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Par Louis Denghien,


 

Istambul, mercredi soir : une très large majorité de Turcs refuse toujours de suivre Erdogan dans son obsession anti-Bachar…

 

Le Conseil  de sécurité des Nations-Unies, pour une fois unanime, a condamné jeudi soir les tirs syriens sur la ville turque d’Akçakale, exigeant que « de telles violations des lois internationales (…) ne se répètent pas« . La Russie et la Chine ont joint leurs votes à ceux des Occidentaux pour ne pas paraître défendre systématiquement le gouvernement syrien quoi qu’il fasse, tenant à leur statut de défenseurs impartiaux de la paix dans cette région.

Une attitude qui peut se comprendre et qui ne remet évidemment pas en cause le soutien de ces deux puissances à la Syrie. Reste quand même un problème de fond et d’équité : tout le monde sait bien que la Turquie d’Ergogan est le « porte-avions » de l’ASL, la base arrière des bandes qui ensanglantent la Syrie. Que ce « détail » n’ait jamais – ou si peu – été évoqué nous parait pour le moins scandaleux.

Sur le terrain, les tirs de l’artillerie turque contre des positions syriennes dans le secteur d’Akçakale/Tal al-Abyad se sont interrompus jeudi matin. On ignore quels ont leurs effets, bien que l’OSDH affirme – sur la base de quels témoignages ? – que plusieurs soldats syriens ont été tués.

 

64% des Turcs pour la paix (et contre Erdogan)

Après avoir obtenu le vote – acquis d’avance – d’une nette majorité (320 pour, 129 contre) du Parlement turc en faveur d’un texte autorisant si nécessaire pour la sécurité nationale des opérations militaires en Syrie, les dirigeants d’Ankara, Erdogan en tête, ont assuré qu’ils n’avaient aucune intention de faire la guerre en Syrie et que la nouvelle disposition était juste « dissuasive« . La guerre à la Syrie, sans doute pas. Aux Kurdes syriens, c’est moins sûr : tout le monde l’a oublié, mais48 heures à peine avant l’incident d’Akçkale, au moins un membre du PYD – le principal parti kurde syrien – a été tué (et deux autres blessés) à Dirbassiyé en Syrie par des tirs turcs. Et la vraie hantise d’Erdogan et les siens, c’est la présence sur une bonne part de leur frontière avec la Syrie de ces miliciens autonomistes, neutres envers le pouvoir et plutôt hostiles à l’ASL, mais en tous cas alliés au PKK opérant déjà sur les confins irakiens de la Turquie.

Il faut revenir sur le vote du Parlement turc : la principale force d’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP, gauche laïque), ainsi que le parti de la minorité kurde BDP ont voté contre la motion. Il semble en revanche que la droite nationaliste, pourtant pas opposée à la Syrie et son gouvernement, ait écouté les sirènes patriotiques d’Erdogan.

De toute façon, la classe politique turque semble moins en phase que jamais avec le peuple turc sur ce sujet. Un sondage en ligne publié jeudi par le journal à gros tirage Hürriyet a confirmé que 64% des Turcs étaient opposés au texte voté au Parlement. Une tendance de l’opinion qui ne s’est jamais démentie depuis le début de la crise syrienne, et l’implication pro-opposition d’Erdogan. Outre qu’une minorité importante de la population kurde est soit chiite, soit kurde, la population dans son ensemble n’est pas enthousiasmée par la place qu’ont pris dans le sud du pays les réfugiés syriens et l’ASL qui les encadre. Ni par le marasme économique, au moins régional, qu’a entraîné la fin des relations commerciales, naguère prospères, entre la Syrie et la Turquie. Au fond, beaucoup de Turcs soupçonnent leurs dirigeants de leur avoir « installé à domicile » une sorte de Viet Nam, et ce pour complaire aux Américains et à ces Européens qui, par aillleurs, leur refusent l’entrée dans l’Union européenne. Cet alignement de la diplomatie turque sur des « agendas » étrangers est un leitmotiv du discours de oppositions turques.

Au moment des débats au Parlement, plusieurs milliers (5 000 selon le Nouvel Observateur) de manifestants se sont rassemblés mercredi soir à Istambul, à l’appel de partis de gauche et d’extrême gauche, pour dénoncer la « guerre impérialiste » qu’Erdogan et ses amis voudraient livrer à la Syrie. A Ankara, une soixantaine d’opposants ont tenté une protestation symbolique devant le Parlement, mais ont été dispersés sans trop de ménagement.

La crise syrienne demeure pour la Turquie une sorte de cancer politique et social, un cancer qu’Erdogan et les siens ont laissé proliférer, un cancer qu’une motion parlementaire ne guérira pas. C’est par l’abandon de l’ASL et d’une opposition  syrienne irresponsable, et le rétablissement de relations normales – telles qu’elles existaient juste avant la crise – avec son voisin, que la Turquie retrouvera cette paix et cette sérénité mises en péril aujourd’hui par Erdogan et non par des obus de mortier syriens.

 

Ci-dessous manifestation turque contre une guerre en Syrie :

http://www.youtube.com/watch?v=jg_CxjUqTA8&list=UU_2KcjsBnsbXqTdDaMziO2A&feature=plcp

 

 

source: lien

Tag(s) : #Actualité
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