Par Camille Loty Malebranche
La conception du mérite par la société est déterminante de rêves et de vocations à l’échelle individuelle, d’où une crise du mérite par une dénaturation axiologique tant logique que morale dans la représentation collective et institutionnelle, ne peut que faire dégénérer le mental et le comportement des individus.
En nos sociétés contemporaines extrêmement niveleuses qui s’évertuent à standardiser le comportement de ses membres, plus que jamais, le mal est dans les messages liminaux et subliminaux des institutions sociales et du collectif qu’elles façonnent pour imposer son mode de signifiance à chacun. Ainsi le sens, pris en main par la société, imprime la grande dérive contemporaine déshumanisante que nous observons… Réinventer le sens, refaire la signifiance en changeant de société est une nécessité pour la réappropriation de l’humanité aux foules institutionnellement menées et manipulées. Comme je l’ai dit ailleurs : le rêve que tu fais est bien l’homme que tu es par la projection de toi-même qui s’y tient. Si ton mérite, celui qui s’imprime en ton rêve est digne et authentique, tu seras un homme, sinon tu t’alièneras et ne seras rien.
Quand toute la société pâtit d’un manque d’humanité, c’est qu’au départ, un certain nombre critique de ses membres souffre d’un rapport vicié à leur soi individuel entretenant des formes de perceptions vicieuses de leur personne, qui se répercutent dans les structures matérielles et culturelles de la gestion du collectif. Les organes de la fonctionnalité que sont les institutions orchestrent en ce déficit, fondent en cette déficience de valeurs, une barbarie érigée en civilisation.
Lorsque contre tout intrinsèque, la société cultive les jets de l’arrivisme et que l’estime de soi ne se fonde que sur la violence du ravalement d’autrui par sa marginalisation sociale ou son infériorisation dans les clivages économiques, on ne peut parler de civilisation.
Ilotiser les majorités à travers le mensonge idéologique et la domination institutionnelle de l’État séquestré par une oligarchie de droit divin, c’est de la barbarie formalisée et non de la civilisation. Ce n’est pas être juste que d’être autopunitif, injuste avec soi-même pour plaire à un ordre social ou mondial. Ce n’est pas être juste et équitable que de s’accommoder aux injustices d’autrui; au contraire, une telle inhibition n’est ni abnégation morale ni sagesse mais lâcheté et flagornerie complices des méchants.
Ce n’est que par sinistre apologie de ses manques et ignominies autojustifiées pour s’ériger moralisatrice quoique immorale afin de broyer la moindre tendance à la révolte chez l’individu ordinaire qu’elle asservit, que la société de clivages et d’assujettissement économique des majorités par une infime minorité oligarchique, ose se dire civilisée voire démocratique...
En vérité, le combat pour l’amélioration intrinsèque (spirituelle, intellectuelle, morale) de soi-même et de l’humanité est supérieur à toutes les luttes de pouvoir dont prétextent certains groupes et courants militants prétendant vouloir changer le monde. Entre le militant du pouvoir voulant imposer ses propres excès et le combat d’ascension de soi par les valeurs vraies, il y a un monde de différence, un abîme de nuances. L’action pour la justice véritable n’est pas le militantisme de l’assoiffé de pouvoir avide d’écraser autrui au nom d’une vindicativité qui n’ose dire son nom!
Sur le plan social, dans un monde où quelques-uns ont tous les pouvoirs structurels économiques et politiques, dans un monde où les seigneurs capitalistes imposent leur ukase essentialiste sur le sort de l’humanité, la soumission prime tout mérite et le reptile le plus habilement rampant a toutes les gratifications; gare à l’individu qui veut être debout. Un mérite dans une société où l’essentialisme de classe prédomine tout mérite?! Nous voulons pour preuve, le cas du pouvoir de ces riches héritiers d’empires industriels, commerciaux ou financiers, semblables à ces jeunes monarques, parfois purs ignares, maîtres juges de toute compétence d’autrui uniquement par leur origine, leur essence sociale de sang et de rang, eux qui utilisent et emploient selon les roturiers et les nobles, les savants et les sots sous leur emprise. La préséance du mérite et des méritants n’existera pleinement que lorsque la société sera enfin libre de tout essentialisme idéologique!
Au plan ontologique, le mérite authentique ne prend son essor que lorsque l’homme dépasse les turpitudes du social et ses faiblesses propres pour construire son comportement à la stature des valeurs spirituelles et intellectuelles où l’humain en lui déploie ses ailes pour le céleste tremplin des grands idéaux inhérents à l’humanité éprouvée et proclamée!
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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