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Par Camille Loty Malebranche

 

Avec son intervention dans les sciences humaines et sociales, comme en linguistique avec la veine d’un Saussure, la sémiologie est devenue une vaste terre de recherches constamment en friches. Elle ne se borne plus, dès lors, à la médecine caractérologique à laquelle elle a toujours appartenu depuis son intervention dans le capital épistémique de l’humanité.

 

La sémiologie qui nous intéresse, c'est celle qui pense le signe comme ce qui renvoie, indifféremment au domaine de savoir considéré, à l’étude du non-exprimé c’est-à-dire de toute expression implicite de la factualité humaine. Car le signe nous place devant un schème pluridimensionnel ne pouvant être compris que par une approche pluridisciplinaire. Le signe est donc le lieu d’un incontournable holisme vu le recoupage des paramètres de l’identification des choses voilées de notre vérité tant phylogénétique, ontogénétique que sociale.

 

Dans un monde de simulations, l'éduction des déterminations idéologiques dans l'interprétation des choses et situations fait de la connaissance des signes, le seul lieu possible de la vérité. Soit dit en passant, que même le corps, unique instance médiaire de toutes les dimensions de l'homme comme être-au-monde, a été dénaturé en corps-reflet, simulacre bioérotique, à travers une pseudo somatocratie, par l'image médiatisée photographique, cinématographique, télévisuelle ou numérique sur le web. Aventure mercantile et chosifiante, nourrissant une sorte de voyeurisme de la consommation selon le vœu des seigneurs lucifuges de l'ordre du capitalisme commercial, réificateurs et corrupteurs du rapport de l'homme à l'être, altérant et réduisant substance et dimensions en un quasi néant! Il existe hélas, un seul invariant : la consommation et sa doctrine! Car il s’agit d’endoctrinement or endoctriner c’est agir par la modélisation d’une vision qu’on impose, c’est programmer l’homme. L’endoctrinement pour le pragmatisme réduisant tout au rentable - cette tare capitaliste, cette agressivité de l’urgence et de l’immédiat de la production - doit être dénoncé dans ses signes au mépris de ses symboles manipulateurs. C’est pourquoi nous disons ici que ce ne sont pas que des contrefacteurs car le contrefacteur ne falsifie que les choses. La sémiologie est donc un site de fouilles immense pour la recherche herméneutique et anthropologique. Le signe nous place dans la ligne de mire de l'action objectivante dérivant des sciences humaines et de la connaissance en général, autant comme émanatrice que comme émanée. Il s'agit donc du rapport de l'homme au signe, ce que nous étudions sous le vocable de sémioanthropologie.

 

Le signe est en soi "matérialomorphe ", (c'est à dire ayant toujours une forme matérielle). La physicalisation de la vérité théologique ou cosmologique tout comme la "somatisation" anthropologique (qui n'est pas ici somatologie parce que s'étendant sur l'homme dans sa pluralité infinie) sont l'indication de l'évidence "matériale" du signe. C'est que le signe comme forme indiciaire de la réalité ne peut que se corser dans le physique de l'homme, du social ou du monde. Même les signes de l'alphabet sans relever du physicalisme procèdent de cette activité "matérialisante" et "physicalisante" du discours. Là, où le son émis était forme physique intangible, les signes miment, esquissent une "matérialité" par une sorte de productibilité graphique du langage arrachant celui-ci à son abstraction en lui prêtant un contour par la graphie. Et même, les sociétés sans écriture de la préhistoire, par leur gravure, assignaient déjà la valeur graphique et donc sémiologique au langage. Les bricoleurs de la recherche sémiologique et anthropologique sont en présence d'une infinité complexe qui, pourtant, manifeste l'économie c'est-à-dire le fond du substratum de toute configuration.

 

Le signe qui n'est jamais pensé en simple parce qu'interprété et outil interprétatif, étant l'émanant dans la dynamique d'émanation ontologique et de rapport à l'être émané, ne constitue pourtant pas un jeu dialectique de l'identité à l'altérité, mais un rendu de l'unité et des différences ou contradictions qui forment tout être, car l'être est configuration. Dire ainsi que l’être est configuration, c'est préciser qu'il est nature c'est à dire (substance) et structure, c'est à dire (forme et fonctions). Il s’agit d’éviter les informations tronquées et le savoir volontairement lacunaire que les establishments divulguent selon une sorte de mysticisme résiduel remontant aux dissimulations mystifiantes des maîtres religieux du passé, mysticisme résiduel perdurant en plein cœur du rationnel scientifique et du logos cognitif d’aujourd’hui trop souvent réduit à la contemplation verbeuse des classiques et l’interdiction de toute interrogation nouvelle perçue comme suspecte et antiacadémique! En sciences humaines, l'homme figure comme un agent-patient sémiotique, à la fois sémiogène et sémiofère. Il suffit de constater la fonction mythographique ou la fonction idéogrammatique encore rencontrée dans une écriture telle l’alphabet chinois (qui se distingue de ce que le langage moderne appelle morphographique), dans l'écriture mystique de la cabalistique et les hiéroglyphes sacrés qui forment l'écriture hiératique jusqu'aux symboles les plus complexes, pour saisir que les signes de l'homme "sujet-objet", sont ceux d'un artefact où l'homme se voit assigner un rôle de générateur et de porteur de signes. Bien-sûr il y a des signes naturels tels : la grisaille qui annonce un mauvais temps ou le ventre arrondi d'une femme qui indique sa grossesse, mais cela va toujours relever des sciences naturelles.

 

En matière de sciences humaines, nous avons affaire au sens établi par des symboles qui ont fonction de signes en ce qu’ils vont définir aux yeux du sémiologue au-delà de leur message primaire et immédiat instauré par les seigneurs des structures de la société. Car si le signe est émanation de la substance alors que le symbole est artifice significateur apporté par l'homme, il est indéniable que le symbole comporte des signes pour l'herméneute allant au-delà de son phénomène, son sens affirmé par ses créateur, ses affirmateurs. En sciences humaines, dans la culture, le signe qui est émanation des essences au niveau de la nature, devient manifestation de l'essence du sens artificiel établi par les chefs politiques, hiératiques, les mythologues, les précepteurs, les désignés sages, bref, les orienteurs s'érigeant façonneurs de signification dans la civilisation à l'endroit de leur société voire de l'humanité. Car quel peut être la fonction du totem, de la mitre pontificale, du sceptre royal, du sceau présidentiel voire du titre universitaire sinon que l'établissement de ce qui est tout pour la société : le sens! Le sens est donc ce qui institue les repères par lesquels les individus, selon les sociétés auxquelles ils appartiennent, se jugent et se positionnent. Le signe comme substance médiaire, instance révélationnelle qui n'est pas l'être, exige à être objectivé dans sa vérité fascinante de porteur de cette chose insolite, à l'origine de tous les dualismes et manichéismes : sacré-profane, hauteur-abîme qu'est le sens. Le sens, ce lieu où l'esprit, autant hypostase métaphysique que cogitante-cognitive, s'érige en essence "subjectale" (car ici nous parlons de la matérialité contenant l'intériorité du sujet, pas seulement de ses propriétés ou ipséités psychiques) et transcendante par rapport au monde qu'il empirise!

 

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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Tag(s) : #Monde du Concept
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