Par Camille Loty Malebranche
La voie inhérente à tout système social, étant de se reproduire par l’éducation, dans un contexte social d’écrasement des majorités par une minorité, toutes les institutions de formation, de moralisation, de conversion et de répression, érigées tératogènes, ne visent qu’à faire de l’individu un monstre au service de la grande monstruosité systémique par la dénaturation systématique, l’aliénation permanente. D’où, seuls ceux qui se repensent selon le renouvellement des valeurs saines et justes par rapport à tout et se défaire des sollicitations ou affects pouvant devenir en eux, engrammes maléfiques de la société du mal, construiront, s’ils s’y mettent, leur humanité.
La confusion règne jusque dans l’appellation des vertus et des vices. L’orgueil comme exaltation de la dignité humaine est vertu. La vanité, quant à elle, constitue la corruption de l’orgueil et l’altération de la fierté. Selon l’enseignement sotériologique du Christ, la peccabilité est l’état naturel de l’homme alors que le péché fait figure de contingence pas toujours évitable que l’homme rédemptorisé peut conjurer et vaincre par la foi. Un enseignement mystique, prescriptif et moral où la fatalité bannie, fait place à l’implication et à la responsabilité spirituelle de l’homme dans la quête d’accomplissement rédemptionnel qui ne saurait s’opérer s’il ne le veut de toutes ses forces. En dehors de cette économie spirito-mystique et son schème métaphysique, l’homme au monde ne vit qu’au gré des conjonctures et de leur inessentialité souvent empreintes des horreurs des réalités et conjectures sociales. Le monde, en ce sens, est le contraire du royaume de Dieu, patrie de l’Esprit. Monde, économie du mauvais et de la déchéance, espace du faux et de la mécréance, désert existentiel où se fane l’humanité déchue, réduite en individualités et nombre. Là où ni élévation ni sens ne sont vrais, et que philontologie et théontologie - c’est-à-dire respectivement 1)l’affinité de la déité et de l’humanité par la spiritualité selon que l’homme-esprit est image de l’Esprit divin, 2) la déification de l’homme par la fusion d’avec l’Esprit divin, son origine - s’estompent pour l’absurde de la temporalité, la tour du tangible et du sensoriel, dressée en début et fin ontologique dans un monde bêtement antispirituel.
Dans le monde, l’humanité, cette potentialité spirituelle de l’animal humain, est donc freinée, putréfiée par les rognures corrompues du faux orgueil dont l’expression est l’arrogance asservissante de tous par quelques-uns, eux-mêmes déshumanisés dans les structures de domination tyrannique censées être à leur service et assurant leur pouvoir. Les gnomes du pouvoir s’imaginant hommes, sont peut-être les plus esclaves et perdues des créatures, parce que se croyant libres et maîtres dans l’illusion des décors, reproduits qu’ils sont par l’horreur réifiante qu’ils ont créée. La bête puante, humaine seulement dans le discours, pollue la terre comme du champignon vénéneux. Et sa toxicité infecte infeste les mentalités en marginalisant tous ceux qui veulent être de vrais Hommes.
Le caractère fondamental de tout système social, c’est d’avoir raison avant coup, prédésignant, dans sa transcendance artificielle, son autojustification, les individus comme boucs émissaires pour porter tous ses crimes commis et à venir. Dans le système mondial et mondain, accusation, culpabilisation, provocation constituent les armes maléfiques des « maîtres » invisibles contribuant à porter l’individu à la négation de soi sous prétexte d’abnégation face aux lois, au dénigrement de tout ce qu’il est et finalement, à la haine de soi par une dépréciation totale de la nature humaine. L’annihilation de soi pour laisser vivre en soi l’ordre dominant est une chose terrible qui fait que l’individu renonçant à être personne, sert la société déifiée en lui et refuse de vivre pour lui-même avec ses semblables dans l’altruisme vrai, par sentiment de culpabilité et de redevance permanente envers l’institution sociale. Humilité façonnée par les pontifes de l’asservissement de l’homme par l’homme, au moment même où ils assouvissent leurs plus pas instincts de pouvoir et d’arrogance mégalomane. Et le non assimilé éludant cet auto-anéantissement, ce suicide mental, est coupable de tous les maux devant la masse servile qui le frappe d’ostracisme, d’excommunication structurelle et sociale. C’est sur cette imposture de l’essentialisation systémique par la morale de l’obéissance obligatoire de ses régis que l’institution sociale impose sa rection et domine tous en dressant chacun contre chacun selon les axiomes moraux toujours préjugés parfaits et fondamentaux, transcendants et souverains.
Le systémique finit toujours par engendrer des réflexes systématiques comme conséquence de ses déterminations de l’homme, fors l’esprit libéré qui se soucie de s’en purifier. Ainsi, l’aliénation, cette altération de la nature humaine séquestrée au profit du règne d’un infâme ordre établi, est systématique dans le vide régnant de la société de l’argent-dieu où la gloire sale des maîtres invisibles est de dominer l’humanité en l’écrasant pour se consoler de leur propre néant non exorcisé, se convaincre d’essence par le pouvoir et « la supériorité ».
À l’égard de notre Terre, les hommes sont atteints du délire de maître lors même qu’ils ne sont que présence qui, sans être gestionnaire suprême, doit savoir bien user. Ce péché d’esbroufe de la canaille « humaine » vaniteuse, envahit la Terre et la ravage de tous les écocides constatés. Et dans cette rage de pouvoir, l’homme utilise l’homme comme pilier ultime et fin de sa triste vanité de règne universel. L’on comprend alors que lorsque la culpabilisation se charge de ramollir l’homme avant même qu’il entre dans la scène sociale, par tout l’attirail « moral » imposé par les parents et éducateurs, il n’y a pas d’espace pour la libération sociale dans le crâne des déviés ainsi façonnés pour la perpétuation de la servitude. Et c’est sans doute là l’échec ou, à tout le moins, la cause de déviance et de dénaturations de bien des révolutions ou prétendues telles. Les « révolutionnaires » sont-ils eux-mêmes purifiés de la souillure sociale du statu quo ante dont ils viennent ? La société est si abortive des légitimes élans humanisants, si pathogène et avec tant de pouvoirs et de moyens pour forcer l’individu à absorber ses miasmes, qu’il faille un réengendrement purificateur de soi pour être libre et penser libre le changement juste pour l’humanisation de la société.
La plupart des maux de la société s’inscrivent dans leur exaltation chauvine de soi (le fameux essentialisme dont nous avons traité dans plusieurs autres écrits) qui fait figure de mythologie fondatrice quand bien même cette mythologie n’est pas écrite. Le patriotisme s’en inspire souvent et les monstres comme le nationalisme, la propension hégémonique viennent parfois y faire leurs tours d’oiseaux charognards. Le racisme larvé des sociétés ex colonialistes ou ex coloniales fait partie de cette sorte de sensibilité mythologique d’une supériorité ethno-sociale convaincue et ancrée. Imbues de leur être essentiellement voire divinement supérieur, des sociétés pétries dans les déchets de leur propre histoire d’agression et de prédation d’autrui par la violence et l’infériorisation, sont aujourd’hui plus que jamais raciste, fasciste et sous-animales. L’embelli euphémique du crime contre l’humanité par les mots conquête et civilisation tout comme on appelle prouesse militaire la crapulerie des voleurs et tueurs ayant vaincu leurs agressés, est créé de toute pièce pour ériger le crime en gloire et la laideur honteuse de l’agression inhumaine d’autrui, en sujet d’insulte permanente des agressés et de leurs descendants par les agresseurs et leurs héritiers.
La vanité des monstres qui pillent et violentent au nom de leur droit divin de société supérieure, comme toute vanité, est corruption mortelle de l’orgueil authentique et juste quand il y a de la vraie grandeur d’âme.
La vanité, toute vanité est esbroufe sotte et agressante, corruption de l’orgueil humain et perversion de la fierté qui, elle, ne peut venir que de la construction de soi dans l’élévation spirituelle, intellectuelle et morale. Sans cette forme de construction intérieure, intrinsèque de soi, reste l’hybris de la déchéance, telle que constatée dans la horde anthropomorphe peuplant aujourd’hui la Terre, et qui n’ose même plus se reconnaître des hommes au point de se considérer eux-mêmes comme de simples fatras interstellaires, alluvions cosmiques jetés et assemblés organiquement sur la planète bleue.
Pour réhabiliter un tant soit peu l’homme contre la déchéance quasi universelle de l’espèce, il faut extirper les racines logico-rationnelles des structures de construction de la personnalité des individus puis combattre les bases émotionnelles du mal dans la praxis et la programmation socio-idéologique des réflexes. Car souvent, c’est sans une pensée personnelle du mal mais par réflexe programmé que procèdent la communauté des individus grossièrement matérialistes et avares, fascistes, racistes, et pleins de toutes sortes de haines irrationnelles et de mégalomanies criminelles voire prédatrices.
Penser un quelconque tantinet de libération soit-elle, nous amène à une opération duelle :
1) structurelle en tant qu’elle vise le système et ses structures
2) structurale puisqu’elle doit travailler l’homme, structure atypique et vivante, construite et dénaturée au gré des forces de transmission et d’imposition practico-réflexe des manières d’être à travers la socialisation de l’individu.
Pour le reste, tant que le système des horreurs demeurera, ne nous laissons pas prendre aux appâts des apparences où les pires crimes se diluent dans la fausse candeur d’une morale sociale doucereuse mais diabolique dans sa propension soporifique et débilitante des esprits, diffusée à tous les vents par la presse des monstres dominants.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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