Par Alexandra Philoctète
/image%2F0551099%2F20240925%2Fob_494282_ob-286cd0-76186-170808012937917-148776.jpg)
Exorde
Émigration
1. Vous êtes né en Haïti, depuis quand vivez au Canada ?
2. Pourquoi avoir choisi d’immigrer au Canada ?
À vos deux premières questions, je vous dirai qu’Haïti a basculé durant les 20 dernières années dans un chaos politique faussement sans issue. Comme si après l’ordre écrasant de la dictature, le pays ne pouvait que générer l’ingérable, sombrer dans une forme d’anomie qui n’a pourtant rien d’anarchique! Une manière de pseudo-aporie sociale le rendant intenable pour la majorité. Le chaos prérévolutionnaire qui défait l’ordre des monstres est porteur à terme, d’ordre correcteur, mais celui de l’Haïti d’aujourd’hui est un chaos planifié de ceux qui veulent rendre le pays invivable. Rarement la désagrégation dangereuse et menaçante des normes n’a été aussi loin dans un pays non en guerre où l’État prétend exister. Donc, mon émigration s’inscrit en conséquence de cela. En réaction à cette maléfique ubiquité politique de l’incurie et de la déchéance programmée.
3. Vos écrits circulent beaucoup, mais peu de gens sont en mesure de rattacher un visage à ces écrits, comment expliquer cela ?
Diriez-vous que vous êtes un timide ou un solitaire ?
Moi, Solitaire extraverti
Je ne suis plus timide. Je l’étais adolescent, mais j’ai totalement guéri par mes travaux de communicateur et d’enseignant, d’animateur de cercles culturels et d’émissions télévisées. Solitaire, oui. Je le suis comme tous les sages. C’est le lot des esprits qui cultivent la profondeur. Nous vivons un monde d’abysse flottant du paraître, donc la culture de l’essentiel est solitaire par son caractère rarissime. Et puis, l’environnement pseudo-intello qui consiste à répéter sans penser me répugne au plus haut point, donc mes amis sont très rares et ma solitude très fréquente. Mais elle est si heureuse que je ne voudrais la changer pour rien au monde, car je sais à quel point le rapport immédiat à autrui quand cet autrui est de mauvaise foi ou englué dans ses bas-fonds, chose malheureusement tellement proliférante, peut être pathogène et tueur! La famille, la société, la religion sociale, sont si souvent des chambres ardentes de torture et de déshumanisation qui clouent l’individu aux piloris et ensuite le traînent aux gémonies par manière de horde et de meute où de purs chacals frappent de leur avanie l’homme qu’ils ne peuvent asservir ou dénaturer. Je suis le solitaire ouvert, extraverti qui sait rencontrer l’autre mais sait également s’en protéger. Par ailleurs, il est aussi question de jalousie, d’envie des esprits complexés qui cherchent à se défouler de leurs souffrances voire à compenser leur pauvreté existentielle, leur petitesse intellectuelle et leur néant spirituel aux dépens de l’homme qui se travaille et s’élève. On ne vous pardonne pas d’être élevé ou grand. Et quand l’autre se sent inférieur, il vous accuse d’arrogance, de méchanceté et de tous les noms… Pour les milieux médiocres du populisme culturel d’aujourd’hui, toute élévation de soi, tout refus de la platitude et de l’alignement aux prêts à penser en cours, est soit folie soit arrogance! Je refuse de porter le fardeau des ontologiquement minables et misérables, aigris inaptes à se travailler eux-mêmes, qui non seulement, font tout pour empêcher les vrais hommes et l’esprit en tant qu’hypostase métaphysique et en tant qu'entendement (entendement qui n'est en fait qu'une faculté de l'esprit) à s’exprimer et se développer. Ce sont ces monstres de méchanceté et de sottise, qui, ensuite, vont dire leur connerie haineuse contre ceux qu’ils ne peuvent ravaler. Notre milieu est trop médiocre et trop négatif dans son approche de l’homme de valeur. D’aucuns vous diront que je c’est de l’orgueil, mais je dis que l’orgueil - à moins de sacrifier égoïstement ou claniquement autrui comme le font les crapules de la politique, de la religion, de l’économie ou de la finance - est le moteur de la grandeur et de l’Élévation Humaine. L’orgueil authentique est fierté émanant des vrais mérites de l’homme et jamais vanité ou esbroufe. La vanité est la corruption de l’orgueil, la perversion de la fierté. Un peu comme ces imbéciles d’héritiers fiers de leur statut qui n’est que privilège de la naissance, ou ces idiots qui magnifient leur origine, leur pays et leur « race » essentialisés supérieurs, contingences dont ils usent souvent pour faire du mal et pérenniser d’innombrables injustices. L’homme n’est jamais humble. Les pontifes et ministres religieux dans leur kérygme et parénèse, tout grands prêcheurs qu’ils sont de la vertu d’humilité, s’octroient sinon un statut d’idoles vivantes, à tout le moins, de guide incarnant le pouvoir divin en s’imposant d’une manière ou d’une autre en oints envoyés, dieux sur terre pour plusieurs malgré les horreurs que leur prérogative a causées à travers l’histoire où ils ont soit directement soit indirectement cautionné les excès des puissants du pouvoir temporel, leurs alliés... Le Christ a relativisé l’importance des curies et de toute religion institutionnelle et propose que dans son évolution spirituelle, le chrétien s’émancipe de l’institution religieuse officielle pour adorer Dieu dans son temple intérieur « ni dans le temple » de pierre ou de quelque autre matériau, qui représente la structure matérielle du pouvoir religieux « ni sur la montagne » qui évoque la contrainte géographique du croyant astreint jadis au pèlerinage. L’Humilité du Christ n’est pas humble mais assumation lucide de la grandeur divine de l’homme, elle refuse le faux orgueil charnel pour prôner l’orgueil de notre essence d’image de Dieu... Elle est humble devant Dieu mais pas humble devant l’homme envers qui elle prône Charité, Fraternité et Justice dans l’Équité et le Respect réciproque. Toute autre vision de l’Humilité est manipulation par des pervers arrogants qui veulent soumettre des esprits simples. Et, par projection de leur pathologie de maîtres des vies et des biens, quiconque ne se soumet à eux, est déclaré arrogant par leur presse! Tel est ce que fait l’occident envers et contre tous les résistants à ses monstruosités hégémoniques. Par ailleurs, pour revenir à la solitude extravertie qui est mienne, je dis Oui à la relation à hauteur d’homme dans la charité et l’équité qu’il ne faut jamais confondre avec l’abêtissant nivèlement par le bas. Oui à cette communication transcendante avec l’être de l’autre comme empathie et partage, que Lévinas appelle excendance.
Et puis, sur le plan humain, fors l’ubiquité divine et cette omniprésence de Dieu avec nous en nous, la présence d’autrui est toujours éphémère et l’homme à ce stade est toujours passablement seul.
4. Le Dr. Michel-Ange Momplaisir dit de vous «Homme de refus que Camille Loty Malebranche ! Homme libre, Contestataire intellectuel».
Effectivement, souvent dans vos écrits, on dénote une nette contestation de la société occidentale, plus particulièrement nord américaine.
Pour vous en quoi consisterait une société idéale ?
Occident
Je ne suis pas contre l’Occident mais contre l’occidentalisme, cette idéologie essentialiste d’une communauté de cultures se croyant supérieure par essence et ayant la « vocation divine » de soumettre le monde par le colonialisme et l’esclavagisme ancien et nouveau, en arguant de le civiliser! L’occident a vite compris que l’on mène le monde par les structures et la violence structurelle. Dans sa perversion prédatrice, il s’est arrangé pour faire de tous ceux qu’il conquiert et soumet, des rebuts de la paupérisation par ses politiques destructrices imposées, tout en se disant haï.
L’occidentalisme est essentiellement violent et prédateur. Il n’a pas le monopole de la violence colonialiste mais il est le seul à avoir inventé l’impérialisme en mode de génocide économique des peuples, impérialisme protéiforme qui se permet d’intervenir militairement quand il est en crise et qui joue à l’humanitaire via certains Ong et organismes internationaux quand il est bien assis. Après les hécatombes et génocides tels ceux des indigènes du Nouveau Monde et des esclaves africains, sans rien réparer de ce qui est réparable, il se pare de morale amnésique et hagiographique qui le blanchit, l’essentialise, et où il magnifie les pires criminels, de Colomb à Bush en passant par Napoléon et Nixon, tout en faisant des lois qui garantissent ses forfaits, tout en produisant des armes de destruction massive pour faire disparaître le monde si ses « intérêts » étaient menacés. Sociocentriste, ethnocentriste et raciste, tel est l’occident historique et contemporain. C’est aussi, une communauté de prostitués sans conviction, qui couche avec n’importe qui, n’importe quoi quand l’argent est là. L’attitude flagorneuse actuelle des mêmes États et gouvernements envers la Chine jalousée après tant d’injures récentes, en est l’exemple le plus probant sans oublier les relations des tenants des droits de l’homme avec l’Arabie Saoudite bien plus exécutrice de femmes adultères que l’Iran. Par ailleurs, les occidentaux doivent cesser de parler d’aide alors qu’ils continuent de voler et dominer, de piller pour régner. Les pays nantis ex métropoles et colonies de peuplement où des colons sur place ont dépossédé les autochtones de toutes leurs richesses – s’étant criminellement enrichis sur le dos des autres peuples et ethnies envahis, asservis - ont une dette immense envers le monde. Ce n’est pas leurs baragouins de droits de l’homme qui les acquitteront de leur indécence de profiteurs criminels d’autrui.
La liberté sociale passe par le contrôle effectif et sans désinformation par le peuple des politiques appliquées. Le monde notamment occidental, ceux qui s’autoproclament la « communauté internationale », agite un logos dit ‘démocratie’ alors que partout une infime clique d’oligarques banco-kleptocrates (de grands banquiers voleurs de toutes les ressources) instaure la tyrannie d’une ploutocratie planétaire que l’on constate comme si la terre était leur bien privé.
Il n’y a pas de société idéale. Toutefois, l’Homme a le droit d’exiger des sociétés d’équité vu que l’égalité n’est que rêvasserie fébrile des faibles et des songeurs. Mes écrits sont clairs au sujet de l’Occident, je suis contre ce que j’appelle l’occidentalisme, l’occident idéologique de prédation planétaire, de plouto-kleptocratie où quelques-uns (grands banquiers et Pdg de multinationales et de cartels) asservissent le monde par la finance en altérant l’économie réelle des peuples. Depuis quelque temps nous assistons à l’effacement du politique auquel on a substitué des larbins démarcheurs des riches compagnies elles-mêmes tributaires de quelques Banques diaboliques au pouvoir, responsables de la surexploitation ininterrompue des ressources de la Terre au nom d’une croissance économique écocide et homicide de dégradation physique (écologique) et d’esclavagisation économique du monde endetté par eux selon les modalités infâmes du crédit et la pernicieuse nature même de l’argent vu la création de celui-ci à partir du crédit (donc de la dette). Nous sommes aujourd’hui si riches sur terre et pourtant bien plus des 2 tiers de l’humanité vivent miséreux dans la crasse et dans l’opprobre de l’extrême paupérisation, ce, même dans les pays dits nantis, à quelques pas de Wall Street et d’autres places boursières. Comme je l’ai toujours expliqué, je conspue l’occidentalisme, cet occident idéologique sordidement criminel contre l’humanité, qui a imposé et impose le gibet de l’esclavagisme et du néoesclavagisme au reste du monde au nom de la race, dans un immonde sociocentrisme ethnocentrique même si j’aime par contre, l’occident humain et épistémique.
6. Vous venez de terminer récemment, un recueil de poésie intitulé Yeux du sang, Vigie d’âme, publié par les Éditions du CIDHICA. Cette publication a été une surprise pour tous, Comment en êtes-vous venu à la poésie ?
En tant que philosophe, quel lien faites-vous entre la philosophie et la poésie ?
Philosophie et poésie
Que j’aie publié de la poésie plutôt qu’un de mes essais philosophiques, cela relève de la stratégie éditoriale car il est difficile de faire éditer des textes métaphysiques où le langage est abstrait et parfois spécialisé malgré tous les efforts de simplification lexicologique qu’on puisse y apporter. Difficile, à moins d’avoir sa propre édition, de faire connaître ses idées quand on est penseur souverain et libre, surtout dans le petit monde haïtien si souvent parsemé de mesquineries médiocrates et de petits manœuvriers qui font tout pour empêcher l’émergence des vrais esprits de peur d’être par eux, éclipsés! Dans le monde des asservis mentaux et des misérabilistes au pouvoir, toute élévation authentique est suspecte de mégalomanie.
Bref, pour le second volet de votre question je vous répondrai que la philosophie a commencé par la poésie stricto sensu ou la poésie dramatique et ne l’a jamais quittée. Parménide fut sans doute le tout premier à l’illustrer en Occident, Empédocle et les tragiques grecs comme Eschyle ou Sophocle s’inscrivent dans la même veine. Nous savons aussi qu’hors de l’occident, la Bhagavad-Gîta, l’épopée de Gilgamesh ont jeté en Inde et Mésopotamie, les bases d’une weltanschauung (vision du monde) qui prend des allures mystiques de philosophie mythico-sociale. La philosophie se sert souvent de la poésie comme langage et arme d’éloquence et de persuasion dans sa communication. Elle est essentiellement un discours rationnel où le réel ou les mythes, la réalité et l’utopie se donnent en nutriment comme contribution à la construction idéelle du présent et du possible, du déjà là et des projections existentielles humaines et sociales. Elle se veut porteuse de concepts fondateurs du monde nouveau qu’elle propose et donc se mouille et s’échaude toujours en ce qu’elle ose se positionner dans l’espace public. Toute philosophie sérieuse est doctrine et ce, même quand elle n’est pas directement ce que Mounier disait de l’existentialisme « philosophie de l’homme », puisque « la philosophie des choses et des idées » - dont parle le père du personnalisme - par ricochet, fut-elle celle du langage, est tentative de refaire le monde ou la manière du regard porté sur le monde, d’après les possibles qu’elle crée et propose dans les concepts et les idées. Le vrai philosophe, ni Argos ni Janus ni Surhomme, est un Hyperconscient rigoureux et lucide qui pense et prend position. Et sa position se fait selon son observation transphénoménale [c’est à dire allant toujours au-delà du phénomène, du tangible (donc de ce qui apparaît)] des êtres et des choses. Car comme en politique, la parole est éminemment et à fortiori action en philosophie. Mais prenez garde, la philosophie peut être diaboliquement réactionnaire tout comme elle revêt parfois chez certains les traits d’une démiurgie révolutionnaire. Malheureusement, peu de philosophes penseurs et de doctrinaires existent aujourd’hui. Les éditions, bourgeoises pour la plupart, ne publient que des études sur des anciens ou des exégèses. Nous sommes surtout à l’heure de grands analystes de concepts, spécialistes chrestomathiques (c'est-à-dire d’enseignements scolaires) sans pensée doctrinale ou pensée tout court. Ils « pensent » sur autrui et oublient que ces autrui du passé ne sont philosophes que parce qu’ils ont osé penser. Penser comme je l’ai déjà écrit ailleurs, revêt trois grands paramètres : La méditation, la réflexion et la cognition. Cognition en cogitation veut dire création ou recréation d’idées. L’idée comme voie et fin de la pensée est l’architecture nouvelle pour l’édifice nouveau envisagé dans la démarche méditative et réflexive du penseur-philosophe. Pour revenir à la poésie, disons qu’elle est genre et langage. On la fait en autonome ou l’utilise comme moyen. Toute grande littérature, tout discours puissant, dans sa quête d’esthétique et de profondeur, passe par la poésie-langage. La poésie-genre quant à elle, est réservée aux poètes proprement dits. C’est là que la poésie devient métalangagière.
La poésie comme métalangage est une expérimentation métalinguistique de l’extase que j’appelle espécielle, cette forme de transport imprescriptible et mystique de l’Homme comme espèce dans l’ailleurs sans contingence ni limite. C’est un peu le champ de la surlogique qui refuse le corset sémiotique et logique du dire ordinaire. Refus, la poésie est vraiment fidèle à son étymologie de poïesis car elle crée un univers imaginaire mais vrai quoique non réel à la mesure du poète pour briser les carcans… La poésie est intimiste, une sorte de solipsisme qui n’embrase autrui que par cette ressemblance des altérités qui affecte l’Humanité en tant qu’espèce.
Quant à la philosophie, elle est d’ordre plus extraverti et est directement ou indirectement impliquée dans la réalité individuelle et collective. Nous nous rappelons, par exemple, la tentative sartrienne dans ‘Question de Méthode’, de faire en sorte que l’existentialisme, philosophie de la personne joigne le marxisme, philosophie de la société. C’est que la philosophie est dispensatrice de sens par la doctrine qui se veut englober l’homme (onto-anthropologie) et la société (politique).
La philosophie, pour revenir à Janus que j’ai évoqué dans des articles, ce dieu à deux faces sur le passé et le futur, est un Janus discursif, une nyctalopie idéelle qui – au contraire de la « Chouette de Minerve prenant son vol au crépuscule (et arrivant toujours trop tard) » où Hegel a voulu la confiner – connaît les couleurs du jour en gestation pour avoir traversé de nombreux jours et nuits. La Philosophie, par son interrogation des essences, par la masse des idées qu’elle a pu se faire, thésaurisées à travers les millénaires, fait mieux que l’Histoire, l’unité du temps. Elle qui nous permet au fil des regards et des manières de voir, d’envisager l’eidétique insaisissable de la réalité humaine et cosmique.
7. La spiritualité semble jouer un rôle important dans votre vie. Qu’en est-il?
Spiritualité
La spiritualité est le socle même de l’être et de l’existence. Elle se fout des dénaturations heideggériennes qui, bêtement, refusent et subvertissent l’onto-théologie scolastique voire kantienne pour réduire l’être vidé de sens à un morne déploiement dans le temps, où le dasein (l’être-là qu’est l’homme) ne saurait éviter l’abysse illusoire et profanateur de l’être-pour-la-mort. La spiritualité est le champ de l’essentiel en ce qu’elle touche à la nature profonde de l’homme. C’est la religion des tréfonds qui se passe des rites et cultes et de tous les artifices de la religion sociale. Elle prime toute philosophie car sans être discours sur la vie elle est ancrage dans la Vie par le dispensateur de toute vie qu’est Dieu. Socialement elle est rebelle, n’acceptant que l’autorité divine. Elle peut se permettre ainsi d’être anarchiste mystique refusant de se pâmer dans les miasmes de la servitude hiératique qui caractérise la religion officielle institutionnelle ouvrant boutique de dénomination dans le social sous la houlette impie des curies. Je suis mystique Chrétien, cela signifie que je crois à la mysticité du Christ et l’intègre par la foi. Je crois que le Christ a réalisé l’entéléchie humaine en nous donnant pignon, par son sacrifice expiatoire et propitiatoire, sur l’humanité accomplie qui est la réalisation de notre vocation de Fils de Dieu. Dans le christianisme on ne naît pas fils de Dieu, on le devient par l’acceptation de la Rédemption. L’eschatologie chrétienne est l’accomplissement de la véritable nature humaine, une eschatologie donc de la victoire sur la prétendue déréliction de l’homme au monde. Pour le Chrétien ainsi assumé, la Vie est destin et la participation à la Déité du Père, vocation. Destin et Vocation sont entités dynamiques. Le destin est comme un trophée à conquérir, la vocation, un état à féconder, un pouvoir être à rendre effectif. Le destin implique une voie à suivre pour atteindre un but sous peine de se perdre si on quitte la bonne route, la vocation, elle, est un appel à l’assumation d’une potentialité. La foi est l’impulsion-attraction des deux. Enracinement dans ce que j’appelle l’enstase ontologique c'est-à-dire notre nature profonde d’esprit incarné, et transcendance dans l’extase christique de la rédemption et de l’ascension. La véritable Spiritualité Chrétienne - se moquant de la fausse morale religieuse des biblistes qui usent de la Bible sans la démythifier ni la contextualiser pour tyranniser et culpabiliser, comme des religieux de comptoirs faisant carrière. Abomination que Kierkegaard avait à raison en horreur, lorsqu’il disait aux pasteurs que « l’Évangile n’est pas une institution où l’on va faire carrière, mais une Parole édificatrice de l’Âme ». Le Christ nous offre la rédemption et la grâce de l’accès au Père par l’action-guidance du Paraclet que Jésus nous a mérité en son sang versé. Sacrifice, toutefois, qui n’est qu’une parenthèse sitôt ouverte, vite fermée, car Jésus revenu à la vie est devenu le Christ éternel en qui l’Homme est glorifié. Et c’est le Jésus-Christ ressuscité après la libation sanglante du Calvaire, le Christ de l’ascension et du règne que je sers. D’où mon rejet de tout dolorisme. Ma foi en Dieu, foi aveugle de Jésus qui voit en l’Être du Père sa résurrection malgré la croix, est gage de ce que je désigne par philontologie et théontologie, paire de concepts qui signifient respectivement 1) notre affinité naturelle d’avec le Créateur vu la connaturalité entre déité et humanité par l’esprit imago Dei que nous sommes, et 2) l’union avec Dieu par le Don du Paraclet qui nous fait temple de Dieu sur la route de notre accomplissement spirituel, notre vocation déitaire.
8. La situation actuelle de votre mère patrie vous inquiète-t-elle ?
Patrie
Pour évoquer ma mère patrie, je vous dirai, qu’Haïti est fermée dans une torpeur onirique et que les débats politiques sur l’espoir d’un changement sont biaisés au départ, car il n’y a pas d’espoir avec des politicards traditionnels sans action projetante et conquérante. C’est de l’attentisme édulcoré que l’on prêche et inflige au peuple haïtien. Du songe collectif qui n’est pas un rêve parce que privé de projection sur et dans la réalité à construire et le devenir à affranchir. Il n’y a pas de rêve éveillé quand le rêveur ne se donne guère les moyens de son rêve, ce n’est que songe niais voire superstitieux. Et tous les propos plus ou moins savants d’économistes ou ex économistes de la Banque mondiale ou de l’Onu, resteront sans effet pour le changement salvateur. Car ce n’est pas l’érudition réactionnaire de ceux qui focalisent les attentions sur tel politicien en fonction ou en perspective qui sauvera le pays, mais l’élimination du système néocolonial volontairement chaotique qui le détruit. Il s’agit pour les politiques dignes de ce nom de faire le choix des secteurs agricole et agro-industriel, secteurs vocationnels de la topographie du pays, qui doivent occuper l’essentiel de l’économie haïtienne (J’imagine de 80 à 90%). D’où il faut changer de partenaires internationaux vu que ceux d’aujourd’hui font tout pour empêcher l’émergence de ces secteurs dont ils ont éliminé par le dumping, même l’embryon jadis existant. Taïwan est un boulet attaché aux pieds d’Haïti par l’impérialisme étasunien dont nous devons nous défaire. Je l’ai dit et je le redis, Haïti doit intégrer la Chine, ce grand pays sans implantation régionale de son modèle socioéconomique, comme premier partenaire économique et politique pour la construction de ce nouveau système de création et de structuration d’une économie endogène vraiment ancrée dans la configuration physique et la nature géographique haïtiennes. Nos intérêts d’abord, non pas ceux des É.U. ou des taïwanais. Les secteurs secondaires seront le tourisme et la sous-traitance. Tout cela avec une gestion efficace de l’espace (environnement, gestion du risque sismique) et de la démographie rationnelle (population et contrôle des naissances).
Naturellement, il faut que les haïtiens sachent que l’économie politique néoféodale imposée par les É-U. et leurs alliés en Haïti, malgré son échafaudage discursif macroéconomique, constitue une ironie mystificatrice des pays paupérisés par les hégémonistes nantis du nord et n’aidera jamais le pays à sortir de l’abîme. Il faut aussi que les politiques nouveaux qui doivent se lever des ruines actuelles comprennent que l’homme politique est celui qui sait où il veut conduire son peuple. Il a la vision claire de son but à atteindre avec le collectif, il se distingue de l’expert en ce sens que celui-ci, n’est là que pour aider à élaborer les stratégies gagnantes, pour aider à éviter les pièges ou obstacles avérés et surtout subtils sur la voie de la conquête. En aucun cas, néanmoins, l’expert ne peut rien imposer au politique qui est celui qui détermine le but, le propose au collectif et l’y conduit si naturellement le collectif le veut, l’élit en tant que tel. Naturellement pour finir, il faut que l’on humanise la masse d’individus qui ne sont haïtiens que par la fatalité de la naissance, pour les rendre personnes et citoyens. Je réfère encore une fois à mon texte l’Éducation humano-citoyenne, planche du salut haïtien que les lecteurs de cet entretien peuvent facilement trouver sur plusieurs sites web en cherchant dans Google.
9. Nous voilà arrivés à la fin de cette entrevue, avez-vous un mot à dire aux lecteurs.
Épilogue
Le non être parce qu’inexistence est neutre et sans historicité ni trace mais c’est une avanie effaçante pour l’homme ou pour une collectivité humaine d’être fagotée par l’histoire abandonnée à ces bourreaux et ses malheurs, c’est annihilant de s’avouer vaincu et de subir l’histoire par défaitisme!
Dans mon roman inédit ‘Le conquérant d’humanité’ mon personnage principal, racontant sa propre vie dans une autobiographie fictive, déclare : « Je suis né de nuit. La nuit est conquête du jour et marche vers le soleil. La nuit est l’espoir de la lumière qui vient mais qu’il faille vouloir rencontrer et voir. Et c’est cette espérance que j’ai toujours adoptée contre l’absurde et le vide».
C’est donc à cet espoir façonné par l’action du conquérant d’humanité que je convie tous les hommes de quelque ethnie conscient de la dynamique de leur humanité à conquérir à travers la route paradoxalement sombre voire ténébreuse de la lumière, cette nuit traversée et dépassée qui mène au soleil de l’accomplissement humain.
Quant aux haïtiens, je leur redis ici une de mes idées sur la capacité des peuples brisés des forces de l’histoire de ressurgir et de se remettre à vivre quand tout semble les condamner :
Si l’homme s’accomplit par la métaphysique et en Dieu, la société, le peuple, se réalise par la politique et l’action des hommes (du politique et des citoyens), bref des collectivités faisant l’histoire et refusant de la subir.
Merci Camille Loty Malebranche de m’avoir accordé cette entrevue.