Accuser d’arrogance, procédé de démantèlement de la dignité résistante.

Par Camille Loty Malebranche

L’une des accusations courantes que les tyrans, les esclavagistes appliquent aux résistants ou révoltés faisant échouer leur tentative d’imposition de leur emprise, est l’arrogance. Pour le conquérant, l’impérialiste, le colon qui prédéfinissent l’autre comme objet de service et de soumission, l’affirmation humaine est l’un des plus graves défauts parce que se posant en déni de leur pathologie prédatrice de chasseur au sein de leur propre espèce. Le conquérant qui se veut dieu des hommes dans son délire narcissique, lui-même créature, qui n’a créé ni l’humanité ni le cosmos, croit détenir par les structures de pouvoir une sorte d’autorité nycthémérale sur la vie des hommes où il voudrait présider à l’alternance des jours et des nuits!

Être en congruence avec soi et refuser l’hétéronomie du choix existentiel et des buts visés en affirmant le soi souverain (ipsocratie) comme seul maître après Dieu, maître intraitable adoptant les justes principes de la vraie justice mais rejetant impassible tout essentialisme autoritaire d’autrui, est un art terrible qui renvoie le dominateur avéré à lui-même, lui rappelant la fragilité de son prétendu pouvoir qui ne se peut que par l’accord ou l’assujettissement institutionnel de ses victimes. Pour les tyrans qui se prennent pour dieux ayant droit de choisir la vie des hommes par l’obéissance de ceux-ci, tout refus d’obtempération à leur pouvoir, est un crime d’arrogance, un forfait de lèse-majesté. Le tyran voit son pouvoir au prisme de l’essentialisme et il n’accepte pas que son règne qui est à ses yeux l’essence du bien, soit contesté par la désobéissance. L'on conçoit aisément que pour un félin prédateur ciblant un oiseau comme proie, mais qui se fait crever l'œil par un coup de bec de sa cible ailée prenant illico son envol après cet acte d'autodéfense, ledit oiseau, si ce félin pouvait parler, serait traité d'arrogant, de salaud, de monstre irrespectueux!    

Quand j’entends les prédateurs structurels du monde parler d’arrogance, je m’esclaffe de la projection insane que ces dégénérés opèrent sans s’en rendre compte, tellement ils essentialisent leur privilège pris comme norme du monde! C’est un peu comme ces sylphides si arrogantes de leurs corps, leurs appas dont elles se servent pour émoustiller puis repousser l’importun ignare qui leur prête attention, qui trouvent arrogants le gars bien plus intéressé aux activités intellectuelles qu’à l’animal de chair jouant de ses parures érotiques. C’est aussi le désarroi de l’individu superficiel qui ne sait que brandir ses biens de consommations, ses fréquentations institutionnelles, ses titres scolaires mais qui se casse le nez quand il faut élaborer le questionnement logique et idéel des choses dans un échange avec autrui. 

Les obsédés de pouvoir, les colons, les esclavagistes, les machistes, les faux féministes qui veulent asservir et humilier, exigent tous l’humilité, comme vertu d’autrui au service de leur prédominance! L’humilité devant ces tarés faisant le chef, est l’auto-humiliation de tous pour acquiescer le pouvoir qu’ils veulent exercer. Pour eux, nés pour dominer et humilier, toute réplique sans complaisance, toute résistance est arrogance! Pour eux, dire la vérité sans les flagorner, est de la grossièreté! Voilà pourquoi, je dis que la colère du juste révolté n’a pas à se réprimer face à ces monstres ni même à être tendre envers eux. C'est la justesse des prises de position qui compte, et la juste révolte contre le mal a le droit de s’exprimer avec toute la sublime arrogance et toute la pertinente dureté nécessaires!   
 
La véritable humilité n’est pas de se faire petit devant des humains ontologiquement semblables, l’on se rappelle que bien qu’à un degré très supérieur au stade d’humain ici-bas, l’allégorie de l’ange de l’apocalypse qui refusait la prosternation de Jean de Patmos devant lui, en lui signifiant être un serviteur comme lui. La véritable humilité, c’est de refuser toute égolâtrie, tout narcissisme agresseur qui sacrifie autrui au nom de la prépondérance acquise par le malheur infligé à l’autre. Il est abominable et honteux car déshumanisant d’être heureux en faisant égoïstement des malheureux; d’instrumentaliser ou réifier l’humain pour assouvir ses besoins malsains de règne. C’est pourquoi, la spiritualité chrétienne et sa morale a été trahie, altérée, haïe depuis toujours, dans un monde où souvent voire presque toujours les pouvoirs minoritaires sont factices ou démesurément exagérés et se fondent sur des abîmes de malheurs provoqués avec l’impassible froideur de quelques monstres privilégiés dominants à la gloire criminelle que les foules aliénées héroïsent. Qu’attendre d’un monde où le prédateur est acclamé, loué alors que ses proies sont blâmées, au point de culpabiliser sous le flot des critiques et accusations qui les démantèlent? 

La lumière du regard juste et l’orientation lucide de la pensée-action rendra l’homme à sa vérité, si jamais, il prend le temps de se construire avec les bons matériaux spirituels de sa vocation d’être et d’espèce pour expédier la morale immonde des tenants idéologiques du pouvoir et leurs cohues de service.

Je dirais, pour détailler l’humilité et l’obéissance qui lui est parfois inhérente: 

Sois humble devant Dieu, l’Être dont tu es part, Respecte l’essence immuable de la nature même en la manipulant pour le plus grand bonheur de l’homme. Observe les interdits protecteurs des lois qui visent la justice vraie au service des hommes! 

Quant au reste, tel le rétiaire asservissant et corrompu du légalisme scélérat qui impose le système abjectement inhumain et aliénant qu’est l’ordre oligarchique établi, conspue-le avec mépris selon cette sainte arrogance qui n’est que ta dignité humaine en action pour pulvériser les citadelles, ébranler les trônes et raser les palais!

Toute humilité qui te réduit à la complicité active ou passive fût-elle du silence avec les forces de l’injustice ou de l’aberration régnante d’un quelconque ordre indigne, est factice, complice et constitue une abomination qui te ravale.

Heureux et vive les arrogants justes qui sachent piétiner le crâne des couronnés en égrugeant leurs couronnes immondes et foulant aux pieds tous les sceptres de la servilité!  

La mission juste de l’homme, c’est aussi de s’élever en pensée et action par le bien qu’il sait faire, tout en voyant en chacun, un projet d’amitié, un autre semblable pour qui, il veut le plus grand bien possible, sachant que le bien de chacun quand il est bien orchestré et accueilli sans exploitation d’autrui, ni pathologique arrogance de domination mesquine sur autrui, rejaillit sur tous et devient un acquis pour l’humanité. 

L’accusation d’arrogance qui démantèle toute résistance, n’est pas pour aider l’homme à grandir loin du spectre de l’orgueil déviant qu’est effectivement l’arrogance contre les justes principes, mais pour orchestrer la soumission servile comme « dû » aux prédateurs et dominateurs du monde.   

L’arrogance, ce défaut haïssable que la canaille dominatrice des sphères du pouvoir cultive par devers soi, n’existe que dans le mépris des justes principes spirituels et moraux de ceux qui font du mal objectivement dans le monde par mégalomanie égoïste, matérialiste voire herméneutique dans leur comportement. En aucun cas, celui qui rejette et conspue le mal systémique et les faussetés des puissants ou du grand nombre n’est arrogant, c’est plutôt un résistant implacable et glorieux qui terrifie les arrogants cachés derrière l’idéologie de la prédation et de la domination. Alors quand ton « non » au monde et à ses bêtises te vaudra le titre d’arrogant, souris et frotte-toi les mains car c’est la preuve que le délire de pouvoir total et global des monstres, se casse le nez face à toi. Preuve que tu n’es pas un suiviste, un reflet de l’ordre général des monstres ni une paille emportée par ces sortes de flots organiques que sont les innombrables foules aliénées qui servent de fief aux tenants macabres du système injuste imposé en ordre du monde. Continue à cultiver le bien et conspue hautainement tes accusateurs! Car c’est à force d’obéir à l’ordre systémique des prédateurs idéologiques institutionnels que ceux-ci se croient autorisés par essence à tout faire des humains et de la planète; c’est à force d’obéir à l’ordre systémique des prédateurs idéologiques institutionnels que les peuples finissent par être des idolâtres inconscients, marchepieds volontaires du diable lui-même, caché dans les ignominieuses saletés de l’ordre du monde! 

Mon précepte à chaque homme debout en son humanité : 

Obéis aux valeurs suprêmes de ton être, ton humanité, mais sois et demeure arrogant de tes bonnes valeurs face au tyran systémique, contre le pervers paternaliste qui t’accuse d’arrogance pour te soumettre au mal! Conspue les aberrations fussent-elles convenues convenables dans la vision collective. Expédie implacablement le mal et ses rois redoutant ton rejet de leur pouvoir, qui te disent arrogant. Sois hautain inexpugnable face à l’ordre immonde, c’est ta force de caractère, ta grandeur d’homme, ton opiniâtreté indomptable et preuve de ta victoire contre son pouvoir dont ton accusateur admet l’échec en t’accusant, lui, le malade d’arrogance, qui se veut maître par essence derrière un titre, une tradition, un statut ou une structure! 

Rappelle-toi que tout résistant à un ordre infâme établi, est l’arrogant haïssable des représentants de cet ordre. Les esclaves révoltés sont tous des arrogants qui n’obéissant pas à leur maîtres, jadis ils étaient passibles de l’ « enfer » pour leur péché mortel selon l’homilétique maudite des prêtres confesseurs. Alors soyons justes et foutons-nous des moralistes idéologues de la domination de l’ordre des tyrans et des prédateurs et de tous ceux qui se calquent sur leur modèle de pouvoir!

Sois arrogant et terrifiant de ta hauteur contre la bassesse des rois-canaille qui accusent, tels les trois hébreux refusant avec force et dédain l’idole erigée et l’idolâtrie exigée par le roi maudit. Sois soumis à Dieu, comporte-toi juste et bienveillant avec ton prochain, et sois terriblement arrogant et sans transigeance envers les monstres qui veulent te soumettre à l’ordre infâme, grossièrement matérialiste et idolâtre au nom de mornes convenances!

Rappelle-toi : le pouvoir de l’autre, le sceptre du dominateur immonde, c’est toi qui le lui confères à tes dépens. L’autre a besoin de toi pour te soumettre voire te réifier. Le pouvoir de l’autre est assis sur ta peur, ta culpabilisation, ta candeur, ta couardise à ne pas pouvoir dire non!… 

L’arrogance, comme nous l’avons défini ailleurs, constitue la corruption de l’orgueil authentique, car l’orgueil authentique est le sentiment juste de la grandeur ontologique de l'homme Imago Dei, nous portant à refuser le mal qui amenuise notre nature profonde! L’arrogance, quant à elle, est la sinistre volonté du mégalomane qui transgresse la nature humaine par la démesure des comportements pervers pour paraître grand et régner aux dépens d’autrui à travers un égotisme extrême, idolâtre de l’ego, sans jamais vouloir abandonner ses néfastes excès. L’homme qui cultive le bien et exige d’être non selon le légalisme mais selon la justice dans la grandeur spirituelle, intellectuelle et morale, n’a point à être humble envers les engeances de l’injustice qui séquestrent le pouvoir structurel dans ce monde; L’homme du bien doit garder l’orgueil de la grandeur humaine par la volonté forte et intraitable, de maintenir le cap dans l’entéléchie de son essence d’Homme sans se laisser impressionner par les bruits des puissants ni les singeries des foules qu’utilisent ces puissants à travers les faussetés convenues qui infestent l’écoumène et ses hôtes humains!

Homme qui me lis, n’oublie jamais que l’ordre des empires, des oligarques et de tous les tyrans du monde - fussent-ils des proches comme certains parents pervers et fouettards voulant imposer leur aberration - vit des trois modes de prise de pouvoir à tes dépens que voici: le mensonge ou la vérité déformée, je vois ici les demi-vérités et contrevérités qui te manipulent par des faussetés et arguties suasoires; l’accusation ou le blâme qui te culpabilise; la menace qui te désarme par la peur!…

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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