mieux se connaître et vivre la vérité indiscursive de l’être.

La sagesse est un regard intérieur de l'esprit dépassant les bornes de l'extérieur lacunaire dans un monde rivé à l’immédiateté du tangible. Là, nous sommes comme dans la distance séparant le langagier du linguistique, différence dèjà obvie dans les langues elles-mêmes. En spiritualité, la sagesse vit le langage intérieur comme sphère métaphysique du rapport à soi, car l'intériorité est langage impréhensible à la langue. On ne peut qu'inviter autrui à l'écoute du soi intérieur. Un beau domaine pour une suilogie, une étude philosophique du sujet humain en tant que sujet, être conscient capable de rapport au sens dans ses multiples manifestations de signifiance.

La sagesse, au sens absolu, a été définie comme "science et vertu", en effet, elle est Science comme connaissance de la vérité de l’homme, de l’être et elle est Vertu, c'est-à-dire manière de Vivre selon la Vérité qui est prescription des principes de la bonne modalité des rapports de l’homme à l’être. Manière de Vivre l’essence de la nature humaine, le sens vers où doit s’orienter l’action de l'homme qui veut vivre vrai. En somme, l’absence de la sagesse n’est autre chose que vivre faux. Ici, il n’y a pas de ligne médiane et tout moyen terme est sacrilège. Le vrai absolu ne souffre pas d’être mêlé aux faux. Comme le dit l’Écriture, la tiédeur se compare à la nausée, cette chose que Dieu rejette sans appel.

La sagesse totale du Christ, celle qui prône la nouvelle naissance d’esprit de l’homme où la nature spirituelle de l'homme vit en fusion avec Dieu lui-même, est l'hyperlucidité qui refuse toute ténèbre et toute instabilité dans la connaissance de la vocation de l'homme dont le destin est l'entéléchie en Dieu, l'Esprit originel, Source de tout esprit.

La sagesse est aussi l'hyperconscience qui nous éclaire et refuse de collaborer avec un monde où le charnel psychologique individuel prend allure de thanatos politique et d'hybris idéologique dans la société, confinant les individus à une insignifiance collective où les voeux les plus légitimes sont naufragés dans les abysses des mensonges et simulacres du social anthropocide. Les charon idéologues de la société anthropocide, pourvoyeurs de l’érèbe du faux ne peuvent être exorcisés que par la désaliénation du mental collectif. Quant au juste rapport à l’être, seule l’intuition spirituelle éclairée de la révélation christique peut l’indiquer aux tréfonds de l’esprit.

Refuser le mal et ses infâmes facilités et jouissances indues par la puissance de la conviction dans la sagesse, ne manque pas de faire souffrir. Mais la question qui se pose à la conscience libre appelée à s’assumer, est: faut-il s’accommoder au monde tel qu’il est, avec ses monstruosités érigées en système pour ne pas souffrir?

En vérité, seule la canaille volontairement ténébreuse parce que lucifuge et donc coupablement inapte à la lumière qu'elle porte mais étouffe et éteint - choisissant d'être assimilée aux incohérences abjectes de ce monde insensé - vit sans refus, sans révolte! Seuls des aliénés spirituels vivent sans préférer certains renoncements, en dépit de souffrances temporaires que provoque leur prise de position, à l'assimilation déshumanisante par le délétère qui empreint l'ordre du monde.

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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