Par Camille Loty Malebranche
Il n’est de charité que la justice sociale. Toute pauvreté nécessitant des secours proprement caritatifs en pleine société d’abondance, relève du crime contre l’humanité de l’État. Dans notre société d’abondance, le caritatif institutionnel est une abominable hypocrisie des mauvais riches, prétexte ploutocratique pour laisser croire au mythe d’humanité des monstres responsables et planificateurs de la misère sociale voire planétaire.
Il est d’usage, vu l’amalgame qu’en font nos sociétés faussement humaines mais monstrueuses dans les faits et le diabolique État ploutocratique, État-Moloch, de dichotomiser le monde axiologique des rapports des hommes dans la société et ceux internationaux des États, entre la « Charité » qui relèverait du bon plaisir du charitable octroyant aumône à son favori et la « Justice » qui, elle, appartient au droit inaliénable de l’être humain et des peuples. Cette dichotomisation conceptuelle est symptomatique de l’état d’esprit des ploutocrates vu l’infrabestiale et insidieuse propension des oligarchies à mépriser et à ravaler les hommes, les pillant légalement, bafouant leurs droits économiques par la paupérisation pour mieux les mystifier, les humilier et les esclavagiser. Pourtant, en deçà des lois et des structures, la relation des hommes et des états devrait s’axer autour de la charité non pas comme empire de la faveur ou du privilège mais comme espace de droit universel où l’homme est primauté. Il n’y a de charité pour nous-mêmes et pour autrui que la justice et sa pratique. La justice, cette morale qui surpasse toute éthique par son absoluité et sa transcendance des contingences culturelles et conjoncturelles, parce que proclamation de l’équité et des droits fondamentaux, parce qu’également affirmation du primat de l’homme et du statut de l’humanité comme essence et valeur suprême dans les rapports sociaux ou structurels au sein de l’État, est une exigence de l’amour sans passion mais ô, combien engagé aux côtés de l’homme qu’est la charité ! La charité est l’amour-philia (amitié) que nous nous aménageons comme membres de l’espèce en général et comme prochains impliqués dans toutes sortes de relations interpersonnelles et intersociales. Charité, capacité d’empathie et attitude prévenante envers l’autre semblable, ouverture et disponibilité qui préconise le bien d’autrui, prédispose à l’amour de l’autre humain perçu comme prochain malgré tous les éloignements contingents des situations. Là, la charité est mode de rapport selon la justice. La charité est donc le mode opératoire et relationnel, le principe même de l’amour et du respect humain tant interpersonnel que social, alors que la justice en est la procession institutionnelle, le déploiement structurel garant dans le social par l’État. De fait, la seule justice que l’humanité commune réclame envers nos semblables de l’espèce, et qui est en société, le devoir fondamental voire la raison d’être de l’État, c’est la charité. De sorte que dans une société juste, la charité tape à l’œil des institutions parfois sincères, souvent suspectes qui s’en chargent, n’existerait point. Car le rôle suprême de l’État étant la justice et l’équité dans la société, il est d’usage que ses lois, si elles étaient justes, garantiraient une charité systémique protégeant les administrés de l’égoïsme de classe et de la cupidité des puissants ploutocrates usurpateurs qui, détruisant l’exigence sociale de charité, violent le pacte de Justice de l’État à l’égard de ses membres. Une justice sans charité, telle que celle qui règne aujourd’hui dans nos sociétés réduites à la seule dimension de la fausse et malsaine économie dénaturée par la finance, et qui ajuste tout à celle-ci, ne peut être qu’un déni d’humanité, un crime contre le centre de toute Valeur qu’est l’Homme à qui tout choix social devrait, par la charité et sa justice, ramener. Nos cours et tribunaux ont ceci à leur actif : ils rendent parfois, exceptionnellement, des jugements plus ou moins justes. Leur drame dénaturant est que la justice étatique qu’ils représentent, est tronquée, fondée au départ sur l’exclusion des majorités et l’accaparement du bien commun par les plus forts. Et pour autant que le systémique est systématique dans ses procédés, ses conséquences, la justice de nos tribunaux, tendra la plupart du temps à l’imposition de l’horreur par la force publique. À ce state, rien n’est plus violent, ni plus prostitué et ennemi de la charité que la justice officielle de l’État.
Dans un contexte où la victime, l’exclu, le rejeté, le marginalisé, le déprimé, est constamment suspecté, surveillé, culpabilisé et accusé, l’on comprend que les baragouins idéologiques de l’État et de ses représentants gouvernementaux sur la justice, resteront insulte à l’intelligence et insignifiante absurdité contre le sens, tant que la justice sociale ne sera à l’intérieur des États, la seule et unique poursuite des gouvernements. Dans cette occurrence idéologique d’infrabestialité, cette automation cybersociale où l’homme n’est qu’un automate mû par les stimulations idéologiques, il n’est pas rare de rencontrer des repus, des pseudo-théoriciens, des travailleurs précaires aliénés, des balourds scolarisés, des imbéciles avérés, des illuminés de l’ordre, des prostitués du système qui fêtent leur « intégration béate », leur fonctionnement machinal en conspuant les ostracisés. Toutefois, nul État, nulle société ne peut prétendre défendre la justice sans au préalable veiller à ce que chacun de ses membres ait de quoi vivre dans la dignité matérielle où ses besoins primaires et secondaires sont satisfaits dans le respect lui permettant de rêver et de partir vers son accomplissement social. Nul État ne peut garantir la justice sans interdire légalement la phagocytation des intérêts collectifs par des vœux oligarchiques. Quand un système est pourri jusque dans ses fondements, toute justice et pénalité n’est qu’instrument de l’oligarchie dominante pour imposer son pouvoir et assurer la pérennité de l’ordre qui la favorise.
Dans une société où les droits les plus inaliénables sont commués en privilège par l’artifice de l’idéologie officielle qui fait tout pour ravaler et fragiliser les moins nantis réduits au stade de favorisés sans droits, la charité alors subvertie en aumône n’est que prétexte d’humanité de la bête étatique. Cette bête étatique qui verse d’un côté - des centaines de milliards à des banques en banqueroute parce que trop prodigues de salaires onéreux aux banquiers crapuleusement hédonistes - et de l’autre, ose jouer les désemparés face à la pauvreté provoquée par ses choix politiques. Nous disons que cette bête étatique qui accuse les plus pauvres de ne pas gérer leur vie, astreignant la majorité de la société à la précarité économique et au sacrifice, dans le plus impudent vampirisme, inapte à la charité due qu’est la justice, est indigne d’exister !
Que pour la charité véritable, ceux qui se donnent au bénévolat, laissent tomber cette éponge confortable aux puissants pour penser et façonner selon leur grand cœur, des structures de pression efficaces contre l’abomination de l’État ploutocratique et de ses privilégiés bouffis qui infligent la honte de la pauvreté à la dignité de toute la société !
À moins que toute la société soit peuplée de tarés monstrueux dont la bannière est l’amour-haine du paupérisé appelé méprisamment pauvre, nous sommes tous coupables de laisser faire l’oligarchie ploutocratique qui accapare la richesse collective et planétaire tout en se plastronnant, traitant de fainéant et de désespéré quiconque ose la défier ou n’arrivant pas à s’intégrer dans l’ordre macabre de l’économie politique ostraciste parce que dénaturée par des ploutocrates.
La charité, cet amour du prochain comme devoir spirituel de l’humanité, n’est pas de l’aumône car l’aumône sociale est de la singerie d’un système voulant masquer sa culpabilité criminelle. L’aumône sociale qui force le pauvre démuni à devenir travailleur esclave et dégradé, est amour-haine des nantis pour l’humanité. Or, nous savons que l’amour-haine est toujours pathologique. En fait, il n’y a pas d’amour-haine, il n’y a que la haine inassumée s’accoutrant de sensibleries mièvres par souci des haineux de paraître humains au plus fort de leur bête déshumanisation et de leur crapuleuse monstruosité. De fait, les plus cupides arrogants s’imposent précisément par des structures bancaires et financières en accaparant les richesses collectives, expropriant ceux mêmes qui produisent la richesse pour transformer toute l’humanité en esclaves et larbins de leur égo de cossus condescendants !
Inutile donc de dire que tant que l’État ploutocratique avec ses politiciens vendus et prostitués, sous contrôle notamment des banques et multinationales, s’imposera, le droit démocratique de tous de vivre libre de la pauvreté et de la précarité vu l’immense masse de richesses produites mais indisponibles parce que expropriées aux peuples, sera un pur néant sur notre planète séquestrée par des monstres.
Pour une oligarchie qui se retrouve paniquée et troublée devant les conséquences de ses propres gloutonneries, la charité institutionnelle des bénévoles quoique de bonne foi et de bon cœur, sert à amadouer et à apaiser la conscience criminelle et de culpabilité. L’État ploutocratique toujours putride se refuse encore et encore à abandonner ses pourritures et préfère les dissimuler par des subterfuges, cachant au populo manipulé ses monstruosités étatiques, ses ignobles politiques gouvernementales paupérisatrices et meurtrières, quand vient le temps des fêtes. En vérité, c’est de la thanatophilie idéologique que cette volonté officielle et publique de masquer la saleté sociale et gouvernementale par la blancheur du caritatif « telle de la chaux qui blanchit la décomposition inhérente aux tombes », je repense ici bien-sûr à la sainte et juste invective christique contre les pharisiens.
L’aide étatique aux banquiers le montre crument malgré les mensonges racontés aux masses abandonnées à elles-mêmes, l’État appartient à quelques riches du secteur privé dont les alliances avec une strate aisée des classes moyennes et les miettes jetées au peuple, assurent la pérennité, le règne. C’est un État totalement ploutocratique existant pour garantir et pérenniser les intérêts particuliers d’une oligarchie très opulente au mépris des intérêts collectifs du peuple. Et, comme par ironie du sort des pauvres et raillerie de la condition des exclus, chaque année, l’apparat rituel du caritatif annuel, confère à la putréfaction de l’État ploutocratique et de la société qu’il sous-tend, soutenu par la clique des riches médias commerciaux, l’exhalaison d’une bonne odeur de sainteté ! Cela, naturellement, se fait pendant que l’État, impassible, continue à broyer le peuple qui fait la richesse mais doit souffrir de la dilapidation étatique de l’économie réelle. Car aux yeux des dirigeants prostitués aux ploutocrates, ne prévalent que le sauvetage des secteurs bancaires et commerciaux malsains et la restitution de la fallacieuse dette nationale vis-à-vis des banques privées et des secteurs cossus de la finance que l’État a lui-même rendu possible par sa politique et son système monétaire et financier.
Ainsi, en ploutocratie, c’est un abject État félon et maffieux trahissant le peuple et désertant impudemment son devoir élémentaire fondamental de travailler au bonheur de tous ses administrés, préférant reléguer au bénévolat et à l’aumône caritative ses moindres charges, qui dirige le sort des nations.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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