Par Camille Loty Malebranche
Il est, à travers les prédicats marxiste et marxien, deux aspects, deux champs nets qui émergent du marxisme:
1) l’analyse pluridisciplinaire des mécanismes de l’exploitation bourgeoise des masses orchestrée selon l’ordre socioéconomique capitaliste. C’est la projection analytique, logique rigoureuse de la nouvelle société délivrée du capitalisme. Projection idéologique en tant que contre-idéologie face au capitalisme.
2) la fiction d’une utopie finaliste de l’histoire qui retourne avec les tics oniriques de l’utopisme philosophique du communisme où - après avoir écarté tout divin assimilé à la religion sociale qui, pour Marx, comme avant lui, le baron D’Holbach, est « l’opium du peuple » - le philosophe de Trèves substitue selon sa rêvasserie sur un paradis social communiste, son romantisme utopiste, une sorte de métaphysique de l’évolution mentale et sociale en fin dernière terrestre et nécessaire à l’homme dans l’histoire. C’est l’envisagement imaginaire et subjectif d’une fin de l’histoire, une doxa et non une analyse. Un simple fantasme personnel, une perception fantasmatique qui n’est ni une idée élaborée ni une idéologie politique révolutionnaire.
Marxisme et révolution.
Ce que j’appelle le champ marxiste est essentiellement la vision analytique critique de l’économie capitaliste où Marx propose un nouveau sens au social via l’émergence du peuple conscientisé faisant avec des leaders, la révolution prolétarienne. Ainsi le champ marxiste est une perspective politique portant le rêve quoique difficile de voir les masses exploitées l’emporter par la révolution sur les oligarchies.
Le champ marxiste est donc la critique rationnelle pluridisciplinaire révolutionnaire (historique, psychosociologique, économique) de la condition de l’homme dans la société capitaliste où l’ordre bourgeois d’exploitation fait vivre les humains uniquement pour produire et consommer afin d’assurer la rentabilité du commerce et les privilèges des tenants du capital.
Marx est donc au champ marxiste, fondateur de sens en tant qu’il met à nu les causes de la misère sociale des majorités réifiées par quelques-uns qui s’octroient le droit de définir jusqu’à la valeur de la vie humaine en déterminant le prix de la force de travail des hommes après avoir collé en effigie sur les objets la vignette livide du prix de vente. Naturellement, comme tout sens doctrinal strictement séculier, le marxisme doit toujours être réadapté, voire dépassé en tant que réponse efficace et pragmatique non livresque à l'évolution du capitalisme tant que celui-ci subsistera.
Autant l’histoire est observation attentive des turbulences du sens collectif des hommes orchestré selon l’ordre social dominant au fil du temps à travers l’espace, autant tout théoricien construisant une weltanschauung critique de ce qui est dans le social, est créateur de sens collectif, en tant qu’il propose une manière d’être, de se percevoir et de se projeter dans la société. Car si le sens est signification, manière de saisir et la théorie, mode d’interprétation tissé pour appréhender et parvenir à des explications, le théoricien est nautonier orientant la marche vers les horizons, nocher du sens qu’il ose évoquer tout en élaborant logiquement ses sentiers.
Le champ marxiste est donc, avec ses limites qui restent celles de toute théorie séculière soumise aux grilles des critiques, une élaboration exhaustive de la possible issue des masses souffrantes au rétiaire de la complexité idéologique et praxique du capitalisme avec ses droits à la propriété privée, à la séquestration de l’État par les nantis et à l’esclavagisation des masses prises dans l’ornière du travail soi disant libre mais de fait forcé pour la subsistance minimale les gardant aux lassos des riches qui décident de leur existence par ledit travail.
En guise d’exploration du champ marxien, je vous dirai qu’il s’agit de la perspective communiste avec son espèce de métaphysique antidivine, sorte de substitution du théologique ecclésial bourgeois par l’ersatz d’une théologie séculière de la fin de l’histoire. Communisme qui devrait, selon Marx, être l’aboutissement nécessaire de l’État socialiste se pâmant dans le temps après avoir renversé et corrigé les tares et mécanismes de l’exploitation de l’homme par l’homme pour l’« égalité des hommes ». Ce qui n’est même pas de l’ordre logique de la contingence y devient une nécessité eschatologique collective.
La thèse du communisme guettant une entéléchie de l’homme dans l’histoire, oubliant le caractère supra-historique et supra-matériel du destin de l’homme en tant qu’être - un être pluridimensionnel et indéfini - est la pierre d’achoppement de la rationalité marmoréenne, implacable du Marx critique du fait socio-économique; chute de la pertinence analytique du Marx révolutionnaire politique, qui s’y révèle un utopiste à ne pas ériger en doctrinaire dans une construction révolutionnaire du changement de société! Erreur d’ailleurs aveuglément commise en certaines dites révolutions du vingtième siècle se réclamant de Marx, qui imposaient « l’athéisme scientifique » dans la plus bâclée des « critiques » de la foi en Dieu. Car l’homme pluridimensionnel ne peut se réduire au seul sens social ni trouver dans une utopique évolution sociale - fût-elle possible, jusqu’au communisme - les réponses à l’appel intérieur de la conscience spirituelle ni la satisfaction à son pressentiment de la vocation de l’esprit même ignoré, à l’éternité. Jamais rien de social, fut-ce la plus généreuse des visions révolutionnaires n’apaisera la faim de fin transcendante, le besoin intérieur d’accomplissement supratemporel de la personne humaine. Là, un homme seul est toujours vraiment supérieur à toute la société réunie en faisceau derrière la plus noble des visées autolibératrices.
Le champ marxiste demeure un rêve sublime, réalisable quoique ardu, de la justice sociale, de l’abolition de l’exploitation systémique et systématique de l’homme pour le profit oligarchique. Ce n’est ni chimère ni utopie même si le niveau actuel des majorités opprimées, exploitées frise une aliénation extrême au point que les populaces médiatiques puissent accorder leur temps à l’accouchement d’une princesse machin.
Quant au champ marxien, il est à l’échelle des individus qui s’y retrouvent mais ne saurait constituer un paramètre théorique ou pratique de la révolution populaire.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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