Par Camille Loty Malebranche

Permissivité des masses et triomphe des establishments
La permissivité, cette pierre d’achoppement de la volonté, est une attitude de mollesse et de passivité de la conscience faible, conscience tueuse des possibles et pouvoirs de la volonté. L’aboulie, à ce compte, est moins pire; car il s’agit d’une pathologie diagnostiquée par la psychiatrie ou la psychopathologie alors que la passivité n’a rien de scientifiquement pathogène malgré ses ravages suicidaires au plan civil et politique sur les majorités réifiées de la planète. D’où, le passif, malgré sa morbidité civile, son apathie sociale, n’est jamais soigné comme un malade !
D’ailleurs la société inhumaine de manipulation de l’individu où nous vivons, encourage la passivité, voire la préconise et l’impose cyniquement, férocement, impitoyablement...
Dans l’histoire de l’humanité, l’autocratie a passablement dominé tous les pouvoirs monarchiques ou républicains qui ont précédé l’ère de la disparition des dictatures personnelles en Occident. En ces temps-là, le roi, le président, Homme-État, Homme-structure était non seulement au pouvoir mais était le pouvoir. Ce, même après l’abrogation du droit divin en monarchie puisque la république en recelait plusieurs. Quant aux pays de la périphérie, puisque les constitutions n’y ont jamais su empêcher les dictateurs de sévir brutalement et tyranniquement contre leurs concitoyens dans la plupart de ces "pays périphériques", sans aucune structure garantissant la démocratie formelle d’apparat des pays très policés et étatisés du centre, il va de soi que l’autocratie y a régné encore plus longtemps. Néanmoins, depuis quelques années, le refrain des droits de l’homme profitant de l’institutionnalisation juridique des tribunaux internationaux, notamment le tribunal pénal - tribunal honteusement incompétent, ne pouvant interroger aucun étasunien comme Bush et son équipe sur les désastres criminels de leur bellicisme en Afghanistan ou en Irak ou leur lien avec l'industrie de l'armement - se permet de juger pour crime contre l’humanité des dirigeants mal vus de pays généralement non blancs (sauf dans le cas de la Serbie) par les quelques puissances mondiales qui s’autoproclament le monde et se permettent d’accuser et de condamner des individus d’influence ayant violé leur vision hégémonique de la morale planétaire, une fois au pouvoir dans des pays périphériques. (Remarquons que le cas punitif de la Serbie, fut tel, surtout à cause de sa non appartenance à l'ordre occidental, car l'occident nous prouve chaque jour qu'il ne juge que les crimes qu'il veut voir quand l'appartenance géopolitique et idéologique desdits criminels effectifs ou prétendus, lui échappe). Les tpi puis leur remplacement par la Cpi sont un fait nouveau de prise d’hégémonie des pays les plus nantis qui peuvent être juges et parties par cette structure de prétendue justice consacrée par le droit international public grâce à la passivité des pays du Sud. Non content de la Haye très rarement saisi de dossiers sérieux, compétent seulement pour des conflits entre états, « le monde » peut infliger sa justice aux criminels de pays voyous ! Par ailleurs, après la chute du mur de Berlin, la disparition du danger des révolutions anticapitalistes, l’imposition de la globalisation politico-économique aux états les plus démunis de la périphérie, se profile une nouvelle célébration des libertés axées sur l’individualisme, libertés confondues selon la propagande idéologique et médiatique des puissants à la souveraineté citoyenne.
Une structurocratie régnant par la complaisance du grand nombre aux vœux de l’oligarchie ploutocratique, impose la dictature systémique de la fausse démocratie officielle des nouveaux États policiers d’aujourd’hui. Ploutocratie et démocratie sont, en effet, antithétiques. La première est un lieu de privilèges sans limites pour une poignée de familles, la seconde quant à elle, pour être vraie, suppose un ensemble de droits inviolables et de prérogatives inaliénables des citoyens autorisés vraiment à exercer leur citoyenneté au-delà du retour cyclique des élections en tant que toutes les structures de l’État et de la société y devraient avoir la vocation de garantir à chacun et à tous. La morgue des riches maîtres des structures et la passivité permissive des peuples offrent aux tyrans d’aujourd’hui la pseudo légitimité dont ils se targuent pour continuer à régner et traumatiser les majorités. Alors qu’une poignée de répéteurs atteints de l’écholalie systémique résonnent les manipulations idéologiques, l’héroïsation voire la déification du vil par les mass media emballant le grand nombre, bricolant des célébrités que consacre l’ovation populacière, achève de sacrifier les valeurs dans un monde vidé des principes humains qui faisaient encore son idéal, sa terre d’utopie jadis désirée ! La mort de l’idéal, véritable abîme du présent et du pragmatisme desséchant, est un effet du populisme culturel et de la tyrannie du nombre dans une démocratie dénaturée où la sottise et les comportements réflexes priment comme une échopraxie sociopolitique, la réflexion et l’esprit qui, seul, peut assumer la liberté en garantissant le statut de personne à l’individu, lequel est aujourd’hui plus qu’hier, fiché, formaté par les États hyperpolicés où nous sommes contraints de vivre. Dans un monde où l’intrusion de la star et de l’amuseur public dans l’imaginaire et les réflexes collectifs déclenche l’hystérie des foules, dans un monde où les marionnettes des oligarques de la finance, sont portés au timon des structures politiques et économiques par le vote du peuple réduit au simple stade de masse d’individus (laos) vu l’incapacité d’être peuple organisé (démos) à cause des forces inhibitrices et de l’idéologie dominante, le système social prend dangereusement des allures de cirque avec ses bouffons inconscients s’adonnant à satiété aux inepties loufoques du populisme politique et culturel. La passivité sociale naïve et autodestructrice (antithèse même de la passivité agissante et suggestive du croyant quiétiste armé de foi pour transformer le réel), laisse le choix aux monstres qui profitent du confort facile de leurs structures de pouvoir et dévorent l’homme réifié et fabriqué au moule du système voué à leur règne et service.
Terreur et artifice de la norme
Il n’y a de norme que la nature, fors cela, c’est du construit structuro-idéologique. Construit nécessairement artificiel des tenants de l’institution sociale. Construit diaboliquement aliénant et réifiant selon les artifices des maîtres des establishments.
On sait que le normal est nécessaire, immuable et s’impose de soi par son essence à la différence du légal ou du réglementaire tous deux contingents venant des choix artificiels des hommes et qui, par leur modalité même, peuvent changer au gré des décideurs. Mais dans le social, l’idéologie a fini par faire croire au grand nombre que l’ordre injuste du pouvoir de classe des ploutocrates - ordre avec ses symboles et ses marques d’apparat distinctives de suprématie sur le grand nombre infériorisé - est normal. Car la force de l’establishment est d’opérer en invisible grâce à la kunée que constituent les structures rectrices de leurs intérêts. Ainsi tous fonctionnent dans les moules et « normes » conçus à la mesure des desiderata de la classe du pouvoir. Là, l’impiété répugnante, est l’ardeur du sot savant utilisé par lesdites structures pour faire croire au sot naïf que l’ordre des choses est vraiment la norme et donc indépassable et naturel alors que lui comme le naïf, ne sont que de tristes pions d’un système antihumain, malsain au but abject et déshumanisant qui consiste à utiliser des hommes pour la gloire d’autres sans le moindre souci de l’humanité des utilisés transformés en ombres volontaires par passivité collective et inconscience.
Prométhée ou le désert existentiel...
Le principal mythe fondateur de l’occident, Prométhée, nous rappelle sous la plume d’Eschyle - sans doute un des plus anciens ennemis des déicides de la littérature mondiale - que l’orgueil humain porté contre Dieu aboutit à l’illusion du pouvoir. Le Prométhée d’Eschyle, voleur du feu olympien et condamné à la crucifixion sur le Caucase pour avoir le foie dévoré par un aigle, malgré sa libération par Héraclès, symbole de la force, ne put régner que dans le désert de Scythie sur la populace barbare que furent les scythes. Cela, naturellement, est pour évoquer la désertion de soi, le désert existentiel que devient la vie de l’homme sans Dieu, menée uniquement par l’arbitraire et l’illusion de la liberté et de la souveraineté que procurerait la force ! Toute la montagne prométhéenne n’est en fait qu’un tertre mortuaire où s’amoncellent les dépouilles de la nature humaine assassinée et conduite loin de sa vocation. Car il est une vocation de l’homme de poursuivre l’essentiel c’est à dire l’idéal pluridimensionnel fondamentalement spirituel de la plénitude de son humanité, en assumant sans cesse et au plus haut, les grands élans de sa nature subvertis par l’idéologie systémique ennemie des principes d’Amour, de Liberté qui l’appellent. Si ici, nous n’avons point évoqué le principe de Vie qui forme avec l’amour en premier et la liberté en second, la triade de l’Élan humain, c’est parce que vivre n’est même pas une vocation mais un destin, car une vocation est un appel qui exige un acquiescement et une action responsive, alors qu’un destin n’est qu’une évolution allant de soi ! Vie, destin sacré de l’homme, destin hélas, sans cesse galvaudé par des contingences et nécessités mortelles des structures ploutocratiques qui font primer la richesse du petit nombre sur l’être humain et les dévolus de son humanité !
Dans un monde d’illusions où les artefacts du matérialisme sauvage font oublier l’essentiel, l’homme n’est même pas encore gestation que la propagande des zéros produits en héros, lui brûle l’étape par le surhomme, il nous faut être formel : grandeur sans humanité n’est qu’illusion aberrante, déchéance mortelle de la nature humaine ! Et dans cet environnement d’aliénation ludique et structurelle de l’homme, le seul cri digne et salutaire qui puisse avoir droit de cité est ceci : Soyons hommes avant d’être grands... Soyons l’Homme contre la surhumanité hypertrophiée et réifiante du système !
Le pire déni, le plus abominable des chemins de l’esprit est, faut-il le dire, la profanation de la Vérité par la foi à l’Illusion. C’est en réalité le refus inconscient du mouvement ascendant du travail de soi sur soi-même et de résistance mentale et active face au programme macabre de reproduction des erreurs et mensonges du monde chez l’individu par les institutions de maintien de l’ordre social et culturel. Ce que j’appelle le charnel psychologique, qui est en fait de la cécité spirituelle de l’homme errant loin de sa vocation transcendante ! L’on comprend que dans un univers où les prédateurs, les déprédateurs, les tueurs, les colons sont au pouvoir parce que vainqueurs, riches, bâtisseurs de pays et d’empires, eux qui continuent sans trêve et sous d’autres formes leurs forfaits, la morale de façade qui a cours, ne peut être que pour berner les proies, justifier l’horreur de la domination des monstres et de l’exploitation de l’homme par l’homme.
Que par un réveil actif loin des passivités permissives, les amis des majorités oubliées et asservies fassent briller pour tous, la lumière libératrice contre la ténèbre des structures et systèmes impies, monstrueux voire tératogènes de la mort de l’homme !
Que les peuples élaborent le temps nouveau, tel un kairos - (temps actif de création d’opportunités sociopolitiques, remplaçant le chronos qui est un temps passif naturel sans projets humains) - en se donnant le pouvoir de l’action politique. Pouvoir des majorités contre les oligarchies mangeuses d’hommes !
Si le temps, comme je l’entends, est le butoir mortel de la durée qu’il triture par l’impermanence, l’histoire en a fait une triste pérennité de l’injustice des forts et de l’écrasement des petits dans l’entraliénation des monstres qui réifient et des victimes réifiées qui s’ajustent, s’identifient à leurs bourreaux.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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