Par Camille Loty Malebranche
L’Homme tempérant jouit du monde comme par option ludique sans jamais être déterminé par des forces compulsives ni par la mollesse, car il domine son penchant pour le plaisir juste qu’il s’octroie. Il sait que tout est dans la mesure et que si le plaisir est contre l’ennui, suprême médication, tout devient poison si le bon dosage et l’emploi idoine n’y veillent! Le tempérant sait que la liberté est dans l’autocontrôle et que l’homme devient esclave de sa propre reddition à lui-même. Se rendre à ses inclinations jusqu’au gavage est un glissement vers l’aliénation du plaisir par compulsion. L’Homme tempérant surveille la qualité de ses pratiques, avant que celles-ci ne deviennent habitude, car les trappes du laisser-aller corrompent les goûts en mauvaise habitude puis en servitude.
L’homme tempérant est au monde comme le gourmet qui prend son temps dans l’art de jouir afin de faire durer le plaisir, à l’inverse du gourmand qui mastique à peine pour ingurgiter et se remplir! Le tempérant prend la mesure de chaque occasion de jouir d’un acte ou d’un privilège pour manifester une sage économie, à travers la saine application dans l’usage circonstanciel ou pérenne qu’il en fait. Le tempérant est sage jusque dans ses excès, car il ne cherche pas à s’assouvir instinctivement mais veut s’extasier en ayant lui-même en plein contrôle de soi, aménager l’espace et la condition de ses défoulements, ses laisser-aller.
Le tempérant au pouvoir assume son privilège sans jamais avoir besoin de s’imposer par égotisme, sachant que la pondération qui décide sans abus ni injustice est preuve de grandeur. Il marque la mesure et manifeste sa prépondérance mais sans excentricité. C’est la profondeur de son approche des hommes, sa lecture des choses et l’élaboration de ses projections qui font sa grandeur et établissent son autorité, loin des histrions en excès de zèle et de sotte arrogance qui dirigent nombre d’États, pour faire sentir qu’ils sont chefs et se laisser croire puissants. Dans les relations humaines, le tempérant est l’homme maître de soi, avec un surcroît de sagesse et de charme qui s’exhale de sa communication totale où plus que ses mots, c’est son être qu’il met en route. Charme mais pas séduction, car en l’être du tempérant, rien n’est masquage séducteur, et la mascarade, cette facticité des manières qui tient lieu d’arrhes au milieu malsain de la réussite sociale grivoise, est systématiquement, moralement proscrite.
L’Homme tempérant fait tout avec passion et hauteur sans être jamais compulsif ni abusif, son point d’honneur, c’est d’exercer son jugement pour n’être point désapprouvé en son for intérieur, sa conscience éveillée, allumée qui ne lui pardonne aucun écart de la pureté d’intention lorsqu’il pense, parle et agit.
Par manière de transcendance, l’Homme tempérant cultive d’abord le goût du plaisir de la fascination spirituelle dans la contemplation, de la jouissance intellectuelle des idées, des jeux et de l’art, de l’extatique et pure romance du grand amour.
Et, si la tempérance ressemble à la modération sa cousine mentale et comportementale, je dis que leur différence tient en ce que la modération est vertu de maîtrise de soi à l’égard d’autrui, dans le rapport à autrui, vertu tournée vers l’altérité; la tempérance, quant à elle, est le contrôle de soi pour soi-même en toute circonstance d’activité. La tempérance est la vertu acquise du jugement et du choix juste de mesure et d’application de l’action bien pesée, soupesée, comme jauge intérieure manifestée extérieurement. C’est la vertu dans le rapport à soi, sagesse tournée vers l’ipséité.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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