La langue humaine ne peut dire Dieu que par spécularité du langage.

Par Camille Loty Malebranche

 

Ce que nous appelons spécularité, est cette dimension imageante du mot sacré et de l’argumentation métaphysique bien ordonnée; cette forme d’effet-miroir de l’esprit à lui-même à travers les mots de la révélation. Nos paroles pour évoquer et invoquer Dieu, sont en soi loin de la dimension divine impréhensible au monde connu, toutefois, leur puissance est dans cette sorte de tremplin miroitant incarné par les mots de la réalité vers l’éprouvement de l’ailleurs intérieur pourtant transcendant qui éveille notre sensibilité spirituelle.

Nos paroles spirituelles ont donc pour vocation d’opérer un effet spéculaire, un procédé imageant du transcendant en tant qu'elles font des choses de cette vie et des rudiments du terrestre et de l'humain ici-bas, des servants du sens pour nous faire éprouver le divin en nous. L’effet spéculaire du langage transforme le verbe en arc et chaque mot, chaque image devient flèche de suggestivité de la Vérité intangible rendue palpable en nos tréfonds d’intuitions éveillées. Pour le croyant, la parole de Dieu se vit par l’éveil de l’expérience personnelle subjective et objective en l’existence bien concrète du croyant! Nos paroles de foi et d'amour de Dieu sont des puisages dans le connaissable et le dicible pour faire sentir ce qui, au stade de la chair, est inconnaissable et donc ne peut être éprouvé qu'au fond de l'esprit vivant sa spiritualité, mis en présence et en sensation de sa nature... Voilà pourquoi, il ne faut jamais réduire au premier degré certaines des expressions de la révélation. Par exemple, Dieu est Créateur de l’univers qu'il a fait surgir du néant en l'ordonnant mais Père de l'homme qu'il a engendré substantiellement esprit, par delà la chair, Lui, Esprit, Source Émanatrice de tout esprit. Car nulle autre créature, à l’exception de l’esprit, n’est de la substance même de Dieu qui est Esprit. N'allez donc pas chercher dans le mot Père, un engendrement comme en reproduction sexuée.

Nul langage d’un communicateur ne peut traduire la vérité intérieure, immatérielle du vécu de l’esprit sinon que par images et effets d’illustrations de ce qui est su et déjà appréhendé par les allocutaires ou lecteurs, pris en l’empirie commune de la condition humaine. À plus forte raison, nous pouvons être certains que tout ce qui réfère à Dieu, je veux dire tous les vrais écrits sacrés - il y a malheureusement de très mauvaises pages, transcriptions, traductions, erreurs involontaires et manipulations délibérées malheureusement classées parmi les compilations fourre-tout dites « textes sacrés » - procède par référence au connu pour dire non pas l’inconnu, car nous portons en fait une connaissance intuitive de Dieu et de nous-mêmes comme esprit incarné, mais évoquer et faire éprouver intérieurement le mystère divin et la proximité de Dieu malgré l’opacité matérielle de ce monde qui peut nous empêcher de le percevoir si jamais rien ne nous y attire l’attention.

Quand je dis Dieu, de ma révérence sacrée je proclame la gloire supérieure inexprimable de celui qui, de lui-même, a tout tiré, celui dont l’émanation créatrice sans matière ni modèle, ni canevas, a fait surgir de l’inexistence les univers perceptible et imperceptible, matériel et immatériel. Ainsi, le langage humain, mon langage, ne peut que tirer de la banalité saisissable du monde sensible et du fini, les faibles comparaisons possibles avec l’intangible et l’infini.   
La spécularité des mots révélateurs nous sauve de l’insensibilité qui nous dérobe à la vérité de notre essence et de son Créateur.

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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Comments

[lobev :-)]

Non Dieu ne s'est pas permis de trousser une soubrette fut elle-même du rang des déesses comme dans certains mythes, et de cet union nous ne sommes pas les rejetons.

C'est que communiquer en procédant par étymologie suppose de composer avec un référentiel commun que partage celui que l'on veut instruire.

Alors le livre sacré qui veut communiquer avec ses assoiffés lecteurs se trouve obliger de puiser dans l'ordinaire de la vie de tous les jours pour en toucher un maximum.

La bonne communication suppose un décloisonnement du locuteur qui se met au niveau de son public en partageant une idée véhiculée par des représentations intelligibles.

De là il vient que par exemple une blague qualifiée de pourrie peut s'avérer très spirituelle en réalité sauf qu'elle n'est comprise que de son narrateur.

Le bon communicant est celui qui crée le véhicule populaire de ses idées.

[CLM.]

Bisous, Chère Lobev. Vraiment, vous me charmez!

[lobev :-D]

« Vrai. C'est Pourquoi, Jésus, le Verbe incarné, a utilisé beaucoup de symboles du terrestre et tout le langage imagé qu'on lui connaît, comme des miroirs de la vie spirituelle et de la sphère divine. »

symboles et images que les porteurs de mitres pas plus instruits que leur public eurent vite fait de prendre au pied de la lettre dans toute la splendeur du hiératisme éclectique.

Ainsi naissent les oukases sibyllines qui ont laissées dubitatifs de nombreux homo viators*.

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* l'image d'illustration de ce texte est remarquablement bien choisie :

l'homo viator après moultes tribulations finit par atteindre le sommet à partir duquel par delà les nuages obscurs il peut contempler la beauté et l'immensité de l'univers (paysage inaccessibles aux habitants de la caverne de Platon symbolisé ici par les marcheurs qui subissent encore l'opacité de ces nuages).

Ce sommet, étape ultime de la destinée auto-conquérante, appelle à conserver une certaine humilité puisque ce petit être ténu au bout de sa quête admire ce qui est hors de sa portée, car lui dont le corps obéit aux principes de la gravité ne pourra jamais atteindre la source, cette lumière créatrice nourricière en même temps que spirituelle (Dieu).

Alors il contemple avec ses maigres moyens, ses mots et ses sens.

[CLM.]

Vrai. C'est Pourquoi, Jésus, le Verbe incarné, a utilisé beaucoup de symboles du terrestre et tout le langage imagé qu'on lui connaît, comme des miroirs de la vie spirituelle et de la sphère divine.