
_Le temple
Toutes mes colonnades de marbre, mon décor d’or, mes autels, mes cultes, mes rites envoûtent ceux qui entrent en moi dès mon parvis, aux portes de mon propylée !
_Le château
Moi je fais fantasmer mes hôtes, invités d’un temps qui voudraient m’habiter.
_Le temple
Ton charme est profane, tu n’as nul intérêt pour le prêtre.
_Le château
Si, mais j’héberge les rois, et les prêtres sont à leurs pieds et les papes, leurs alliés!
_Le temple
Tu ne comprends rien au sacré et au hiératique.
_Le château
J’y comprends même trop! Mais tu es, toi, le butoir du sacré, chose intime que tu voiles d’apparats, galvaudes d’ostentations ! Ah ! pour tes pareils, l’être est un abysse flottant qui mise sur le paraître ! et le vide va se payer de dogmes et de prêtres pour, à force de mimes, se croire une substance. O! fausses monnaies des façades! O abominable trompe l’oeil des parvis ! Mensonge effronté des frontons! Tu jettes ton linceul d’artifices sur la foi véritable, affubles d’impostures le visage par tes masques, tes contrenatures.
_Le temple
Je suis le bain où l’homme s’enrobe des effluves divins.
_Le château
Hélas ! Tant de serfs spirituels justifient tes propos ! Et c’est toujours pour mourir à Dieu et à eux-mêmes! Tu es leur servilité mentale et c’est par toi qu’ils ne vivent qu’en misérables serfs du mal ! Alors que la spiritualité est renaissance constante et virginale de l’esprit en pleine santé divine; intuition, ancrage et immanence à découvrir et féconder dans la vocation transcendante de l’homme. Tu substitues les monstruosités théologiques de sotériologie déformée, bricoles une herméneutique matoise et intéressée que tu instilles à la foi du croyant pour le dévier, le débiliter !
_Le temple
Toi, tu n’es que luxure.
_Le château
Moi, au moins, je me dévoile mais toi, tu es la putain pudibonde. Ah! L’excès des fausses pudeurs! Abominable vertu des masses sans âmes ! C’est pourquoi, j’exècre les encensoirs d’or, les crosses papales et les soutanes de lin, car tu portes la saleté du mitré et les feux infects des affabulateurs de légende. Tu as la crasse laideur et la pernicieuse mesquinerie des pontifes. Excès de forme pour faire oublier l’absence ! Toi, le satanique, mystificateur, tu usurpes les intimes méandres solaires de l’esprit au seul temple naturel qui soit: l’Homme!
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE