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Rien n'est plus opaque que l'évidence. CLM

 

La profusion des Talk Show et de leur culture « people », ces émissions de télévision vouées à l’exposition publique de l’intimité est si envahissante qu’il faille s’y arrêter un peu pour interroger par ce fait de société, la condition sociale de l’homme contemporain, condition de délaissement et de désespoir de l’individu muré dans sa solitude et ses communications factices, sans partage humain dans l’espace public hyperpolicé, monopolisé par les messages de l’idéologie mercantile du marché. Il faut aussi souligner que sur le plan étatique contemporain, l’intimité a changé de sens par la société surcontrôlée d’aujourd’hui qui fiche tous les dossiers des individus dans les banques de données informatiques de l’État.

Homme, ou plutôt simple individu d’une espèce ayant perdu ses réflexes de communication et de rapprochement relationnel-interpersonnel, l’être encore appelé humain - je préfère dire l’animal humain - aujourd’hui se fourvoie dans la bêtise des barbaries civilisationnelles comme un prisonnier cloîtré dans des murs immatériels. Cet animal humain qui promène et caresse son chien mais crache sur son semblable n’est qu’un être anthropomorphe en vain pris pour Homme ; être si dévié des réflexes de sa nature et surtout si miséreux, qu’il ne constitue plus que la proie consentante de l’économie. Ce n’est point l’âge de l’homo oeconomicus, où l’homme primerait l’économie mise à son service et sa prospérité effective, mais la primauté de l’ordre économique qui efface l’expression de l’humanité des individus. C’est le temps des hommes-rouages de l’automation, où les rapports des hommes entre eux, se modèlent sur le virtuel de ladite ère de l’automation. Au temps de la société mécanicienne, l’industrie, malgré sa réification de l’ouvrier, permettait encore le contact rapproché qui laissait une marge de communication et donc de pouvoir des groupes humains face au pouvoir officiel de l’État. Aujourd’hui, l’individu se rabat sur la culture people qui remplace les congrès populaires ; et les révoltes sont prévenues par la dégrégarisation des stratégies de lutte minées à la base par l’éloignement interindividuel !

Dans une société où toute la prétendue intimité est information accessible aux autorités médicales ou policières, dans un monde où les formes du loisir sont de véritables organes de manipulation idéologique telles la télévision et les jeux vidéo, dans un monde où la sexualité devient presque exclusivement un espace de performance et d’assouvissement physiologique du bas ventre sur les modèles du porno, l’homme des mégalopoles se cherche dans le factice une vérité à son humanité en lambeaux. Humanité ajustée au rythme des médias et des effets de mode planifiés par les concepteurs des maisons de production de gadgets et de biens de service, de vogue vestimentaire, des spécialistes de santé et de moulage du corps, sans oublier les néo-intellectuels du « vivre mieux » ouvrant boutique de bien-être par tout un pan de l’édition livresque contemporaine.

C’est donc un prétendu être humain rendu si effacé, si apathique qu’il ne veut ni même ne peut avoir de relation normale avec son semblable sinon que dans le rôle pitoyable et réifiant que lui assigne la nouvelle culture sociale d’incommunication où les grands organes mainstream des mass media voués uniquement à la promotion du marché, se servent d’un pseudodiscours de rapprochement des classes et d’harmonie sociale pour manipuler l’opinion publique.

Talk show, communication factice propre à la société individualiste.


Le rapport chaleureux, vrai et vivant, charnel et mental entre être humains, devient quasi impossible ; parce que biaisé au départ par la présence sournoise mais féroce de l’idéologie d’incommunication et d’individualisme faisant de la société une collection d’ombres errantes inférieures au statut des animaux sociaux comme la fourmi et l’abeille. Et l’homme, soi disant individualiste, car l’individualisme ne peut exister que si l’individu le choisit librement, obtempère grossièrement à l’ordre de l’émiettement et d’isolement de la personne humaine façonnée à dessein pour n’être qu’une fonctionnalité, une option dans l’automation sociale.

Une liberté taillée sur mesure par les maîtres de l’institution sociale obnubile ainsi les foutus prétentieux qui voudraient manifester une souveraineté méprisante et aliénée contre leurs vrais pairs mais déifient la canaille héroïsée par la presse populacière et idolâtrent les patrons du social tout en critiquant leurs démarcheurs que sont les politiciens. Le misérabilisme humain accoutré en arrogance et mépris du semblable est un fait de société. Ni le petit fonctionnaire qui feint une rudesse de caractère face à son voisin mais qui ira lécher volontiers la patte du chien d’un quelconque présentateur de télévision, ni le triste marchand de biens grossier qui se prend pour le nombril de l’abîme, ne sont humains malgré leur posture anthropomorphe capable de tromper ceux qui les côtoient. Cette déshumanisation infrabestiale des villes, car la bête garde au moins les réflexes de vie de la nature, est en fait le plus terrible coup asséné à la vie et aux essentiels potentiels humain d’échange et de partage pléniers. Car qu’on le veuille ou non, la personne humaine ne peut être qu’au-delà de l’individuation systémique assignant les humains au statut claustral d’individu dans l’immatérielle tour carcérale des complexes que lui inculque la société, tel un vide substantialisé des simulacres.

La personne humaine communique ou se zombifie, se transforme en ombre ambulante. Et communiquer, est ontologique car du reste, après tout, on ne communique que de soi, on ne communique que soi. Ailleurs, c’est de la schizoïdie déguisée dans l’univers catatonique des dépendants de la horde des médias toxiques et agressifs par leur mimétisme d’informations surabondantes, les loisirs débiles et faux services qu’ils proposent ! Une détérioration « people » du débat social et de l’espace public. On bombarde le peuple de nouvelles et surenchérit sur le droit à l’information au moment même où tous les grands médias sont alignés à l’ordre infâme du marché étant propriété d’entrepreneurs eux-mêmes membres de l’oligarchie capitaliste. On les fait repus de nouvelles sous-informantes pour qu’ils n’aient guère envie d’aller aux causes de la réalité socio-capitaliste présentée indépassable par la grande presse. En vérité, la « culture people » émise à travers les Talk show, ont l’heur d’enfanter une véritable classe de lumpen consommateurs consommant compulsivement toute la contre culture ignare du télévisuel populaire, gobant tous les réflexes et suggestions du mimétisme de la vie des vedettes et stars de toutes sortes des Talk show, et dénaturant le statut de citoyens responsables et voulant influencer la société par l’action civile digne.

 

Ordre diabolique de la simulation.

 

Nous sommes dans le domaine de la simulation et du reflet, tout ce qui se fait n’est en réalité que surenchère d’apparence pour faire impression. La communication de masse dans une société à la fois repue et indigente par le plus curieux des paradoxes, orchestre l’incommunication en éclipsant la véritable communication interhumaine. Mimant l’abolition des clivages de classes, elle renforce les clivages interpersonnels en falsifiant jusqu’à l’intime rapport à soi des individus, ce qui altère naturellement le rapport interindividuel. Ce nouveau foisonnement des États concentrationnaires d’une autre forme, que cache l’explosion des médias, est sans doute la pire des misères humaines de notre temps. Puisque disons-le, l’homme, dans tout son empan, est effusion de soi à l’univers et à autrui tant dans la sphère métaphysique du divin que dans celle politique du social. Cet élan fort à l’autre, brimé par l’ordre social, les individus comme des ombres mimant vie et fièvre, véritables zombies cauchemardesques des villes, sont désormais à la disposition exclusive des seigneurs de l’économie et des mufles de la finance. Alors, pour berner les naïfs, on invite toutes sortes de spécialistes parfois soudoyés ou idéologisés de la santé et de l’écolo pour justifier le progressisme social de la formule Talk show, ceux-ci servant de tremplin au vrai destin de ces émissions qu’est l’ovation de leurs vrais convives que sont les stars, les amuseurs publics, les foutriquets rieurs, les bouffons, les humoristes histrions bénis par l’auditoire bête pour rire idiotement d’individus mal pris, ce, sans oser attaquer les causes du misérabilisme social malgré la surabondance. Tous ces singes sur scène se veulent sympathiques afin d’exacerber sans en avoir l’air, la seule valeur en vogue : l’argent et toute l’axiologie réductrice qui s’y rattache.

Quant aux « invités sérieux », les uns viennent raconter leurs réussites, les autres, leurs regrets et leur espoir tout en « moralisant », accusant les moins nantis d’être bêtes et paresseux de choisir la marge et de ne pas se prendre en main, tout comme ils insultent les pays du sud tenus uniques responsables de leur sort malgré l’ignoble rapine des pays du nord.

Une métaphysique économique remplace ainsi dans la société laïque d’aujourd’hui, la religion officielle d’antan par une homilétique séculière mais non moins sacrée du succès social. Et ceux parmi les clercs, les intellectuels dignes de ce nom qui dénoncent les causes du mal social, sont déclarés excentriques ou fous - par l’engeance du pouvoir et ses acolytes de la presse - et écopent du mépris de la masse aliénée.

Et parmi cette ronde macabre maquillée en dialogue public par les Talk Show, la tête du journaliste vedette érigé en prêtre de cette messe laïque qui intercède auprès de l’institution sociale pour l’intégration des exclus et des désespérés de toutes sortes : divorcés chagrinés, femmes battues, enfants orphelins, vieillards esseulés, populations sinistrées des pays de la périphérie... Tout cela aurait du sens si seulement, cette société, cette presse n’était pas la part idéologique la plus lourde du problème ! Mais par manière de sociodicée, la fameuse autodéification de la société dans ses discours, ce sont les victimes, ceux qui n’arrivent pas à répondre et à se soumettre aux pressions du marché, au mode de vie pathogène et antihumain du social, qui sont sur la sellette. Les nouveaux prophètes de l’évangile de la société de consommation permettent ainsi à ceux qui auraient pu avoir mauvaise conscience de cette dèche qu’est le monde, de se montrer sous leur meilleur jour dans leur messianisme de bons riches voulant sauver la terre des problèmes environnementaux, du sida et de la misère. Mimant les défenseurs zélés du genre humain alors qu’ils touchent aux épiphénomènes pour éviter de s’attaquer à l’ordre de l’oligarchie ploutocratique à laquelle ils appartiennent, ordre précisément coupable de ces maux.

Comme cette femme extrémiste, féministe déviée, bisexuelle, droguée et violente, convaincue que le pouvoir de faire jouir les hommes devrait lui revenir afin de les dominer, qui est allée jusqu’à tuer un partenaire mâle ayant réussi à lui faire atteindre l’orgasme, la société actuelle se propose de nous gaver de loisirs malsains et mortifères, putrides plaisirs pour nous dominer comme des ombres. Société qui marginalise voire tue économiquement - car exclure de l’économie, c’est tuer symboliquement l’individu - quiconque ne se plie à ses diktats. Société anthropophage d’un nouveau genre, matrice qui refuse toute interaction, niant jusqu’à notre existence en tant que conscience propre et autonome ! L’individu, désocialisé et embringué dans l’ordre économique actuel, n’est que le sous-produit du système, reflet qui se débat sans réel pouvoir sur soi dans l’illusion de la liberté virtuelle d’une cybernétique sociale où il n’est qu’un hologramme du marché !

 

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

Copyright © CAMILLE LOTY MALEBRANCHE - Blog INTELLECTION -  2012

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