Par Camille Loty Malebranche
Toute sémiologie de l'Histoire renvoie toujours à une métaphysique de la durée c'est-à-dire une interrogation des rapports entre les hommes, les événements, l’espace et le temps (espace chronologique), et à une ontologie de l'aventure humaine avec ses implications socio-civilisationnelles. Comment et pourquoi cette espèce a évolué vers cette façon consciente, pensant et prenant en main dans les faits et par l'imaginaire, la nature et naturellement en premier, malgré erreurs, errements et errances, son être qu’elle va projeter dans l’action et la praxis collective? Nous savons qu'elle l'a fait en se regroupant et en signifiant la nature, de sorte que toute civilisation soit une marque du projet humain (ici le soi social, le sujet collectif) imprimé à l'espace dans le temps, sorte d’ « Électre » espécielle par rapport à mère-nature. L'Histoire rejoint pleinement sa vocation d'unificatrice du temps quand le logos de la sémiologie et de la philosophie s'empare d'elle pour la comprendre comme configuration et non comme simple compte rendu journalistique et chronologique des événements. L'Histoire est le lieu de la civilisation donc de la culture expressive de la nature humaine. Il nous faut y évaluer les deux totalités de nature et de culture présentes sans les réexpliciter mais les évoquer dans l'espoir d'y scruter une clarté originaire, c'est-à-dire les conditions de sa naissance, de sa présence, de ses possibles ultérieurs et y porter le regard pour lire son langage extériorisé avec ses supposés.
Évoquer le langage de l'Histoire non pas les aléas de l'écriture historique au fil des historiens avec les contingences et tendances des consciences historiennes, mais précisément la signification qui s'y imprime, nous conduit à l'analyse de l'évolution des sociétés et de leur devenir quasi universel : l’État, la stratification et leur conséquence immédiate qu'est l'idéologie. Or, l'idéologie est précisément l'artifice de la domination dénoncé par Marx. Toutefois, ce faire est le moule sociopolitique qui fabrique les hommes et les mentalités à travers les sociétés de par le globe. Telle la récente méga-idéologie de la mondialisation financiariste de l’économie politique. Mondialisation aujourd'hui en déclin vu les crises qu'elle a engendrées depuis au moins 2008. Force est de remarquer que la mondialisation est forme ancienne et nouvelle de l’ordre ploutocratique. Comme aux « belles époques de l’extermination colonialiste » d’un pan de l’humanité par une poignée de bandits structurels et criminels autorisés, la servitude mondialisée via les structures répressives et violentes des banques et de l’argent fictif, détruit l’économie réelle des peuples qui triment pour subsister alors que la racaille des establishments jouit de milliards anticipés par spéculation boursière sur leur dos. Car l’ordre colonial fut quasi mondialisé de même que l’impérialisme à son âge actuel. Tout le jugement volontairement et cyniquement apodictique de la nouvelle idéologie du nord par les presses et colloques universitaires, jugement dont la problématique tronquée pose l’assertorique hors de sa sphère naturelle de contingence, en nécessité dogmatique voire sacrée du statu quo socio-politico-économique. Le sophisme théorique et justificateur de la ploutocratie mondiale, refuse une vérité qui est truisme tant elle est inévitable à voir, les sud, la périphérie, ne font nullement partie de la réalité où sévit l’idéologie d’économie virtuelle des bourses du Nord contemporain et vaticinant qui exige cette Mondialisation. Mondialisation impérialiste qui est en fait le nouvel accaparement de l’écriture de l’histoire par les scribes des puissants de la civilisation comme jadis les vainqueurs prédateurs colonialistes ont, par la phraséologie de leurs intellectuels stipendiés, fait de leur crime contre l’humanité des chants de gloire au guerrier meurtrier voire des épopées de leur supériorité essentialiste! Les vérités profondes, l’étiologie qui déblaye les causes cachées de la souffrance des éternels damnés de la civilisation ne peuvent écoper que d’un statut de cloaque dans cette entreprise d’extinction des pauvres. Le nivellement planétaire de l'idéologie au service de quelques financiers infâmes efface le rôle social de l'État (ce Léviathan ici salvateur) au profit de la rentabilisation obligatoire de tout: la santé, l'éducation, la liberté, l'eau potable, le rêve, voire les altérités génétiques par manipulation du génome et donc de l’ontogenèse de la personne humaine elle-même, rendue inutile hors des perspectives du financiarisme rentablisateur!
Depuis la stratification de la société, l'Histoire est donc dirigée dans le sens des idéologies des classes dominantes lesquelles arguent de toutes sortes de légitimités pour justifier leurs privilèges. L'Histoire de la société de classes est donc celle de l'idéologie et donc un seul âge prévaut avec l'avènement des classes, c'est la constante de l'idéologie avec ses variants temporels. Modulant, rythmant la marche de l'Histoire selon la vision des classes dominantes, l'idéologie s'efforce d'entrer dans les mentalités comme la nature même au point que ses victimes sont ses plus féroces, ses plus aveugles défenseurs. L'idéologie, à moins d'être prise en main par le peuple et pour le peuple, est processus d'annihilation et, par là même, d'aliénation de la vision sociale et individuelle par la vision de l'establishment. D'où l'importance de la conscience historique, mélange de conscience politique et sociale, que le peuple doit s'efforcer d'acquérir et de mettre en oeuvre pour limiter sa réalité serve au pied des structures idéologiques. Il faut se rappeler que parties de l'utilitaire, les sociétés humaines ont inventé les mythologies pour cimenter leur existence collective, et signifier leur rapport au monde avec toutes les constructions imaginaires et matérielles constituant leurs institutions. L’opiniâtreté de la survie, l'ethnicité, la violence offensive et défensive face aux ennemis, le renforcement des liens avec les tribus alliées et la répartition concertée des taches surtout avec la découverte de l'agriculture pour le fonctionnement de la phratrie, étaient la vocation des sociétés primitives. Régulée par une chefferie à la fois gardienne de l'unité et de la pérennité du groupe au sein duquel les chefs et les guerriers ne sont jamais que des rassembleurs privilégiés qui débattent des décisions avec le tout de la phratrie égalitaire dans ses individus, telle était - avant l'ère de l'idéologie et de la stratification des sociétés - la fonction mythologique fondatrice-régulatrice et idéelle de la société primitive non idéologique, non étatisée.
L'Histoire est la forme temporelle du devenir, celle ou les étants évoluent, involuent se maintiennent ou disparaissent. En Occident où l'aventure des sociétés a été ponctué de tant de cassures et de turbulences, même aujourd’hui, la féroce volonté de conquête, volonté qui va jusqu’à un rapport de manipulation au génome pour fonder une « posthumanité eugénique », génome donc acquis et conquis par la science, demeure l'élément dominant voire une sorte d'emblème de la collection de sociétés dites occidentales. Sociétés qui se sont attribuées le rôle de gouverner le monde à la fois par les idées et la force: toutes les violences politiques, économiques, religieuses et militaires. Ethnocentrisme et unification idéologique des états en ressortent comme une sorte de déterminisme de la souveraineté occidentale. Les mythes primitifs ne sont que construction pré-politique du « social ». Les mythes dominants de l'Occident: ceux de Prométhée et de l'Odyssée nous renvoient respectivement : le premier, à la contradiction nihiliste du meurtre de Dieu, Dieu ayant pourtant toujours été jusqu’à très récemment dans l’Histoire, l'alibi de toutes les conquêtes occidentales; et le second, à la course effrénée d'un voyage sans fin, symbolisant bien cette fringale boulimique de pouvoir et de richesse qui a commencé avec l'esclavagisme et se poursuit dans les plus crapuleux stratagèmes idéologiques et hégémoniques. Cela, au coeur d'une soi disant idéologie de respect de l'altérité. Toute vision épistémique qui voit une fin nécessaire à l’histoire, structuralise l’histoire! Toutefois, Marx, en tant qu'ennemi de l'idéologie, a quand même eu le mérite de joindre sa vision structurale de l’histoire à un humanisme, lequel quoique anthropolâtre - faisant de l'homme l'être suprême pour l'homme, alors que nous le voyons comme devant être suprême pour les structures -, nous prévenait en quelque sorte déjà du faciès haïssable du structuralisme anthropocide outrancier qui naîtra plus tard au vingtième siècle.
L'Histoire est encore là, témoin plural des facéties de l'idéologie et nous prémunit contre leurs dérives susceptibles de toutes monstruosités: le combat-alibi du racisme ou de l'ethnocide, ces ogres justifiés et imposés naguère par le colonialisme occidental et qui, aujourd’hui, servent de prétexte hégémonique à l'impérialisme avec ses membres justificateurs et agonistes du droit et devoir international d’ingérence politique, d'intervention militaire, de guerre exterminatrice, d'embargo voire de génocide. Cela, quand le rapport de force est du coté des exterminateurs reconnus et officiels des chartes; en premier, l'Occident interventionniste et hégémonique prétextant de victimes réelles ou prétendues selon qu'elles représentent quelque intérêt économique, stratégique... pour les «maîtres» des puissances du nord.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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