Poétiser, c’est inventer le feu au bout du stylet des mots pour embraser les consciences. CLM
Une mélodie à notes pointées vers les astres et l’humanité, et, transcrivant leur lumière, André Chenet est à lui seul un univers de mots. Avec Au cri du cœur, sa poésie rejoint le sens originaire de fabrication de la poïesis, où le verbe, bricolage de mondes au-delà du monde, folie transcendante qui rejette et refuse la bête et plate ratiocination du commun et du fonctionnel, impose son droit de cité qu’est la prérogative de dire et marteler. Et comme en son texte Lune Unique, c’est un talent unique, avec sa grande discursivité artistique, qui nous livre les pétales verbaux de sa conscience. Talent que saluera le ciel de gloire de la grande poésie, lorsque le temps des valeurs aura ses aurores dans la société, loin des ténèbres médiatiques de la presse people d’aujourd’hui qui amenuise la culture et populise la création.
Puissant, déchirant, guerroyant, le cri de sang qui monte des mots de Au cœur du cri, comme un orage, comme un séisme, rappelle que tout poète véritable est un sanguin, un spartiate étrangement atticiste et modeleur verbal, créateur de multivers, passionné rationnel qui scande son laïus et défie les silences complaisants d’un monde trop souvent endormi de ses certitudes systémiques tellement dénaturantes !
Au cœur du cri, cri du cœur d’un homme à cheval sur deux siècles non expurgés de l’agressivité des paltoquets du pouvoir, blêmis de la triste tête des arrivistes d’État et de la presse qui dénaturent le sens, ternissent l’humanité par l’économisme et les politiques criminelles au service des banquiers et financiers, au gré insane des spécialistes taillés sur mesure pour leur salissure ! Monde des monstres héroïsés, qui psalmodie le bellicisme lâche des guerriers de salon, ne sachant, de leur fauteuil confortable, qu’expédier des flottes d’avions avec leur charge d’uranium appauvri sur les pauvres. Ah ! parâtre système qui abêtit gouvernance et sens, et dont les patibulaires crapules dominantes du pouvoir économique sont l’inhumaine effigie !
André Chenet nous propose dans Au cœur du cri, une vision brûlante du poème, telle une ignition de l’action transformatrice, l’action ailleurs, celle qui ne conforme pas aux normes, ne se pâme point devant les limites et les murs de la fausse raison, cette tyrannique des convenances de l’ordre bourgeois. L’action telle qu’on ne saurait l’anticiper à l’inverse de celles des proxénètes et putains de la finance. La poésie est combustion enflammante jamais incinérante sans projeter la recréation, au-delà de la froideur marmoréenne des symboles vides d’un système social qui se paie de symbolisme pour éviter d’être vrai, pour éluder d’être vie.
Et pour illustrer le fait je vous propose ces vers de l’auteur, extraits du texte Dans les entrailles du feu :
…j’ai chanté la gloire du feu dans un crépuscule sauvage hanté de violons fous et d’oiseaux rouges j’ai prononcé des noms de fleurs pour apaiser le feu et la pluie est revenue avec ses nuées chargées de promesses de naissances rafraîchissantes…
Dirigeant, entre autres, le blog Danger Poésie avec sa grande aptitude à nous faire connaître la marge au point d’effacer la page où s’exhibent les taupes diurnes et de la presse spectacle, André Chenet intronise jusque sur le web, la force du poétique, en réponse aux zombies qui se vautrent dans un monde matérialiste réifié par l’incapacité d’être, prisonniers des griffes du non-être que sont les faussetés de l’apparence vide. Quand tout un monde n’est que l’abysse flottant du paraître qui vend ses néants à coups de vacarmes, seul le chahut par le verbe des poètes, des philosophes et des créateurs vivant au-dessus de cet esclavagisme moderne procédant tel un théâtre des marionnettes de la presse et de la politique spectacle, peut et ose asséner les consciences des coups vitaux de la Vérité. J’envisage cette vérité comme une sorte de solipsisme universel méconnu des simples, que synthétise le moi expressif des esprits engagés pour la libération et la transcendance.
Comme j’aime à le dire, la vraie poésie répond à la quiddité des origines et des fins dernières de l’existence, philosophie et théologie sans autre concept que le cœur, sans autre encre que le sang du poète…
Et pour ne pas rompre le charme ininterrompu de la poétisation qui me prend en ces quelques mots, je dirai que ni anomique malgré sa révolte, ni aporétique en dépit de son utopie, la poésie danse sur l’azur en clamant la terre ferme pour l’incarnation de nos rêves d’un autre monde possible.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE