Par Camille Loty Malebranche

L’attention humaine, cette faculté de se focaliser sur un objet d’observation en prêtant l’entendement pour en recevoir information et en éprouver des sensations et sentiments, connaît plusieurs domaines de manifestation qui en font un attribut pluriel de l’être humain. Déjà dans la nature, nous pouvons constater qu’il est une attention animale de la survie que nous expérimentons, par exemple, chez un chasseur guettant sa proie. Le chat qui observe et poursuit une souris qu’il convoite pour nourriture, manifeste indéniablement une formidable attention dont il ne se détourne point tant qu’il n’ait réussi à cueillir sa cible. Ainsi, ne serait-ce que pour survivre, l’animal doit être attentif à son environnement et à ses buts.
L’HOMME ET LES TYPES D’ATTENTIONS
1 L’Attention Réflexe
Il existe chez l’homme une attention réflexe, inscrite en sa nature animale. L’attention humaine pour la survie est tout aussi fondamentale que chez les animaux, elle tient comme chez l’animal du réflexe et de l’instinct. C’est le seuil animal de l’attention humaine. À ce stade animal, l’attention est pur réflexe et n’est pas que selon la survie mais aussi se détermine par des pulsions naturelles venant des sens. Une odeur de friture qui me fait saliver, polarise mon attention gustative et me donne envie d’y goûter. De même, la vue d’une mangue peut m’inciter à la cueillir ou l’acheter, eu égard aux occurrences, pour la déguster. Dans le domaine sexuel, l’attention peut provoquer des déchaînements regrettables si elle n’est pas transcendée maîtrisée. L’attention au stade sexuel prend allure d’attraction si forte chez certains humains (hommes ou femmes) qu’ils en deviennent de quasi prédateurs et agressifs sexuels. Là, la maîtrise de l’attention est un filet de sécurité comportementale pour tout humain, c’est la fine cloison qui sépare l’animal humain sexué de la bête infréquentable.
2 L’Attention objective cognitive
L’attention objective se révèle en toute focalisation du sujet humain sur un objet du monde extérieur pour le connaître. Elle est en fait celle que prête tout expérimentateur en quête de compréhension de quelque être observé et considéré pour en appréhender les contours et l’essence. C’est donc l’attention de l’entendement qui se concentre sur un étant du monde: humains, sociétés, bêtes, choses… Tout ce qui est concret et que l’homme pose comme objet de son analyse, son interrogation, relève de l’activité d’attention de son intelligence dite objective cognitive.
3 L’Attention objective discursive
L’attention objective discursive est éminemment le champ intellectuel de l’attentif. Elle se dessine selon la faculté de considérer les idées et de les critiquer au point d’en élaborer un discours. C’est l’attention élaboratrice d’idées, qui construit le discursif via le cheminement idéel de l’intellect. Une telle attention peut autant interroger des objets ou faits très concrets tels une institution sociale, la fonction de joueur dans un contexte d’équipe, mais aussi des faits abstraits comme l’érotisme ou la spiritualité prise et comprise en tant que factualités humaines interrogeables, objectivables. Là, c'est le cas classique de l'analyste, comme le théologien neutre qui objective, étudie les rapports humains au divin dans une religion donnée, sans être croyant de ladite religion, sans vivre dans son intériorité, le culte qu'il étudie!
4 L'Attention somatique
L'attention somatique est celle permanente du corps à lui-même, ce qui ne correspond pas aux parts de la proprioception humaine que le langage contemporain spécialisé, regroupe sous les appellations de somesthésie et de kinesthésie. L'attention somatique est le réflexe qui, sans être un instinct - car l'instinct tient du comportement réflexe extérieur conscient quoique non réfléchi - agit en souverain. C'est une attention consciente à certains niveaux et inconsciente à d'autres. C'est, en quelque sorte, l'attention physiologique de l'organisme à lui-même. Par exemple de proprioception inconsciente, le silence ordinaire des organes sains (même si ledit silence organique longtemps médicalement considéré comme signe de santé, s'est désavoué par des cas exceptionnels de crises foudroyantes sans signe avant-coureurs). Toutefois, toujours est-il, qu'en général, sauf en cas d'alerte signalant un dysfonctionnement, une maladie, le corps se sent et est attentif à soi sans que notre conscience y prenne garde. Toutes les réactions réflexes et organiques montrent quand on y pense même sans aucun recours au jargon médical, que cette maison vivante bio-organique que j'habite, mon corps, cette dimension matérielle par quoi je suis un être au monde, a une puissante faculté d'attention à soi qui ne laisse rien au hasard. Tout se joue au corps attentif à son propre fonctionnement sous la houlette mécaniste (sensitive et motrice) du système nerveux végétatif commandant depuis le bon comportement des organes vitaux et autres, tels les membres, jusqu'au réflexe de répulsion qui me protège devant une malpropreté que j'ai failli piétiner dans la rue.
5 L’Attention subjective ontologique ou Super-Attention
Ici, l’attention est strictement intérieure et intuitive. C’est la manifestation métaphysique de l’activité d’éprouvement du sens intérieur et spirituel. Une telle attention n’est possible qu’aux esprits profonds, conscients de soi et qui savent dépasser l’idéel pour l’ontologique. Ici, l’attention est sensation spirituelle, rencontre avec soi-même et le divin. C’est l’attention du sujet en rapport à soi, le lieu de la circularité subjectale où l’homme vit la sphère humaine intérieure et expérimente la Vie de l’esprit qu’il est par delà la chair et le sang. C’est l’attention qui éprouve l’imago Dei qu’est l’humain, la déité immanente à l’homme, esprit incarné.
Épilogue
Hormis le domaine objectif cognitif, l'attention en tant que focalisation d'intention, est le lieu d'où partent les affects; elle constitue donc un champ important quant à la maîtrise de soi chez un homme ou la perte de maîtrise pour ce qui la capte en tant qu'elle se fait éprouver en nous, éveille nos pulsions, nos sentiments, désirs, peurs, joies en nous dominant. Si je choisis ce à quoi je prête mon attention en toute liberté, je demeure maître de moi-même, sinon, je suis tributaire de ce qui me ravit l'attention pour s'imposer à moi. Sans avoir son objet dûment choisi par l'homme, l'attention fait de l'humain une sorte de patient des perceptions et sensations de ses effets qui affectent les moindres réactions humaines, tel un voyeur possédé par l'objet de son voyeurisme.
Au sens spirituel, l'attention prêtée au bien ou au mal est déterminante de notre victoire ou défaite. D'où l'esprit doit travailler sa conscience pour conditionner son attention par la foi et se donner le pouvoir de ne la focaliser que sur Dieu, le Bien total. Le mal finit toujours par s'estomper quand l'attention spirituelle se fixe sur Dieu, le Bien Absolu.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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