Par Camille Loty Malebranche
La réalité suppose l’idée d’un contour découpant l’espace par sa forme ou la présence d’une situation ostensible ponctuant le temps et l’espace; la réalité constitue la factualité du monde et des choses, cette dimension qui établit le statut de fait de quelque être ou chose, dimension où les êtres sont objectivement vérifiables. Le mot réalité est en fait la désignation de la factualité. Elle est un construit à partir de la perception, et dans le domaine social, la réalité est tout entière un produit de l’idéologie, en tant qu’elle tient de l’artificiel et n’existe que par l’homme.
La vérité, elle, se passe du regard de l’homme et existe en soi. Elle fait sentir la nature imperceptible inscrite dans la nature visible des êtres et du monde. Seul l’esprit sachant se libérer des formes et des bornes du concret avec les illusions sensibles, peut voguer sur l’océan insensible et inconnu de l’abstrait si grouillant de vie qu’est la vérité, y plonger afin de mieux pêcher les essences cachées dont recèlent ses eaux profondes, prolifiques, vivantes...
Au prime abord de la sémantique courante, réalité et vérité sont des termes interchangeables parce que référant à ce qui existe, se passe, dont l’événementialité est constatable, la factualité vérifiable. Dire que la place rouge est à Moscou, est un énoncé relevant du type de logos dit apophantique où la réalité de la chose est aussi la vérité, où réalité et vérité se confondent donc dans le fait établi, la factualité du réel. De même, au niveau de nombreuses connaissances scientifiques expérimentales, les lois pérennes de la science sont indifféremment réalités ou vérités, par exemple, l’eau bout à cent degrés centigrade, est une réalité, une vérité établie dans les faits. Là, la science n’apporte à la réalité dite vérité empirique que la quantification et la légifération de sorte que la réalité soit vérité par elle, élucidée.
Par contre, au niveau des représentations, ces champs de l’herméneutique à partir des constructions mentales et logiques des individus et des groupes, réalité et vérité finissent par totalement s’opposer et se contredire. Du reste, si le monde existe, que notre présence est sans doute la preuve la plus irréfutable de son existence dont nous relevons, la réalité de la nature du monde est loin d’être la vérité de la nature du monde. Dans cette perspective, la réalité renvoie à l’objectivable, au tangible, alors que la vérité pose la question de l’essence de la nature, de cet abstrait qui détermine le concret et qui donc, est la substance du monde. De la gestalt infinie, globalisante dite monde, la vérité est cette sorte de saisie du substratum dispensateur de la nature imperceptible qui, par émanation, détermine la réalité du monde avec ses éléments constitutifs, sa forme matérielle et réelle.
Par ailleurs, la réalité est instance de matérialité, de preuve, d’immédiateté, de mensuration, donc du quantifiable pondérable du monde, alors que la vérité est l’instance cachée non révélée, dimension du supramondain. À ce titre, la vérité est métaphysique et expédie comme illusoire tout ce qui ne demeure. Car la vérité est permanente et se refuse d’être l’apanage du changeant dont l’impermanence signe l’assimilation au reflet où les choses mentent sur le plan de l’être avant de disparaître dans le néant. Tout ce qui ne relève de la substance pérenne, est illusion et mensonge que la matière et les sens se racontent à eux-mêmes... Non pas que les êtres matériels soient faux, illusoires, mais parce que notre figement à ce qui passe nous réduit à la dimension finie non essentielle de notre propre être. La vérité à ce compte est voilée pour un être vivant dans un corps, où il est difficile d’imaginer l’Esprit comme Hypostase, un être ex soma, Personne immatérielle, Conscience pensante, parlante et agissante sans la corporéité qui fait la présence physique pour la dimension sensible où nous vivons! D’où, la vérité est inexprimable, inaccessible mais éprouvable au stade spirituel et théologal (Hénologie de l’être même de l’homme comme Personne en tant qu'esprit habitant un corps, que l'intuition spirituelle fait sentir comme vérité théologale, face de Dieu éprouvée en notre propre nature intérieure). Vérité théologale à ne pas confondre avec le construit théologique qui n’est que considération discursive des rapports de l’homme au divin.
Chose du constat immédiat du monde, la réalité ne s’élève point dans les hauteurs profondes de l’intuition où la Vérité se révèle par delà le phénomène des choses et leur contenu matériel. Les truismes ou réalités dites vraies selon les lubies situationnelles individuelles n’arrivent même pas à la toison sacrée de la Vérité Immuable que seul l'Esprit conscient de soi peut éprouver par l'intuition.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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