Par Camille Loty Malebranche
L’Homme travaille l’espace alors que le temps travaille l’homme!
Le temps est le champ de l’action limitée indépendamment des moyens de l’homme. Deux murs infranchissables du temps limitent les êtres temporels dont l'homme: l'irréversibilité et la durée. L'irréversibilité fait du passé, dans le cours linéaire du temps tel que connu et vécu, une clôture dans sa fatalité de fait accompli inamovible; la durée, elle, est la face de l'impermanence des êtres dans le temps où tous totalisent leur part de temporalité avant de se dissiper.
L’espace incarne le domaine de l’action humaine sur les choses, un agir sans autre limites que les moyens contingents des hommes. L’espace est le lieu de l’action humaine sur les choses, et parmi elles, fait chose par le regard, le monde lui-même.
Pour l’Homme, conscience de représentation et de préhension par la pensée et l’action, le temps demeure un univers bien concret quoique impalpable de travail sur soi, de construction de soi, de projection et d’accomplissement de soi. C’est le champ téléologique et entéléchique par excellence.
Le temps nous rive, en quelque sorte, à l’être et nous pousse à la méditation, la question du sens existentiel… La temporalité est, de fait, le musagète des méditations métaphysiques, car en elle, la finitude du maintenant courant à l’extinction future qui l’assignera au passé, appelle la vérité dérélictive ou espérante de l’existence, selon les rapports personnels de foi ou d’incroyance des hommes à l’être.
Le temps - par delà l'aspect concret de la durée qui héberge l'évolution des êtres et situations dans l'action et le devenir - est le domaine abstrait, transcendant de notre rapport à l'Être, lieu de nos projets tant ordinaires que supérieurs alors que l'espace constitue le champ strictement concret du rapport tangible aux êtres et aux situations.
L’espace, sauf le vide effrayant qu’il est parfois, attise l’orgueil. L’espace évoque l’avoir et les conquêtes. Les grandes prouesses militaires sont toutes de loin ou de près au nom de l’espace à conserver, à ravir en colonisant... L’espace motive la géostratégie des puissances militaires, car la possession de l’espace, la création de colonies formelles ou informelles, est gage d’hégémonie géopolitique. Et, même quand il laisse la terre et se porte dans l’interstellaire, l’espace est complice de l’obsession de puissance des États qui veulent, à partir de lui, mieux dominer la terre par la surveillance satellitaire, accroître la performance de leur technologie d’observation et de télécommunication. Certains ambitieux colonisateurs industriels de l’interstellaire pensent à augmenter leur domination économique sur le monde, en trouvant des mines exploitables dans leur prochaine exploration d’astres tels des satellites naturels et des planètes qui en regorgeraient! L’espace terrestre ou interstellaire est donc perçu comme moyen pour acquérir, renforcer et perpétuer la prépondérance des puissants.
Par ailleurs, dans une sorte d'étrange ufologie dite scientifique de notre temps, d’aucuns, scientifiques attitrés, parlent même de faire émigrer les humains sur une exoplanète potentiellement semblable à la terre, pour que sur la planète bleue ainsi perçue habitat relatif et non exclusif de l'espèce, les oligarchies du système économique tutélaire de leur "science", puissent continuer à abîmer et à polluer viralement le globe sans état d’âme! Preuve sans équivoque que la mégalomanie de l’expansionnisme de certaines oligarchies vis à vis de l’espace, n’a pas de limites, et que, se parant des artifices d’une science factice, l’orgueil spatial de l’homme tient parfois d'un désir pathologique de toute-puissance que certains mégalomanes irréalistes transforment en science, pour les besoins de leur excentricité, selon le plus vulgaire baratin idéologique qui soit.
Le temps, en drainant l’homme vers ce futur-butoir qu’est sa mort, blêmit la gloire du mortel au pouvoir par le camouflet de la durée qui lui assène l’impermanence. Car durer c’est être dans le temps, comptant avec le temps avant d’en être dévoré, englouti par la disparition. Seuls les êtres éternels ou hors de la durée, ce que nous appelons "supradurables" - la supradurabilité n'étant pas tout à fait l'éternité, comme nous l'avons dit ailleurs, puisque pour tout être créé, donc ayant commencé dans le temps, il n'y a pas d'éternité au sens strict, l'éternité étant un attribut possible seulement en incommencement, apanage donc exclusif de Dieu qui n'a jamais commencé et a toujours été - échappent à la durée et son ordre de finitude. L'éternité, quant à elle, est atemporalité radicale, antithèse du temps, cet ennemi mortel de tout ce qui dure c’est à dire précisément incapable de s’éterniser... Alors que la supradurabilité, si l'esprit l'atteint, selon ce qu'en dit le message spirituel du Christ, joint l'infini en échappant à la durée proprement dite, intégrant en quelque sorte l'éternité en cours de route selon la miséricorde de Dieu qui veut bien y accepter le vrai croyant! C'est donc la sphère des anges et des saints.
L’espace, par la liberté de mouvement qu’il accorde, fait jaillir de l’homme, cherchant arrogamment des succédanés à son impermanence comme pour se consoler grivoisement de n'être pas Dieu, l’instinct implacable du chasseur conquérant impénitent des espaces: les terres, les mers, les airs et l’interstellaire avec leurs hôtes, leur contenu...
Dans ces excès commencés depuis le début de l’aventure humaine, l’homme a prouvé, à travers l’illusion prédatrice de l'espace à conquérir jamais assagie ni assouvie, combien ses rages d’omnipotence, ses appétences et impudences de pouvoir n’ont de bornes que le freinage forcé par le temps, cet ironique souverain des fins de règne et de durée des pitoyables prétentieux seigneurs d'espaces!
Pour le sage, temps et espace sont opportunités de croissance dans l'être; sceptres de conquête de soi et d'accomplissement global de la vocation à l'humanisation permanente toujours perfectible de l'Esprit conscient de sa vérité.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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