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Par Camille Loty Malebranche

Les Français jugent les médias utiles mais trop sensationnalistes | Les  Echos

 

Le sensationnalisme n’est pas l’impression de l’effet d’attrait par des titres ou des effets esthétiques pour attirer des lecteurs, auditeurs ou spectateurs dans un contexte communicationnel didactique et par quête de pertinence pédagogique, non, c’est une sorte de torsion de l’acception même de la bonne communication, un poli de surface ajusté au niveau émotionnel et anti-intellectuel qui impose l’irrationnel afin de masquer les manques voire le vide d’un message.

Le sensationnalisme se reconnaît par l’excès de verni, la surenchère de mordant pour capturer les attentions comme dans un piège bon enfant pour faire nombre malgré la carence qualitative. C’est la volonté de faire impact par une sorte d’excitation émotionnelle imprimé aux destinataires ciblés par le message, tout en laissant leur intelligence inhibée par la focalisation sur l’attraction factuelle dudit message.

Le sensationnalisme est la stratégie d’interpellation pulsionnelle structurée par des élaborateurs de programme politique et commercial mettant à contribution des sortes de mantras pour véhiculer aux émotions des foules, des messages qui, pour plusieurs, ne passeraient pas s’ils devaient faire face à la froideur analytique de la raison. À ce niveau, il faut préciser qu’il est des méthodes de motivations saines à vocation éducative procédant par pédagogie de masse, et, même si ce type de méthode permet de faire sensation c’est-à-dire d’exalter au plus vif les destinataires des messages, ce n’est nullement du sensationnalisme puisque son but n’est pas de faire sensation ni de manipuler mais d’aider l’homme à se construire. Là, ne serait-ce que par la noblesse de la fin, il est question de didactique et non d’appel aux zones obscures de l’émotion collective. Le sensationnalisme se reconnaît, quant à lui, par ses formes malsaines d’exaltations populacières qui manipulent le public mal avisé, manipulation allant parfois jusqu’au sinistre pulsionnel comportemental qu’est le fanatisme.

La factualité pour être accomplie doit élucider tous les composants du fait étudié ou présenté pour en établir la conception comme connaissance finale, à tout le moins consistante et aboutie. Ainsi, la perception est réelle mais l’investigation sans complaisance de ce qui est perçu, est factuelle.

On ne peut ni ne doit ignorer le strict objet pris pour cible par l’observation froide d’une situation dont on scrute les causes tout aussi objectives car constatables dans leur factualité de même que les conséquences clairement démontrées et vérifiées. Le journalisme de l’errance idéologique et des opinions arrêtées selon leur propre prisme idéologique par les puissances mondiales ou des courants idéologiques politiques, religieuses voire sexuelles internes aux États peuvent faire sensation par leurs déclarations tonitruantes et exaltées, leur sensationnalisme ne changera pas les faits malgré leur moule de manipulation de ce qui est et qui se fait.

À quand une presse planant au-dessus des soucis de nombre avant l’impérieuse nécessité de la vérité et de l’engagement juste!? 

Le sensationnalisme continue, hélas, de biffer des programmes d’éducation mais aussi des informations sur certains sujets d’actualité essentiels comme des guerres, des famines (les rares émissions sur les horreurs de la guerre du Yémen ou les massacres en zone de guerre au Népal dans la presse mainstream en est un exemple criant). Le sensationnalisme cultive l’émotion-animation qui fait les grandes écoutes et excite les foules médiatiques tout en orientant idéologiquement les faits d’actualité dans le sens des grands magnats détenteurs des grands médias et de toute la classe des grands commanditaires. Ainsi, le sensationnalisme dénature l’information en enivrant le consommateur de nouvelles par ce qui crée l’effet psychédélique que ce qui arrive dans le monde et les faits d’actualité sont des banalités détachées de la vraie vie. Ainsi, dans une page de nouvelles importantes, il est devenu comme incontournable de nous parler d’un mariage princier, de la performance sexuelle d’un acteur comme pour enrober l’information sérieuse de ces sortes de confiseries pour adultes qui banalisent tout et font perdre de vue l’essentiel.  

Le sensationnalisme applique les mêmes principes de la publicité qui est de plaire à la part d’ingénuité orchestrée en nous par le réflexe du plaisir immédiatement sollicité à travers la présentation attrayante à la manière des extraits les plus excitants d’un match de sport de masse pour des fans tel que l’indique l’anglicisme « glamour ». Il s’ensuit un effet de standardisation des goûts de foule par les médias mainstream influençant le monde. 

Le sensationnalisme est l’artifice médiatique d’agencement de l’actualité en tableaux et scènes faisant de l’actualité une séance d’actu-spectacle pour égayer les foules tout en les manipulant par des parts bien précises des faits du monde utilisés à dessein au service de l’idéologie dominante qui est aujourd’hui celle du marché. Faire du public un adiaphore mollement passif devant l’horreur provoquée par un ordre idéologique d’hégémonie imposant sacrifice aux deux tiers de l’humanité, tout en surexposant quasi exclusivement les faits d’actualité qui intéressent la géopolitique des puissants comme en Ukraine, en Biélorussie - même si ce qui s’y passe peut être effectivement grave mais aussi très souvent manipulée, l’on se rappelle les fameuses révolutions colorées - telle est assez souvent, le choix macabrement pernicieux de la presse mainstream!

Le besoin d’animation des foules auditrices, lectrices et spectatrices est, à côté des injonctions idéologiques qui imposent aux médias leur mode de traitement de l’actualité, une des motivations de l’écliptique de certains faits importants auxquels les salles de rédaction et de présentation des médias préfèrent de pures niaiseries qui font sensation et achalandage. Donc, les médias ont sans doute tort, mais aussi les masses médiatiques aussi ont tort et c’est une interaction qui ne peut que tendre vers le pire. Lorsque des faits graves comme les désastres des politiques financières du nord affamant des masses aux pays du sud sont totalement éclipsés aux journaux télévisés du soir par des vétilles telles le chapeau que portait la femme d’un prince britannique au baptême de leur nouveau-né ou le pathétique fait divers des foules fébriles accourant avec des accents monarcho-thanatocrates pour louer la dépouille d'une monarque morte exposée en chapelle, il y a vraiment déficit d’humanité dans nos sociétés modernes de spectacle et de niaiseries cherchant sans cesse à nourrir potins et grivoiseries; et l’on peut se demander quel type de mental nourrit la majorité sociale pour qui ces vétilles font sens et sensation au détriment des vraies questions et problèmes du monde!

 

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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Tag(s) : #Monde du Concept
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