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Voici ci-dessous écrite en rouge, ma perception du discours de M. J-B. Nadeau concernant la langue française face à la communication... Je tiens à présenter ici, mes félicitations à l'intervenant Réjean Godreau qui a bien problématisé la chose. Remarquez que le texte de Nadeau, en noir, suit in extenso mon commentaire...

 

La plus efficace stratégie de l’hégémoniste culturel et global est de laisser croire à l’acculturé asservi, vidé de toute ipséité, que ce qu’on lui inculque et par quoi, on l’assimile, tient d’un universel rationnel voire d’une transcendance épistémique. C’est l’un des voiles de l’hégémonie totale!


Être Réifié en se croyant brillant, ressasser des breloques et inepties de mode en s'imaginant intelligent, sont les effets pernicieux, invasifs et pathologiques de l’acculturation subtile.


Camille Loty MALEBRANCHE

 

Jean-Benoît Nadeau

Source
 http://www.forumfrancophonie2012.org/blogue/2012/06/imperceptibles-impolitesses-2eme-partie/

Imperceptibles impolitesses – 2ème partie

Le dramaturge Jean Giraudoux

Lors du colloque sur la Production scientifique et les espaces linguistiques, dont j’ai déjà parlé, un professeur congolais de l’Université Laval, m’avait beaucoup inspiré en citant Jean Giraudoux qui écrivait dans La Guerre de Troie n’aura pas lieu :

« Les nations, comme les hommes, meurent d’imperceptibles impolitesses. »

J’en ai parlé dans ma précédente chronique sous l’angle civilisationnel, mais j’y reviens au sens le plus simple du mot politesse : ce qui est lisse. Ce qui m’amène à faire le lien entre la politesse et l’art de communiquer, qui consiste essentiellement à présenter ses idées de façon lisse.

Plusieurs présentations – notamment celles des professeurs Gail Taillefer (Université de Toulouse), Serge Borg (Université de Franche-Comté) et Gérard Boismenu (Université de Montréal) – nous ont rappelé à quel point les francophones et en particulier les Français maîtrisent mal les techniques de la communication scientifique. Et pas seulement en anglais puisque les revues scientifiques en langue française sont rares, ce qui nous indique qu’il a là un bateau que les francophones n’ont pas su prendre dans un passé récent.

Pour le dire simplement, ils ont beaucoup de mal à se conformer à l’impératif d’écrire pour être compris.

Comme auteur et comme journaliste, j’observe la même chose depuis 20 ans – sans pour autant avoir pu mettre le doigt sur la cause exacte de ce problème. Si j’étais étudiant au doctorat, j’en ferais mon sujet de thèse.

Du début du XVIIe siècle jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les élites francophones, en particulier françaises, se faisaient un point d’honneur d’écrire clairement. Aucune langue n’a pour nature d’être plus ou moins claire qu’une autre, mais les Français avaient développé une profonde éthique de clarté. Ils ambitionnaient d’écrire pour le monde.

Depuis deux ou trois générations (je ne saurais établir une date exacte), cet esprit s’est émoussé. S’il n’a pas complètement disparu, on observe des carences aux quatre coins du monde francophone – dans les publications scientifiques, mais cela est aussi évident dans l’ensemble de l’édition.

Un de mes rédacteurs en chef, Jean Paré, disait jadis :

« Les Français s’expriment et les Américains communiquent. »

La formule est lapidaire, mais elle est claire.

Dans mon métier, les exemples sont archinombreux. Les pratiques éditoriales françaises vont souvent à l’encontre de la clarté. Les revues françaises sont dépourvues d’alinéas, qui rendent lisible la structure des textes. Les livres n’ont pas d’index. Les auteurs écrivent souvent des phrases longues et sinueuses. Les rédacteurs n’osent pas retoucher les textes.
Certains grands esprits (et nombre d’esprits moins grands) s’ingénient également à écrire de façon confuse et inintelligible. Je me rappelle que, étudiant, j’avais été surpris et déçu de constater à quel point Michel Foucault est illisible en français. Pour comprendre où il voulait en venir, il fallait utiliser la traduction anglaise.

Dans cette logique d’expression, l’auteur s’exprime et c’est au lecteur de construire le sens. Cela peut se défendre s’il s’agit d’expériences littéraires. Mais l’hermétisme est carrément suicidaire et contreproductif quand il s’agit de communiquer. Qu’un chercheur le fasse, c’est son droit. Quand des cohortes entières écrivent dans cet esprit, c’est un syndrome.

Second exemple : une comparaison des encyclopédies Britannica et Universalis en dit long sur cet esprit différent et ses conséquences. Il est vrai que les articles d’Universalis sont souvent destinés à des lecteurs plus spécialisés, mais les rédacteurs font peu d’efforts pour simplifier leur langage. Ouvrez les deux encyclopédies à l’article sur Balzac. Celui de Britannica se divise en trois parties : la vie de Balzac, son oeuvre, le sens de son oeuvre.

L’article d’Universalis, trois fois plus long, ne suit aucune structure claire, son auteur cherche visiblement à s’exprimer.

Résultat : sa logorrhée ne communique rien et le lecteur irrité se tourne vers une autre source.

Cette posture est d’autant plus curieuse qu’elle est antiencyclopédique puisqu’elle ne donne le savoir qu’à ceux qui savent déjà.

Il est heureux que tous les francophones n’adhèrent pas à cet esprit hermétique, mais l’imperceptible impolitesse est là – jusque dans la façon dont on pense l’écrit.

 

Lire Imperceptibles impolitesses – 1ère partie

Pour en savoir plus sur l’auteur, www.nadeaubarlow.com

8 commentaires

  1. Nahi

    4 juin 2012 à 18 h 43

    En sciences, je crois, les francophones auraient besoin de la méthode BCD (Bref Concis Directe) ; nous écrivions tellement long que le lecteur Beta se perdrait dans nos idées, pensées…

    Que «d’imperceptibles impolitesses! » ;)

  2. 4 juin 2012 à 23 h 33

    Bonjour Monsieur Nadeau,

    Je ne sais si vous cherchez amicalement à provoquer des réactions – c’est ce que j’espère -, quoiqu’il en soit, je trouve que vous poussez le bouchon un peu loin avec de telles généralisations. À la veille d’un rassemblement de l’ampleur de celui qui se prépare à Québec, je les trouve carrément suicidaires. Sans compter qu’elles sont susceptibles d’orienter les débats dans une direction qui ne m’apparait guère productive.

    Une fois de plus, voilà sorti l’immonde fouet de l’auto-flagellation ! Ah ! qu’il est populaire en cette époque où la langue de l’autre semble plus désirable que la nôtre !

    J’ai vécu quelques années en Europe non francophone et plusieurs années au Canada anglais; je suis parfaitement bilingue et baragouine l’espagnol ainsi que l’allemand. Ce que j’ai appris de plus précieux au cours de ces années hors le foyer de ma langue maternelle, c’est qu’une langue en vaut bien une autre et que le français n’a pas à se sentir moins attirant, moins « sexy » que l’anglais. Que ce soit dans les médias ou dans un congrès scientifique !

    Honnêtement, je n’en peux plus de cette attitude défaitiste. De cette impression de décalage que d’autres s’ingénient à nous enfoncer subtilement au coeur à travers tant et tant de commentaires formulés sur un ton qui se veut objectif mais qui, en réalité, n’a d’autre objectif que de mettre hors-jeu. Ce ton, qu’à regret, je reconnais dans votre billet.

    Voyez-vous, cette façon de communiquer à l’anglaise que vous semblez tant apprécier, moi, je la trouve carrément étouffante. Elle nous vient en droite ligne des Lumières et procède d’une vision des choses entièrement linéaire et causale.

    Le français m’apparait résolument plus moderne, plus axé sur la pensée divergente. C’est sans doute là le génie de cette langue, qui est mienne : sa capacité de penser à plusieurs niveaux simultanément. Que des intellects formés dans l’esprit d’une langue différente aient de la difficulté à suivre, je le conçois très bien. Cela ne constitue toutefois pas une raison valable pour acculturer le français.

    Freud disait à peu près la même chose de Jung. Il lui reprochait son caractère brouillon. Quelques décennies plus tard, la pensée freudienne prend l’eau alors que la psychologie jungienne poursuit lentement mais surement sa patiente conquête.

    Cette autre langue que vous portez en si haute estime est, quant à moi, liée en grande partie au champ culturel élargi de la pensée unique. Cela forme un tout monolithique et possède toutes les caractéristiques d’une pensée, ainsi que d’une vision du monde, profondément colonisatrices. À constater l’ampleur de l’adhésion dont elle est bénéficiaire actuellement sur cette planète, force est de constater que c’est bel et bien ce qu’elle est.

    Rassurez-vous, je n’y vois rien de mal. Les francophones n’ont d’autre choix que de considérer cet état de fait comme un fabuleux défi à relever. Je me plais à penser que le français conserve sa fougue, sa jeunesse; c’est une langue profondément romantique dans son essence. Une langue audacieuse, curieuse. Elle sait être sérieuse mais répugne, à ce moment précis de son histoire, à se prendre au sérieux. Peut-être a-t-on vu les limites, voire les affres, du colonialisme ? Qui sait ?

    Moi, c’est la langue avec laquelle je me parle en moi-même. C’est aussi la langue dans laquelle se déroule la presque totalité de mes rêves !

    Je n’ai rien, mais absolument rien contre l’anglais que je pratique et que j’aime. Mais de grâce, évitez de me gâcher mon plaisir avec des propos comme ceux que vous tenez dans ce blogue. Et avec lesquels, vous l’aurez compris, je suis en profond désaccord.

    Bien à vous,

    Réjean Gaudreau

    • Jean-Benoît Nadeau

      6 juin 2012 à 15 h 21

      Cher Monsieur Gaudreau,

      Comme vous j’espère – mieux: je crois – que le Forum suscitera des changements d’attitude. Étant naturellement porté vers l’action, j’espère encore davantage qu’il suscitera des initiatives.

      De façon plus particulière quant à votre premier commentaire, je suis surpris de la charge que vous me faite porter – à savoir, celle de critiquer outrancièrement les francophones. D’abord, si vous jetez un oeil sur les quatre douzaines de billets et d’entrevues que j’ai produits depuis 4 mois, vous pourrez constater qu’il en va tout autrement. Vous vous méprenez donc sur mon intention générale.

      Cela fait maintenant six ans que je répète sur toutes les tribunes que le français n’a pas dit son dernier mot, qu’il faut cesser de donner crédit aux «déclinistes» et que la langue française se porte nettement mieux actuellement qu’on veut bien nous le faire croire. C’est d’ailleurs le sens de mon tout premier billet sur les chiffres du français, qui va exactement dans le sens de vos idées.

      Toutefois, un regard heureux sur la francophonie ne signifie pas
      l’angélisme: les parlant-français ont deux gros problèmes à surmonter et qui sont bien connus: le défi de prospérité et le défi d’une communication plus étoffée, plus riche et plus dense. Pourquoi croyez-vous que deux des quatre volets du Forum portent sur l’économie et le numérique? Ce serait mal servir la langue française que de ne pas parler de ces défis à relever, mais ce serait également mal servir la langue de croire qu’ils sont insurmontables.

      Personnellement, je crois qu’il importe davantage de susciter des initiatives nouvelles que des changements d’attitude. J’aimerais être optimiste sur la nature humaine, mais j’ai pu constater que rares sont les gens capables de changer d’idée, de paradigme ou d’attitude. Ils meurent en général avec les idées qu’ils se sont formés à 20 ans. Par contre, et c’est précisément là le but du Forum, si nous pouvons susciter chez les jeunes des projets, des actions, des entreprises et des initiatives qui vont dans le sens de nos idées, le Forum aura accompli beaucoup.

      J’espère donc que le Forum donnera à tous ceux qui ont des projets, des actions, des entreprises, des initiatives l’occasion de les exposer publiquement, d’en débattre, et de trouver des alliés, des associés, des collègues, des complices, des collaborateurs – voire de futurs employés.

      Bien cordialement,

      Jean-Benoît Nadeau

  3. Nahi

    5 juin 2012 à 10 h 20

    Oueh, Monsieur Gaudeau, c’est aussi cela être francophone, quand les opinions divergent…pour de meilleures synergies. :)

    Une chose est sûre et vécue, je pense, certains domaines (physique, chimie, mathématiques, informatique… pour ne citer que ceux-ci) de la vie nécessiteraient l’adaptation concomitante, sous risque de se voir dépasser par le rythme du temps…

    Cordialament.

  4. Nahi

    5 juin 2012 à 10 h 21

    Monsieur Gaudreau, dirais-je ;)

  5. 5 juin 2012 à 20 h 19

    Nahi, Nahi ! J’aimerais être habité par le calme détachement que semble procurer à certains le relativisme, très en vogue actuellement. Mais cela m’est impossible. D’une part, cette non-position récuse le sujet (déjà, la chose apparait plus que louche); par ailleurs, sur les questions linguistiques, celui-ci maintient indirectement le statu quo, donc permet aux forces de centrifugation de continuer d’agir, favorisant ainsi la lente dérive du français.

    Ce qu’il faut changer en priorité, c’est l’état d’esprit ! Pour tout dire, j’ai la nette impression que la plupart des francophones de la planète sont actuellement déprimés ! Terrible constat. Tout semble tellement plus cool, plus in, plus hype, plus big en anglais !

    Pas vraiment surprenant. Les vaisseaux insubmersibles du complexe militaro-culturel américain règnent en maître sur les mers intérieures de milliards de terriens. La musique, la vidéo, le cinéma, Face de bouc, Twitter, etc. Bien évidemment, cela brancherait n’importe qui en déficit identitaire. Et/ou carencé en sentiment d’appartenance. Et/ou en quête de valorisation de l’estime perso.

    On trouve certes dans ce déferlement des oeuvres de valeur. Un tank peut cracher autre chose que des obus; on trouve des canonniers de génie partout. Il y a là beaucoup à apprendre et à bonifier. Sincèrement. Tout comme auprès des italiens, des espagnols, des chinois, des mongols, de toutes les cultures.

    Ainsi, va pour toutes les alliances de synergisation, va aussi pour toutes les adaptations concomittantes interculturelles! No problemo ! En autant que ces rencontres avec l’Autre se fassent en ayant au coeur l’inflexible conviction que nous nous y adonnons d’égal à égal, dans la reconnaissance mutuelle du plein droit et de la plus sacrée légitimité d’exister. Et non pas comme des perdants cherchant à sauver la face avant d’agoniser.
    Pour faire plus big, cessons de nous considérer comme des « loosers » !

    Que le Forum de Québec devienne le point tournant d’un profond changement d’attitude des francophones du monde entier ! Il est plus que temps de regarder devant ! Confiants. Avec un immense sourire au coeur.

    Amitiés.

  6. Nahi

    6 juin 2012 à 14 h 47

    Réjean,

    Que les mots ne puissent souvent exprimes les sentiments holistiques, sans se verser sur la question de savoir qui aurait plus raison sur qui, l’idée étant un souhait de faire plus in (= meilleur), dans le monde francophone…
    Vive l’unité dans la diversité.

    Amitiés.

  7. 6 juin 2012 à 16 h 57

    Cher Jean-Robert et cher Nahi,

    Un tout dernier mot. De ces quelques lignes échangées fort cordialement, je retiens que nous nous entendons complètement sur l’importance d’une certaine relance. Que celle-ci se fasse par des projets petits et grands, discrets ou audacieux, par des écrits ou des discours de motivation, par des appels murmurés ou tonitruants à un changement d’attitude, importe peu. Je suis convaincu que toutes ces voies doivent être ouvertes et fréquentées abondamment. J’y ajouterais celle des modèles. À la télé en particulier. Il est souvent question de données statistiques dans les médias mais à quand remonte le dernier grand chant d’amour à la langue diffusée en heures de grande écoute?

    Jean-Robert, vous faites un travail admirable. Si mes propos vous ont semblé un peu musclés, voyez-les comme une interpellation générale au lectorat. Je les attribuerais à 20 ans de vie dans un quartier de Montréal où la défense du français est sans cesse à recommencer.
    Cela laisse sans doute des traces. Encore, cet après-midi …

    Puisse ce blogue attirer celles et ceux qui vascillent ! ;-)

    Fraternellement, tiens !

    Réjean Gaudreau

Tag(s) : #Dossiers spéciaux, articles et vidéos
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