Par Camille Loty Malebranche
L’homme d’influence peut manifester et de fait, manifeste une prépondérance mentale émanant naturellement de lui, une prégnance spirituelle ou intellectuelle qui domine par la puissance des qualités, une sorte d’auréole l’investissant de ce qu’on appelle parfois l’autorité morale ou simplement le mérite! D’ailleurs, en nos sociétés décomposées qui bricolent l’antivaleur en mérite, élevant les pires aberrations en mérites, sacrant rois des histrions, des médiocres et des sacripants, la fierté dédaigneuse de l’homme de grande valeur doit s’exprimer avec force pour tenir à juste distance la canaille envahissante de la politicaillerie en quel que soit le domaine de l’action sociale. Ce type d’autorité altière par la noblesse des valeurs intrinsèques est loin voire aux antipodes de la prépondérance des « autorités » formelles, protagonistes de pouvoir en nos sociétés verticales, qui s’avèrent être, pour la plupart, de vulgaires dominateurs et prédateurs de masse.
L’action du dominateur socioéconomique ou religieux est, par essence, contrenature; car l’homme, nul homme n’est maître propriétaire de l’homme. Et Dieu, le seul maître absolu de l’Homme, le veut pour fils et non pour esclave! Il n’y a que les religions officielles en leur institution qui veulent ériger un dieu asservisseur auquel les hommes de pouvoir religieux et séculier, impriment leur tempérament d’oppresseur, un dieu faux car dénaturé, à l’image des bouffis obsédés de pouvoir qui s’y projettent. C’est pourquoi, pour dominer, il faut passer par des artifices insidieux de séquestration mentale, car à l’échelle interhumaine la soumission ne s’obtient que par le chantage pernicieux de l’essentialisation idéologique. L’obéissance peureuse à autrui, voilà un secret classique jamais absent du pouvoir de l’homme sur l’homme. Le désir de domination pousse toujours les obsédés de règne à ériger leur propre pouvoir comme absolu suprahumain en instrumentalisant le suprême qui est toujours plus ou moins au nom d’une idole, un quelconque absolu, ne serait-ce que celui d’un supplétif d’absolu : la patrie, la nation, le peuple, le bien, la démocratie, la moralité publique, la prospérité économique…
La règle d’or pour ne pas se faire avoir, c’est savoir discerner la justesse d’un pouvoir à accepter, cela, que ce soit en contexte individuel ou en perspective sociale! Que le patient d’un pouvoir qui veut s’exercer sur lui, prenne soigneusement le temps de se poser la question des motivations de l’agent qui lui demande de servir et d’obéir, en scrutant de près la finalité effective de l’action demandée sur son propre sort, sa propre condition! À qui profite ce sacrifice demandé, cette austérité, cette guerre, cette loi identitaire…? À moi? Au nous inclusif? À des privilégiés assouvissant leur orgueil? Seuls les principes effectivement au service de tous en clair bon sens - car il n’y a pas de mystique du pouvoir social de l’homme sur son semblable - sont dus et dignes d’obéissance en société vraiment démocratique. Le pouvoir absolu du dictateur ancien a fait place, du moins en occident, à celui des structures soi-disant démocratiques qui, pourtant, consacrent la domination d’une oligarchie ploutocratique sur les peuples et sur l’humanité. La ploutocratie n’est guère plus respectueuse de la liberté que la dictature proprement dite, l’une et l’autre tiennent de l’arbitraire et ne sauraient même légales, être légitimes! Le banal le plus profane idéologiquement sacralisé est idolâtré car les foules ont une tendance macabre à l’idolâtrie des dominateurs qui savent jouer de la distance et de la condescendance pour les transporter au ravissement et au délire de l’identification au maître paternalisé… Nul ne domine l’homme sans s’autodiviniser par la mystification de son statut pour mystifier ses dominés à un degré ou à un autre. Mystification de manière directe ou détournée, orchestration de l’idolâtrie de soi par l’échantillon humain pris pour cible de son pouvoir tout en se fabriquant des idolâtres inavoués. Nul ne mène les hommes sans recourir à des machinations d’infériorisation ayant une forme sacrale qui, à la fois, fascine et débilite le mental de ses marchepieds vivants volontaires.
La sacralisation de ce qui est simple pouvoir politique
Par les structures d’État, le pouvoir de classe rendu entre les mains des gouvernants, se légitime et se substitue au dogmatisme religieux, transformant l’exercice du pouvoir en une sorte de domination hiératique où la ploutocratie oligarchique assume blasphématoirement le statut d’idole.
En fait de civilisation, chaque type de société qui s’impose sur ses semblables devenues ses conquises ou à tout le moins, ses influencées, sont comme prises d’un complexe d’atlas condescendant consistant dans la considération de soi comme instance gigantesque indispensable qui porte le monde sur son cou, coltine toutes les faiblesses d’autrui dont il est supérieur en essence et en qualité justifiant son pouvoir. Ce délire du gigantisme protecteur condescendant, nous le retrouvons dans la mission civilisatrice que se donnent les puissances mondiales, lesquelles justifient leur hégémonie prédatrice, pillarde par l’argutie de leur supériorité bienfaitrice. Comme aujourd’hui les vieux empires qui, même en plein déclin, prétendent pouvoir protéger, eux et eux seuls, la planète d’une collision avec un astéroïde ou encore sauver les pays non démocratiques en leur apportant une démocratie dont on sait que les masses de ces pays ne connaissent strictement rien dans ces empires néoféodaux où quelques riches banquiers et industriels ont tout et font ce qu’ils veulent du peuple... L'idiotie, le ventre, le bas ventre, tout cela attisé consacré par l'idéologie marchande a fini par inhiber les moindres traits d'humanité des multitudes...
Le dominé voit ses dominateurs investis d’une aura surhumaine supérieure, porteur d’une auréole artificielle qu’il prend pour vraie et il ignore que malgré les prétentions idéologiques de l’économie, la production de la richesse à travers l’histoire est bien plus imputable aux masses des petits anonymes, sacrifiées qu’aux élites qui, avaricieusement, criminellement, leur prennent tout! Ah! Vraiment! Les dominés sont de pitoyables masochistes par leur incurie psychologique qui les fait s’affaisser dans le passif tout en absolutisant par acquiescement le pouvoir, là où ils auraient pu se construire et édifier leur intelligence, pour l’action du refus et de la substitution.
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L’histoire de la richesse et de sa monopolisation par quelques-uns est sans doute la plus sinistre ironie de l’intelligence et la plus sordide moquerie de la rationalité institutionnelle dans les rapports humains et de classe. C’est un dévoilement de la face horrible des hommes, face qui macule le visage déshumanisé du mitsein social rendu jungle de prédations et nie toutes les grandeurs essentielles d’une espèce capable de si généreuses appétences au bien mais terriblement possédée par l’orgueil abject de l’extermination de ses semblables par obsession de domination. Un orgueil irrationnel source de le détermination criminelle des mortels qui semblent oublier la banalité éphémère des choses de ce monde et de ces colifichets temporels…
Toute forte concentration de capitaux par une infime minorité, implique que lesdits capitaux n’ont pas été mis au service des majorités ni partagés équitablement entre les multitudes qui, elles, par passivité et aliénation, consentent de lourds sacrifices pour leur octroyer cette oseille massive et les privilèges somptuaires les plus excentriques. Et, quand cela arrive, une aliénation en appelant une autre, le pouvoir que ces multitudes perdues donnent auxdites élites, convainquent encore plus lesdites multitudes d’une prétendue essence supérieure de leurs idoles profiteuses, leurs bourreaux bien-aimés dont elles lèchent goulument la semelle.
L’absolutisation pseudo-sacrée du statut de leur condition est la clé de toute domination oligarchique. C’est de l’ostentation facticement transcendante que les oligarchies donnent d’elles-mêmes comme entités nées pour le pouvoir qui leur serait connaturel, immanent à leur être! Ainsi donc, c’est en étayant une naturalité sacrale de leur privilège de règne que les oligarchies érigent en droit cosmique voire divin, qu’elles arrivent à dominer. Ainsi, les multitudes désœuvrées, réifiées, débilitées par la domination idéologique au plus profond de leur mental, finissent par percevoir sacré le pouvoir des oligarques, au point de le nourrir servilement et de le renforcer sans cesse par leur soumission quasi idolâtrique aux oligarchies.
(Nous reviendrons plus tard à cette réflexion)
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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