Par Camille Loty Malebranche
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Par manière de rappel succinct, disons que la nécessité est en soi; c’est une forme de causa sui immanente à la nature d’un être ou d’un fait considéré en sa quiddité. Immanence inscrite de manière absolue, hors de toute autre influence que la substance de la nature même dudit être ou du fait. Pour continuer dans notre logique de rafraîchissement mémoriel de ces deux concepts par delà leur acception sémantique ordinaire à la fois dénotative et connotative, nous devons préciser que l’accident, quant à lui, n’est autre chose que ce qui est provoqué, déterminé de l’extérieur par une cause imprévisible, inattendue totalement étrangère aux modalités comportementales situationnelles connues de l’essence de l’être ou du fait affecté par ledit accident.
À ce stade, il est fondamental de comprendre que pour qu’il y ait accident, il ne suffit pas seulement que la cause de l’accident soit étrangère au substratum de l’être ou du fait concerné, il faut aussi que ledit accident ne soit point la conséquence d’un conditionnement, d’un traitement au risque d’un chaos prévisible par l’homme. Car l’accident peur être aussi défini comme une forme de chaos contingent, un hasard impossible à imaginer avant coup. Ce qui signifie que l’accident, pour être vraiment un accident, doit être hors d’un certain seuil de prévisibilité et d’ignorance de son élément déclencheur. Sinon, c’est de la négligence ou de la maladresse humaine. Il n’y a d’accident que dans des cas de dei ex machina, de causes externes engendrant des conséquences encore non vécues, jamais répertoriées auparavant dans les mêmes occurrences. C’est pourquoi ici, en observant de près ces deux termes logiquement liés par leur appariement dialectique inéluctable, je dis que la nécessité est nature et l’accident, contingence, et que le sens de cette paire dialectique est autant conceptuel qu’occurrentiel! Force est aussi de remarquer que l’accident est à l’échelle des situations et des choses mais jamais à proprement parler, du strict domaine de l’homme. L’accident relève des probabilités fussent-elles rares des choix de l’action de l’homme, car l’homme, astreint à l’ici et au maintenant, n’a pas de contrôle fort sur ces cas de spontanéités de chaque instant constituant le champ spatio-temporel d’une action ou d’un processus en cours. D’où l’exigence d’un surcroît d’attention forte en action comportant des risques.
La prégnance de la volonté humaine, hélas, est bornée, les prévisions des hommes sont limitées, ainsi, le pouvoir humain n’est jamais total. C’est ce vice prospectif qui fait que toute entreprise humaine reste au niveau de la probabilité, cette sorte de possibilité forte, très proche de la certitude sans pour autant jamais être pleinement certaine. C’est pourquoi je trouve impropre de déclarer « un accident d’origine humaine »! Il faut plutôt dire une catastrophe, un désastre, d’origine humaine. Car - sauf en occurrence de sabotage, auquel cas, ce n’est point une accident mais un choix - l’ « accident » qui arrive par la mégarde humaine, n’est point accidentel, c’est un mal ou malheur pouvant être catastrophique mais pas un accident, une fortuité, parce qu’évitable, parce que les situations qui lui servent de cadre et de cause n’étaient pas fortuites, étaient prévisibles mais malencontreusement non perçues non considérées en tant que risques majeurs par vice d’attention dès le départ. C’est en fait la mésestimation des causes prévisibles en leur subtilité ou leur complexité non suffisamment prise en charge pour être maîtrisée avant l’occasion de leur surgissement comme « fatum » malheureux. Ce n’est donc point accident mais négligence ou inaptitude; c’est une retombée des manques humains contingents en situation. Manque de finesse logique et praxique, manque de réflexes qui entravent l’action ou la réaction au moment critique transformant un problème potentiellement soluble en inattendu grave voire fatal. Par ailleurs, un déficit de perspicacité et certains défauts provoquent parfois immédiatement, parfois bien longtemps après, des retombées graves, en certains cas irréparables.
Les conséquences des choix politiques et économiques ne sont pas des accidents mais des options inassumées pour le mal social.
Les erreurs, les excès, les maladresses, les négligences, les mauvaises fois, les méchancetés des hommes affectés de leurs limites indépassées sont également vecteurs de graves problèmes, à tort dit accidents lorsqu’ils surviennent et provoquent un mal. La catastrophe industrielle de l’usine d’isocyanate de méthyle à Bhopal en 1984 est une illustration parfaite de catastrophe humaine venant des manques et des négligences, de l’avidité et de l’indécence vénale d’un système économique et de ses hommes!
Les maux systémiques ne sont, pour la plupart, pas des accidents mais des conséquences de soit les limites soit les mauvaisetés exprimées dans l’action ou l’inaction humaine.
Les actuels afflux de migrants ne sont pas des accidents de l’histoire mais le produit des excès occidentaux dans l’arrogance primitive le poussant à un hégémonisme primaire et abject où l’exhibition de sa scabreuse puissance par l’invasion et la domination des autres humanités ne cessent de tuer et de paupériser directement ou indirectement des milliers voire des millions d’êtres humains par la finance, le chaos politiquement orchestré et les guerres régionales selon les projets géostratégiques inavoués.
Ces conséquences de leurs actes de bassesse et de leur turpitude idéologique, que les puissants qui gouvernent osent évoquer comme des contingences, ne sont que les retombées sinon nécessaires, à tout le moins immanents aux probabilités de leur sordidité pleine de platitude et de mesquinerie géopolitique et géoéconomique criminelle, leur petitesse mentale, méchante dans l’assumation du pouvoir.
Les crises du capitalisme qui écrasent les plus pauvres, les misères des pays du Sud, le bafouage systémique et systématique des droits des travailleurs, la réification de l’humanité des majorités par quelques monstres qui les utilisent au nom de leur propre prépondérance de clan, de caste et de classe, ne sont pas des accidents de l’histoire ni des fatalités de la nature, non, ces horreurs ne sont pas accidentelles mais les options de domination cyniquement adoptées par les soi disant « élites » dirigeantes qui n’ont d’élite que le nom car ignoble engeance agissant en cliques d’anthropophages au cœur de la barbarie moderne que cachent les loisirs de défoulement de masse et l’illusion de la liberté par le travail et la consommation.
La ploutocratie moderne, ce mode de gouvernance systémique d’une infime poignée de richissimes décideurs oligarchiques, constitue l’option macabre de quelques mortels au délire pathologique d’être des dieux au-dessus des hommes par la violence insaisissable de l’idéologie. Avec la ploutocratie singeant la démocratie, les misères matérielles, relationnelles, sociales des hommes - nous le redisons fort et sans complaisance - ne sont point des accidents, non, c’est une nécessité systémique, une fatalité factice car ignominieuse monstruosité politiquement imposée, puisque établie comme choix de société; choix hypocritement, couardement, ignoblement inassumé!
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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