Par Camille Loty Malebranche
S’il faut le définir, l’agir est, de son essence la plus ostensible - l’intervention de l’homme comme cause causante consciente déterminant des effets, provoquant des conséquences; c’est l’empreinte du jugement de l’homme comme être de conscience volontaire projective et donc porteuse de ce formidable pouvoir qu’est le choix; c’est la posture de l’être humain ajoutant sa marque, sa présence finaliste - produisant des modes de finalité non naturelle - à la nature au-delà de l’organique et du physiologique qui le signalent comme espèce...
L’agir est cette manifestation de l’homme comme sujet s’exprimant en tant qu’instance de décision. C’est le champ d’expression du sens et des valeurs à travers lesquelles l’humain se fait juge du fait d’être en général et des situations particulières où il intervient; c’est aussi la sphère qui fait de lui un sujet jugeable, justiciable. Toutefois, il est ici pertinent de rappeler que l’agir est un englobant pluriel des types d’interventions de l’agissant.
Nous percevons l’agir comme comportant au moins trois grands schèmes: 1) la hexis comme sphère des habitudes propres à l’héritage mythoculturel – donc de l’habitus manifesté à travers les comportements préorchestrés par la culture, telle en religion, en cuisine, en art – c’est en quelque sorte ce fonds tant immatériel que structurel de la manifestation des croyances et traditions des individus socialisés; 2) la praxis consistant en l’ensemble des actions-réactions propres au fonctionnement factuel social ou particulier comme la perception de l’autre, la vision du rang social, le rapport au travail; 3) l’action proprement dite qui réfère à l’acte personnel, au choix souverain effectif fait par un homme posant ledit acte dont il a le contrôle du déploiement et de la fin. L’action est stricto sensu l’extériorisation de la poïèsis de l’agissant qui, en quelque sorte, crée un univers propre comme marque de sa spécificité volitive, affirmant sa personnalité comportementale (son autopoïèse) en face de l’humanité. L’action porte donc la téléologie et l’entéléchie humaine, ce couple de concepts de la projection décisionnelle des humains, un continuum du choix et de la fin visée, qu’il convient d’appeler téléo-entéléchie de l’homme.
Dans un monde de surenchère d’illusions par excès d’apparence, dans un monde de sinistre idolâtrie des formes sans souci de la substance, où l’idéologie se comporte en minotaure de la déshumanisation avec toutes sortes de monstres de la dénaturation de l’homme, dans un monde d’imposition des privilèges les plus loufoques de puissantes oligarchies, lesquels privilèges dévorent l’espace des droits légitimes des majorités - il est clair que l’ordre systémique façonne l’ostracisme et la marginalisation structurelle, institutionnelle du bien, d’une part dénigré par les idéologues, et, d’autre part, puni par l’ostracisme des hommes qui osent l’arborer comme bannière de leur vie refusant la marche au pas des polluants anthropomorphes que deviennent les cohues et les populaces des différentes classes. Nous vivons un monde où plusieurs sont rendus si déshumanisés que leur présence pollue votre solitude plutôt que de l’effacer!
La condition humaine relevant de la dualité ontologique et sociale, toutes les dimensions propres à cette dualité de nature et de culture constituent un vrai continuum existentiel hébergeant l’expression humaine dans l’action. Le comportement social de l’homme, comportement culturel donc, reflète son assumation propre de la condition naturelle pluridimensionnelle où il perçoit son essence en action par rapport à soi, à Dieu et à autrui (donc au social individuel et institutionnel). Là, l’homme est pleinement un sujet-objet qui assume sa perception de soi et la pose en objet pour la projeter à travers l’agir.
Un jugement logique sans morale est monstruosité vectrice d’iniquité; un jugement moral sans logique rigoureuse, contextuellement circonscrite et pertinemment mesurée, est aberration porteuse des pires non sens et inepties oppressives et prohibitives. L’agir sain ne peut faire l’économie de ces deux piliers du sens pour aboutir à l’équilibre et la dignité de l’agissant.
Spiritualité et moralité sont les espaces axiologiques supérieurs qui devraient primer et prédéterminer l’action sensée, celle où les actes posés sont envisagés comme mode de rapport à la nature humaine telle que vécue par une conscience individuelle. Si ces champs ne sont vérifiables dans un acte à poser, le sujet humain en phase d’agir devrait se rétracter pour s’interroger de fond en comble afin de s’orienter. Il n’y a pas d’actes qui échappent au moins à l’un des deux champs du sens des valeurs. L’homme est constitué de telle sorte qu’il ne fait rien sans se référer au moins à l’un deux. Le comportement politique, relationnel, économique, sont des sortes de projections de soi et le soi est nécessairement un esprit qui s’exprime et fait, qui pense et pose des actes qu’il façonne en son for intérieur. Qu’il soit psychotique ou équilibré, l’être humain reste orienté par un repère vrai ou faux de valeurs justes ou indues, pertinentes ou patraques qui le motivent et où il se meut en passant à l’acte. L’agir dit et montre, en quelque sorte, ne serait-ce que dans le moment factuel de l’acte en train d’être posé - sauf en cas d’une réaction réflexe du corps - l’imprégnation axiologique intérieure et dominante d’un homme. Et, dans le jugement qui se veut juste, il faut toujours se rappeler que la justice est purgation morale, sans complaisance, de toute iniquité et expurgation logique de toute aberration.
Tout jugement juste est soucieux de la configuration logique de l’esprit de l’acte à juger qui est logico-moral, logique et morale étant respectivement sens déterminant et sens finalitaire de toute entreprise humaine...
Les domaines essentiels du sens de logique et de morale imprègnent les champs de l’agir, s’expriment aux différents schèmes d’existence de l’être humain. Les domaines essentiels du sens déterminent l’action qui oriente lesdits schèmes de l’existence : le somatique qui concerne le corps et les fonctions et besoins de la vie organique, le transcendant que constitue la métaphysique, le culturel qui sert de cadre à l’imaginaire; le politique qui administre et oriente le social.
Action politique et sociale
Dans le champ social, le jugement de l’action est souvent galvaudé par les méfaits de l’idéologie qui préjustifie tout ce que le système établit, et veut absolument soumettre l’individu voire le façonner exactement selon l’ordre systémique. Le simpliste, sot et méchant dans son jugement, inapte à appréhender ou, à tout le moins, à apprécier la complexité situationnelle de l’individu en société et de son interaction avec les institutions matérielles et immatérielles de la culture et du pouvoir social, croit être raisonnable! Ah! L’agressive arrogance du sot dans sa férocité soi disant rationnelle envers l’individu qu’il enjoint de « réussir » dans un système qui est lui-même injuste, d’une injustice délibérée, d’une diabolique irrationalité volontaire car désirée et mollement entretenue par complaisance; de fait, une rationalité délétère et monstrueuse selon sa patibulaire iniquité légale qui broie tous pour quelques-uns! Une conception de pouvoir de classe ou d’establishment, dont la seule volonté, l’unique propension est d’imposer son emprise, un pouvoir qui n’a pas de scrupule quant aux bassesses et aux subterfuges méchants et malsains auxquels il peut avoir recours. Là, seule la puissance supérieure du bien arboré par les objecteurs de l’ordre mauvais, peut arrêter le mal!
Pour clore provisoirement ce regard idéel sur la substance et le fait de l’agir, je dis que l’action, comme option conscientielle, est un jugement, une évaluation qui trône en tant que définition de soi établie par un homme ou une société. Si le choix volontaire manifeste la souveraineté, le jugement sain de la finalité et des conséquences, constitue, quant à lui, l’humanité de l’acte qui, sans lui (le jugement juste), risque de basculer dans l’animalité, l’inhumanité la plus déshumanisante de l’agissant.
L’agissant est une conscience qui juge et l’action de juger, l’acte de jugement sain ou indigne est cette action prévisionnelle qui détermine le sens digne ou malsain de l’agir. Le jugement juste désintrique l’écheveau des apparences évite le fouillis des manipulations et arguties culturelles des traditions et idéologies avec leurs fausses évidences, le jugement est donc gage de découverte et d’affirmation de la vérité du sens. C’est pourquoi la conclusion du jugement constitue soit le sceptre soit la livrée du souverain ou de l’assujetti qui agit.
Agis selon la plénitude d’esprit que tu es, et sois le sujet souverain accompli de ton être projeté par l’action authentique qui propulse ton essence humaine vers ses cimes!
La vie est une pensée-action où l’agir révèle le stade de jugement, donc le niveau de conscience de l’homme.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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