Par Camille Loty Malebranche
Le fait, cette présence constatée dont nul ne peut ignorer l’évidence, est un protée perceptif que saisissent les regards selon les prérequis et les tendances de ceux qui regardent, selon leur préhension du fait par le constat. La perception est changeante et plurielle selon les consciences et leurs stades de regard. Et, si la factualité est une, son envisagement est si plural, son interprétation si radicalement multiple qu’elle donne lieu parfois à des désaccords extrêmes, des guerres et des violences terribles, rageuses et impitoyables.
Le regard est un geste de l’attention correspondant à un niveau de lecture du monde selon le niveau d’une conscience mettant en action son aptitude à voir comme lecteur! Là, il ne faut surtout pas oublier que la pluralité des consciences et donc des niveaux de lectures, est aussi vaste et innombrable que le nombre de lecteurs; car il est - comme les phénoménologues et tant d’autres penseurs l’ont déjà dit - autant de perceptions que de consciences percevantes! Et le drame de tout constat d’évidence des étants du monde - que cet étant soit un être vivant, une entité inerte, un état de fait, une situation - c’est l’appel à la certitude que l’évidence porte en soi et détermine en l’homme qui perçoit, constate ou croit constater au moment où il tue tout constat effectif et inhérent au fait considéré en le reconstruisant par sa propre conception par évaluations stéréotypées inculquées selon la culture sans même qu’il s’en rend compte...
Le constat, quant à lui, est du champ de l’analyse rapprochée, de la vérification scrutatrice qui affirme la quiddité d’un étant par delà toutes les quoddités possibles, au-delà de toutes les contingences imaginables. Mais cela, le constat, n’est qu’une introduction au sérail de la bonne perception de l’esprit de finesse plutôt que de la simple saisie primitive de l’intelligence ordinaire, celle du commun! La finesse, aptitude conscientielle à aller au fond du sens invariable et véritable malgré toutes les variantes qui impactent la factualité du substratum d’un étant; habileté de toujours nuancer pour éviter la confusion avec les semblables contigus des essences et des différences. La finesse est la qualité première pour étayer valablement les nuances affectant les essences.
Le constat, parce qu’il saisit les signes qui phénoménalisent un étant, une situation, factualise cet étant, cette situation. Toutefois, c’est le stade de perception du constatant qui, par delà la représentation incontournable de toute constatation par l’entendement, dénude et signifie le fait ainsi établi par constat; c’est le stade de perception qui met le fait à nu par des considérations pluridimensionnelles critiques et enfin étaye la qualification dudit fait comme conception et définition.
Le regard réflexif de la conscience est, faut-il le rappeler ici, duel, il est porté sur les faits et se reportent à soi pour voir lesdits faits, c’est littéralement la réflexion conscientielle du fait à travers le miroir de l’intelligence. Captation et réception sont ses deux dimensions. Il ne suffit pas de savoir regarder mais toujours faut-il pouvoir apprendre et savoir recevoir. Il faut voir au-delà du monde immédiat, les tréfonds cachés des essences selon leur vérité. Apprendre à parcourir et discerner les étapes médiates qui mènent à la saisie de la substance des apparences figées en leur phénomène par le sens commun et la clameur générale des foules et des idéologues préposés à surenchérir les prédéfinitions qui trompent.
Ainsi, le constat ne doit jamais être que le prologue, la mise au point des briques existantes pour la construction idoine de la perception conscientielle juste.
Ainsi, le regard a besoin du constat par sa compréhension rapprochée pour enfin permettre une perception finie, une perception qui dure et participe de la conception globale de la conscience individuelle, la conscience personnelle d’un homme... L’aptitude au bon et vrai constat en toute circonstance constitue le point d’orgue de la juste perception-conception qui permet de bien s’orienter dans les différents aspects de la vérité des faits et situations, à savoir : la vérité originelle et causale, la vérité occurrentielle, la vérité finalitaire de tout étant constaté.
En nos constats, même libérés de notre intentionnalité, même en vidant celle-ci comme dirait Husserl, c’est d’abord notre niveau de conscience qui compte car c’est lui qui appréhende le sens avant de prolonger ledit sens en y projetant sciemment notre vision intéressée. Et notre vision est la clausule théorétique ou pratique (porteuse d’une prospective d’action, d’une perspective dynamique d’intervention) politique, axiologique de tout constat.
La perception juste et authentique s’alliera toujours au constat factuel pour établir la vérité des faits et l’attitude équitable et convenable qu’ils doivent sous-tendre pour le meilleur de l’homme en situation.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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