Morale sociale et justice

Par Camille Loty Malebranche  

La morale sociale, pour être vraie, doit strictement s’enraciner dans la justice sociale globale où l’équité seule est sacrée en dehors de tout prétexte religieux, mythologique ou ethnique. La morale individuelle, dans le rapport à autrui, est exigence de respect envers l’humain; ailleurs, elle (la morale individuelle) est ontologique et a pour but de mettre l’homme en harmonie avec ses dimensions naturelles, son essence spirituelle et somatique dans le contexte singulier et particulier de la vie de l’individu.

L’homme ne reste pas humain sans la morale qui lui permet de s’orienter dans la vérité de son être dans l’humanité au-dessus de l’animal; le fondement même de la morale étant de s’assumer librement, l'homme doit rejeter tout moralisme de société ou d’individus qui tend à le déposséder de lui-même pour l’utiliser! La morale bien assumée est celle qui nous permet sinon de dominer nos mauvaises pulsions et tendances - notre peccabilité - nous donne à tout le moins de les reconnaître et de travailler à les dominer autant que possible, et ainsi nous améliorer. Fors cela, nous ne devons rien à un ordre du monde putréfié où de grands profiteurs de la candeur humaine, moralisent idéologiquement par institutions interposées pour accabler et accuser l’individu afin d’asservir les consciences individuelles.

Il est fondamental de savoir que nous ne devons rien aux empires politiques ni aux classes économiques qui les représentent, en nous rappelant que les empires nous ont déjà tout pris et que nul empire ne se constitue sans tuer, exproprier et utiliser les hommes comme vils objets de production au service de quelques-uns! Il n’y pas de morale due à un ordre du monde immoral, et, tout en restant clairvoyant et juste envers soi et autrui malgré cet ordre toxique en cours, il faut être pugnace en conspuant les moralistes de service qui voudraient nous faire de bons servants de la morale dudit ordre. Ces mêmes moralistes, idéologues sans en avoir l’air, qui, par le mensonge politique, la mystification par la spécialisation et parfois la référence indigne au religieux, nous enjoignent de nous sacrifier et d’accepter comme fatalité existentielle les iniquités infligées et moralement imposées selon les lois par ceux qui accaparent les richesses planétaires par la force de la finance, privatisant ce qui est à tous, faisant travailler ceux qu’ils dépossèdent de leurs biens (l’histoire du colonialisme puis de l’impérialisme n’est autre que cela), tuant et accusant leurs massacrés, volant et endettant ceux qu’ils pillent, allant jusqu’à leur faire renflouer leurs caisses quand leurs artifices économiques déclenchent des crises; la politique de Bush envers les banquiers fautifs de la crise de 2008 dont il a renfloué les caisses aux dépens de leurs paupérisés, est probante en cela! Il faut fouler aux pieds la morale systémique en comprenant que les empires, les systèmes de pouvoir verticaux politiques et économiques où une oligarchie règne sur tous, n’ont de morale que la préservation du pouvoir et des privilèges des oligarques et de leurs alliés, et que tout précepte en émanant ne sera qu’au service des rois systémiques utilisant les choses et les êtres pour leur prépondérance!  

Morale spirituelle et destin de l’homme.

La morale suprême est en tout bon sens, spirituelle, car la spiritualité comme champ et stade suprême de la transcendance, constitue le lieu paroxystique de l’élévation de la conscience juge à moraliser par de justes préceptes. Si la morale est toujours plus ou moins ajustable aux circonstances concrètes où elle doit servir de guide, cette sorte d’immanence à l’acte particulier ne la rend pas moins transcendante en tant qu’elle est prédisposition logique au-delà de l’émotionnel qui préorchestre de manière prescriptive claire, les lois de la justice dans l’agir. La morale est une sorte de seconde méthode de l’action à côté de la méthode logique inhérente à toute action humaine. Pour revenir à la spiritualité comme schème suprême et supérieur de la morale, c’est parce que c’est par son appel à l’amélioration intérieure, son appel à tendre à la sainteté dans la vie avec Dieu, que l’homme croît en lui-même et comme être supramondain vers ses fins supérieures. Une vocation que l’ascension du Christ Rédempteur, illustre parfaitement en appelant tous à monter selon l’esprit vers Dieu. Car si l’éternité dans la félicité avec Dieu est le destin de l’humanité, c’est la réponse de l’homme à cette rédemption qui transformera le salut en vocation vivante de son être et c’est cette vie en discernant au stade personnel que l’on est en route, qui accomplit la destinée. La destinée individuelle, c’est de reconnaître et de vivre ici-bas la vocation personnelle dignement vers le destin éternel. Et c’est là, la dimension ontologique de la morale (à tout le moins chrétienne) qui doit en primer toutes autres formes. 

La morale métaphysique authentique est celle qui propulse l’homme au-dessus de ses manques et faiblesses vers son entéléchie d’esprit en marche d’autoconquête. En société, la seule morale digne et acceptable est celle qui offre à chacun en toute liberté et équité le pouvoir de se construire selon ses talents dans le plein épanouissement sans freinage aucun de sa dimension sociale; une telle morale doit exclure toute classe dominante qui vole au droit de tous, les prérogatives des privilèges oligarchiques. Toute bifurcation idéologique de la morale sociale justifiant un ordre au service de quelques-uns est nécessairement injuste et inhumain, et donc abomination à expédier aux cloaques. Accepter la morale officielle des puissants d'un ordre en tout point injuste et prédateur, c'est consacrer l'hypocrisie comme vertu, c'est élever le crime et la méchanceté au rang de justice.
 

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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