News Limited Network, le 6 octobre 2012
Par Julian Assange
respecter la vérité et la justice, dans le dessein de plaire aux Etats-Unis.
Julian Assange espère éviter l'extradition vers la Suède. (Photo : AFP)
Cela fait maintenant plus de dix ans que les gouvernements, dans le monde entier, font tout ce qu'ils peuvent pour réduire les contrôles sur la façon dont ils exercent le pouvoir. Des pays comme la Chine et l'Iran sont critiqués à juste titre pour leurs tentatives de réprimer les voix dissidentes sur internet. Mais les Etats-Unis, censés représenter la terre de la liberté, ont un passé similaire assez mauvais.
Le Président Obama a livré une guerre depuis le Bureau Ovale contre les dénonciateurs, l'exemple le plus frappant étant le mauvais traitement infligé à Bradley Manning. La campagne électorale
Obama/Biden se vante de poursuivre en justice deux fois plus de révélations sur la « sécurité nationale » que toutes les autres administrations additionnées.
Il y a eu également des attaques soutenues contre mon organisation, WikiLeaks, au moyen d'un blocus financier des donations, imposé de force avec le soutien du gouvernement des
Etats-Unis.
Le plus dérangeant est que WikiLeaks a été mis en garde par le Pentagone de ne pas solliciter de membres du personnel militaire pour qu'ils révèlent des informations classées. Le
personnel militaire qui a pris contact avec WikiLeaks ou nos supporters pourrait être accusé de « communication avec l'ennemi », un crime passible de la peine de mort. Le Pentagone a
également déclaré ce mois-ci qu'il considère la poursuite de la publication par WikiLeaks d'informations classées appartenant au gouvernement des Etats-Unis comme une violation continue
de la loi.
Cela établit un précédent : le contact avec tout organe de presse par des dénonciateurs militaires pourrait rapidement être traité avec une hostilité similaire.
Mais ces attaques ne sont pas juste dirigées contre les dénonciateurs et ceux qui publient leurs informations afin que le public en prenne connaissance. Les gouvernements, britannique, étasunien
et australien, cherchent à étendre leurs pouvoirs de surveillance déjà extrêmes afin de collecter des renseignements sur leurs citoyens.
En vertu des modifications proposées des lois sur la sécurité nationale, le gouvernement australien obligera les fournisseurs de services internet à conserver les données internet et
téléphoniques de tous les Australiens pendant deux ans. Certaines agences exigent même des pouvoirs encore plus extrêmes pour conserver indéfiniment des données complètes sur les activités des
citoyens. Un tel extrémisme deviendra effectivement la réalité : les lois proposées demandent la création d'une infrastructure nationale qui soit capable d'intercepter toutes les
communications.
Chaque courriel, chaque message sur Facebook, chaque tweet, chaque recherche sur Google passeront par cette base de données et seront stockés en partie afin de pouvoir être
utilisés à n'importe quel moment contre vous.
Une infrastructure d'interception généralisée au niveau d'une nation est un désastre sécuritaire qui n'attend que de se produire. Bien sûr, les modifications de la loi, promises lors de la
dernière élection, pour protéger les dénonciateurs sont sorties de l'agenda législatif.
Ce sont des extensions importantes du pouvoir du gouvernement qui n'ont aucune justification et qui ne seront assorties d'aucun contrôle et d'aucun garde-fou pour garantir que les droits des
personnes ordinaires sont respectés. Il n'y a aucun moyen de savoir comment ce gouvernement ou ceux qui lui succèderont utiliseront un tel pouvoir. Les Australiens ont le droit de savoir ce qui
est fait en leur nom.
La technologie nous offre des occasions incroyables de partager l'information, de propager les idées et de collaborer au-delà des divisions géographiques. Elle a le potentiel de faire apparaître
au grand jour les méfaits, de corriger l'injustice et de donner du pouvoir à ceux qui n'ont pas la parole. La liberté d'utiliser de telles plates-formes doit être bien défendue, de peur qu'elles
ne deviennent simplement un lieu où le gouvernement pourra espionner sa population.
Après tout, le pouvoir de gouverner, donné aux gouvernements, dérive du mandat que leur a accordé le peuple. La technologie devrait servir à donner du pouvoir aux citoyens et à exprimer ce qui se
trouve au cœur de nos vies politiques, publiques et privées. Cette perspective rend les puissances très inconfortables.
Lorsqu'une organisation comme WikiLeaks montre que le roi est nu, il est prévisible que tout sera fait pour nous saboter. Le Premier ministre [australien, Mme Julia Gillard,] ne s'est
jamais rétractée du commentaire qu'elle a fait sur WikiLeaks, basé sur un acte illégal. De l'aveu même de son gouvernement, une telle accusation ne peut être soutenue. Elle est fausse et
doit être rétractée.
Le gouvernement australien a tourné le dos à l'un de ses citoyens, afin d'éviter d'offenser les Etats-Unis, et a menti à plusieurs reprises à propos du soutien qu'il m'accorderait. L'Equateur,
après avoir longuement et prudemment examiné les preuves, a conclu que j'avais une crainte légitime d'être persécuté et que je ne pouvais pas me fier à mon propre gouvernement pour me
protéger.
C'est une déception cruelle que le pays que j'aime ait abandonné mon organisation. WikiLeaks est une organisation et une réussite australienne, et pourtant, le gouvernement australien
n'a rien fait pour nous défendre. Au contraire ! Il nous a calomniés en public à un moment où nous étions face à des risques importants.
Pour moi, personnellement, il m'est difficile et parfois impossible de voir ma famille et mes amis. Je n'ai pu être avec eux lors d'ennuis familiaux récents.
Je ne veux rien d'autre que faire mon travail en paix. J'ai commencé ma carrière comme quelqu'un qui comprenait l'importance d'exposer la corruption et les méfaits. Je suis à présent un éditeur
qui se retrouve face à des poursuites pour le fait d'avoir fait mon travail. C'est le devoir des éditeurs de publier sans crainte la vérité et le devoir de tous les bons citoyens de défendre leur
droit de le faire.
Il est temps pour l'Australie d'embrasser une voie différente : rejeter les campagnes de harcèlement et d'intimidation contre les éditeurs, les journalistes et les dénonciateurs. Nous devons
exiger que notre gouvernement abandonne ses efforts pour imposer un Etat inquisiteur sur ses citoyens. Nous méritons un gouvernement qui protège ses citoyens, peu importe ceux qu'ils ont offensés
ou embarrassés. Nous avons l'occasion de construire une démocratie qui accueille favorablement la transparence et un gouvernement le plus juste, le plus humain et le plus proche des gens
possible.
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