Le don de soi, un gain existentiel et spirituel.

Par Camille Loty Malebranche

Le don de soi est la manifestation de l’élan sentimental où une conscience humaine bien disposée se fait disponible pour vivre avec autrui des principes et sentiments partagés dans une profonde harmonie en toute élévation de pensée. C’est aussi en contexte social, un engagement de la personne humaine par sa consécration à une cause avec ses facultés et talents généreusement mis à contribution pour le service d’autrui à travers les valeurs qu’elle porte et exprime.

En spiritualité, le don de soi tient de la précellence de la foi qui propulse l’homme dans la sphère divine, où tout imparfait qu’il est, il tend à la fusion avec l’Être parfait de son origine. C’est le champ de la foi de l’homme répondant par tout l’amour dont il est capable à l’amour infini du Père qui a créé l’homme à son image. La spiritualité comme don de soi à Dieu est l’espace du perfectible bousculant l’imperfection de fait de la condition mondaine de tout humain, par la transcendance. Nul ne se donne comme le Christ qui est le Rédempteur universel, il s’agit pour l’homme de vivre la quiddité ontologique de l’humanité en l’exprimant envers Dieu et en la manifestant comme charité c’est-à-dire justice et bienveillance envers son semblable en signe d’estime espécielle de la nature humaine. Ainsi donc, ni la laudation du martyre, ni la débile romance de la souffrance recherchée et du sacrifice ultime désiré ne sont une exigence saine du don véritable de soi, mais de la pathologie masochiste et suicidaire. 

 
En quelque sphère que ce soit, se donner vraiment est un acte, pour ainsi dire, de métaphysique amoureuse, qui affirme une communauté de sens du donateur au donataire; une mouvance ascensionnelle, une migration mentale voire ontologique vers autrui. Ainsi, le don de soi est une offrande sentimentale de soi à l’autre, offrande donc de l’être global du soi conscient qui aime et se donne.

Donner au niveau des valeurs supérieures, c’est donner de ce qu’on est; c’est toujours de loin plus grand que de donner de ce qu’on a, même si ce dernier don de l’avoir, en fait presque toujours partie et en est parfois, un mode d’attestation. Force est de saisir ici qu’au stade transcendant de cette ascension qu’est la foi, se donner est pour l’homme, le transport aimant du donataire reconnaissant le Donateur suprême, éternel, auteur de la vie, lequel s’est épanché et donné le premier en créant l’univers et au-dessus du créé, créant l’homme à son image. Un don total qui ne se peut donc qu’à une dimension elle-même plénière et infinie, un sujet supérieur capable de le recevoir pleinement. Le don de soi, quand il est plénier, est pleinement spirituel, car il s’agit d’entrer dans la dimension du Véritable où seul à seul, l’homme-esprit rencontre l’Esprit Divin dont il vient. C’est là où donner, se donner, se confond avec le recevoir total, le gain de soi d’être avec Dieu, source mystérieuse vitale de notre essence et de notre existence. Savoir ainsi se donner, c’est reconnaître qu’il n’y a que Dieu comme Être dispensateur d’être et que lui rendre ce qui est à lui, est le moyen de se posséder soi-même. Car s’illusionner posséder ce que nous avons reçu et dont nous n’avons contrôle ni sur la durée ni sur le devenir, c’est se fourvoyer dans un délire d’illusion de possession alors que nous ancrer en Dieu par fusion mentale et sentimentale de l’esprit avec l’Esprit Originel, nous donne à sustenter dans le terreau vital notre étant profond qui est esprit et qui ne saurait subsister sans maintenir son être dans l’Esprit dont il vient.

Se donner à Dieu, c’est se fondre par sentiment de son essence spirituelle en l’amour créateur dont on vient, c’est consacrer à Dieu le propre don de sa démiurgie aimante, la création que nous sommes de son Amour. À ce stade, la fusion avec le Bien-aimé est embrasement de vie, de félicité infinie et éternelle. Le reste, le don aux humains qu’on aime, n’est que le partage de cet amour divin qui nous a créés et qui nous garde dans la plénitude de notre essence spirituelle. Voilà pourquoi le don pleinement humain que nous pouvons au prochain, c’est le partage de notre humanité spirituelle consciente de sa vérité spirituelle et qui s’épanche à l’autre au stade supérieur propre à l’esprit.

Le don de soi et la juste cause.

Le don de soi est toujours fondateur de la juste cause à embrasser où se fait l’élan généreux du sentiment qui donne. C’est toujours une perspective de contribution par tous les talents dont on dispose, à la grandeur et au dépassement qu’implique la juste cause. Le don de soi, c’est la ligne d’action de l’homme logique par le choix de sa cause, choix sentimental par l’amour de la cause elle-même aimante du bien suprême selon les tendances de l’homme qui s’y donne.

Au niveau métaphysique, le don de soi est un gain ontologique où la mise à contribution des richesses intrinsèques à la cause divine et humaine, enrichit avec surabondance l’être de l’homme qu’il fait s’accomplir. Le don de soi est une part de l’entéléchie globale de l’homme comme voyageur vers l’infini, passager terrestre conscient de sa destination en Dieu.

Se donner, c’est savoir renforcer son être propre en ses valeurs suprêmes, proprement humaines qui se magnifient et atteignent leur ciel à travers les seuils du dépassement permanent de soi qu’est le partage!

Donne-toi selon les perles intérieures de ton esprit pour que la plénitude de ton être d’esprit manifestant sa spécificité situationnelle, brille et que simultanément tu enrichisses autrui et croisses en ton humanité globale!

Donne-toi à ton essence sacrée intangible au point d’en faire l’exergue actif, l’emblème dynamique de tes jours en parcours vers l’éternité.

Donne-toi harmonieusement à la majesté de la vraie nature de ton être intuitionné et révélé esprit, pour que ta trace dans la vaste odyssée de cette existence matérielle garde de toi, la face de la grandeur vocationnelle que tu es et que tu as su mettre en évidence en pensée et en action sur ta route d’homo viator en voyageur du sens pleinement assumé!

Souviens-toi que le don suprême de toi-même est celui de l’esprit que tu es à ton origine supramatérielle, c’est la seule réponse possible de ton être à l’Être, l’expression juste de ton amour à l’Amour dont tu viens!

Apprends à te donner chaque jour, chaque instant avec exaltation à l’envergure vocationnelle de ton essence; fais en sorte que le don de toi-même à ta nature profonde, exhaussée soit en même temps un don de ton humanité à l’humanité.

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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