Par Camille Loty Malebranche
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(Première Partie)
À l’abord d’un tel sujet, je tiens à préciser, pour éviter toute méprise pouvant venir de quiproquos intellos, que je ne cible guère l’homme âgé en tant que tel, ce qui serait de l’âgisme plat et mesquin, mais la tyrannie d’une poignée d’hommes d’âge mûr, qui ont créé ou maintenu l’ordre social infect en l’imposant par toutes sortes de combines et d’astuces tyranniques structurelles de manipulation et d’utilisation des plus jeunes pour le système qu’ils ont fondé ou dont ils ont hérité et que l’infime minorité de leurs rejetons biologiques, leurs héritiers, exploitent en profitant du reste du monde, en perpétuant l’imposture diabolique de l’asservissement de toute la société dont ils jouissent.
C’est donc le règne d’un nombre étriqué de privilégiés, ce qui est l’antithèse des droits de l’homme et de la justice malgré ses justifications par le droit bourgeois, maintenu comme indépassable depuis des générations. J’ai toujours un amusement dédaigneux à entendre les vieux ankylosés du fonctionnement social, théoriciens, politiciens, guides de conscience, faire la leçon aux générations montantes de ce qu’il faut pour le bonheur du monde. L’expérience et la « sagesse » de nos devanciers générationnels, adultes mûrs, semblent à ce point leur conférer une telle prégnance et emmétropie idéelle, qu’ils aient toute la formule magique, la recette efficace pour garder en vie le monde et orienter les plus jeunes nécessairement plus ou moins ignares et fous, sur la voie de leur inexorable lumière d’aînés !
Le monde tel qu’il est : « juste », « égalitaire en droit », « sans exploitations ni privilèges malsains », « respectueux de l’autonomie de penser », « sans violences ouvertes et cachées », « sans prostitutions de corps, d’esprit et de conscience », « sans marginalisations », « sans bête surexploitation des ressources pour la croissance économique exténuante des masses et tuante pour l’environnement », « sans racisme ni discriminations systémiques et autres », chante et prouve vraiment les bonnes valeurs de nos illustres et braves parents. Franchement, après avoir fait de la terre un enfer tantôt nu tantôt décoré, et de la société, une déchetterie, la plupart de nos chers aînés devraient avoir la décence de constater leur échec humain global, et nous laisser tenter autres choses qu’eux sans se sentir obligés d’intervenir.
Nos bons prédécesseurs nous font l’obole de leur savoir-faire, c’est bien, mais qu’ils s’en tiennent sans nous demander de leur ressembler, sans nous enjoindre de substituer leur savoir-faire à notre savoir idéel et prospectif acquis entre autres, de notre esprit critique cherchant réparation des conséquences de leurs erreurs, leurs errements voire la déchéance humaine plurielle due à la société qu’ils ont conçue… Car l’avenir ne peut être affranchi que s’il rompt avec le monde sclérosé d’aujourd’hui tellement tributaire de l’hier peaufiné et psalmodié par nos parents. La justice ne peut naître que du démantèlement de l’ordre oligarchique et ploutocratique que la minorité dirigeante des ancêtres et leurs instruments structurels et humains (professeurs, parents, spécialistes, chefs de culte) ont aidé et aident à instituer, à renouveler et à maintenir. La malédiction d’un fonctionnalisme pragmatique a, en effet, toujours régulièrement esquinté l’élan de l’esprit des générations nouvelles vers le nouveau et l’action révolutionnaire qui agitent leur conscience avant que celle-ci ne devienne un rouage fonctionnel de la machine systémique.
Le drame est que les quelques profiteurs héritiers du règne de leurs pères oligarques, savent que leurs intérêts sont dans le maintien et la reproduction de l’ordre social. Alors, ayant hérité des structures de l’asservissement, il leur est facile de donner l’impression du nouveau, en s’appuyant sur les institutions de transmission du « savoir » notamment l’école et l’université, la presse pour laisser croire tout en snobant le populo, que l’amélioration des méthodes de domination administrative des hommes et les percées des sciences et technologies enfantent une ère nouvelle au profit de l’homme et de la société. Pourtant ces percées et progrès ne font qu’étayer et asseoir l’optimisation des mêmes vieilles pratiques placées dans le cachet nouveau de pseudo-théories et pseudo-trouvailles telles le néolibéralisme, le déficit zéro, le choix des bons métiers qui rapportent, l’individualisme libertaire… Et dans cette imposture, où sévit l’allégation idéologique de l’idiote illusion d’indépendance de l’individu par rapport aux semblables alors que le système des oligarques ploutocrates contrôle tout dudit individu totalement réifié et instrumentalisé - les jeunes gens, vieillis avant l’âge , vivant des mânes décharnés de leurs aïeux - reprennent en fantômes, sans s’en rendre compte, les mêmes vieilleries de clivages sociaux et d’imbécillités discriminantes de la société de classes voire de castes inavouées de leurs ancêtres. La sclérose intellectuelle et la palilalie idéologique de notre génération en font le laboratoire des cons de la relève des monstres du statu quo ante et du statu quo. D’ailleurs, de la force de révolte contre l’infamie du monde, les jeunes de nos sociétés occidentales n’ont retenu que le folklorisme-spectacle de la contreculture. Le punk, le funk, le rock, le rap, le piercing, le tatouage ne sont en fait acceptés et promus que parce qu’ils sont totalement inoffensifs à l’ordre qu’ils prétendent défier. Pis encore, ils donnent l’impression d’une société tolérante alors que l’institution sociale est extrêmement répressive...
À moins d’associer une action planifiée efficace contre la pesanteur de l’ordre, aucun mouvement de jeunes même franchement révolté, ne peut se dire révolutionnaire. Car le système demeure encore le dieu maudit, l’idole infecte qui trône au-dessus de cette illusion de liberté au moment où il sacrifie notre droit au bien-être global, droit sacré qu’il triture imparablement, impitoyablement dans la froideur de sa logique du profit de quelques-uns au détriment de tous.
Qu’attend cette génération pour réagir et agir ? Chère nouvelle génération du 21ème siècle, allons-nous continuer à idolâtrer les quelques vampires qui, depuis toujours, de pères en fils, enfoncent leurs crocs au cou des consciences pour tenter de vider tous de leur humanité et de leur dignité afin de transformer la société victime de leur morsure, en dépouilles et ombres mouvantes, servantes de leur ordre établi ? Après tant de claironnements de la laïcité de la société, de la sécularisation du monde, après le renversement des religions institutionnelles de leur trône répressif et l’affirmation de la seule vraie place de la religion authentique qu’est le temple vivant de l’homme pratiquant sa foi en toute liberté de conscience sans manipulation d’églises ou de prêtres, comment se fait-il que la plupart des hommes, presque tous, après la mise à l’index, l’hiératisme envahissant des siècles passés, soient aujourd’hui si idolâtres, iconolâtres, systémolâtres, ploutolâtres, au point de défendre avec l’infamante énergie de l’ineptie et de l’aliénation, une petite poignée de crapules, véritables curie accapareuse des vies et des libertés par sa mainmise structurelle sur le bien commun ?
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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