Harmonie et équilibre, nuances et modalités.

Par Camille Loty Malebranche

L'harmonie est la congruence supérieure voire ontologique d'une conscience avec elle-même. Par extension, l'harmonie peut être considérée comme la finition d'une création perçue dans son unité d'ensemble que rien ne déforme. L'équilibre, lui, est le seuil ordinaire du vivre sans conflit avec l'altérité ou la nature.

Il est une harmonie intérieure spirituelle qui tient du rapport de l'homme à soi et de ce rapport à soi, le rapport à l'être et à Dieu. L'harmonie avec Dieu est de la sphère du mystère induit par l'intuition. Il y a une harmonie extérieure, laquelle concerne tout rapport de l'homme avec l'autre semblable quand ce rapport atteint une plénitude surclassant la simple cohabitation pacifique pour un partage de valeurs spirituelles, morales, intellectuelles en toute plénitude humaine sans ambiguïté. Enfin, il existe l'harmonie naturelle qui tient du rapport physique somatique à l'univers. Par exemple, quand je respire, je suis en harmonie avec l'air que j'absorbe pour vivre.

L’harmonie extérieure est la posture de deux consciences dont leurs perceptions de l’essentiel sont tellement proches dans leur ressemblance, qu’elles peuvent être en union sentimentale et sceller leur cohésion idéelle. Là, il s'agit de l'amour de l'homme et de la femme quand les deux ont atteint le niveau d'une union si forte qu'elle jouxte une certaine fusion de leur affectivité (même si celle-ci n'existe qu'entre purs esprits et n'est point du ressort des rapports entre des êtres de matière ayant tous deux un corps)... Il faut ici rappeler, comme je l'ai dit ailleurs, que la fusion, cette harmonie métaphysique supra-matérielle, ne se peut strictement qu'entre consciences spirituelles, donc entre esprits, comme entre Dieu avec l'esprit de l'homme, l'homme intérieur immatériel! Au niveau grégaire ou social, l’harmonie sera surtout idéologique selon les deux consciences collectives en rapport. L’équilibre, lui, est la condition d’un humain qui ne subit ni n’apporte de la nuisance ou de la déstabilisation dans un contexte donné. Il est ici essentiel d’établir les nuances entre ces termes puisque d’innombrables gourous et « prêcheurs d’une sagesse excentrique » ne cessent de laisser croire que l’homme doit être en harmonie avec la nature derrière quoi, ils allèguent une putative cohésion avec tout et tous comme si une mise en accord était toujours possible entre les hommes d’une part et entre l’homme et les êtres et faits en toutes situations, de l’autre!

L’harmonie plénière, ce domaine du rapport de l’homme à l’être, n’est possible qu’avec soi-même et avec Dieu. Il s’agit d’une fusion ataraxique de l’homme avec son essence et son origine. En dehors de cette sphère spirituelle, l’homme peut prétendre à une harmonie partielle avec les autres consciences humaines proches par la pensée. Ailleurs, l’homme n’atteindra jamais que de l’équilibre, ce rapport de raison, de bon sens et de dignité dans les interactions aux autres humains en général ou aux institutions sociales. Car sans un seuil d’équilibre dans les rapports à autrui, il est quasi impossible de vivre. Au niveau cosmique - je vois ici, la nature et ses lois - le choix de l’équilibre nous est imposé car vital. Par exemple, celui qui monte dans l’espace interstellaire, n’est pas en « harmonie » avec la nature qui est pour l’organisme, le monde terrestre où il peut respirer et vivre dans les conditions naturelles pour le corps humain, puisqu’il délaisse volontairement ladite nature; toutefois, il crée de l’équilibre par les équipements qu’il porte pour pouvoir continuer à vivre! Et si nous poursuivons avec l’exemple de la nature, il est fondamental de remarquer que nul ne peut vivre en harmonie avec des prédateurs, des animaux venimeux, par contre, l’homme peut apprendre et de fait, apprend à vivre en équilibre avec toutes les espèces, en évitant leur territoire, en exterminant ceux qui nous envahissent si nous prenons le cas des parasites! Nul homme sain n’aurait l’intention de vivre en harmonie avec des anophèles ou des glossines! L’équilibre avec la nature est si important que sa rupture est soit fatale soit vecteur de maladies.

En société, la part d’harmonie possible est une affaire politique car relevant de la justesse de la gouvernance administrative pour la justice sociale et l’équité. Au domaine sociopolitique, l’harmonie est dans la qualité équitable du pouvoir déterminant les conditions citoyennes.

Harmonie et équilibre mental.

Harmonie et équilibre sont mentalement, deux postures du rapport à l’être à ne pas confondre. Je poursuis l’harmonie totale avec moi-même et avec Dieu, une harmonie qui peut atteindre des sommets et des creux, et que je dois toujours travailler, cela me procure un équilibre intérieur certain. S'harmoniser c'est vivre la vérité spirituelle sur les assises espécielles où l'on assume son idiosyncrasie comme condition singulière, particulière de personne humaine unique au monde au-delà de son individualité selon l'essence. La première sphère de l’harmonie est intérieure et métaphysique. Et là, l’harmonie prime l’équilibre qu’elle est seule à générer et à entretenir. Par contre, l’équilibre qui tient du relationnel extérieur, est, nous l’avons vu dans ce texte, loin d’être en soi de l’harmonie.

En relations humaines, dans la pluralité des consciences et des opinions qu’est la société, c’est toujours le fragile équilibre du respect de l’intégrité d’autrui et l’ouverture au partage sain de notre humanité commune avec l’autre, qui fait l’équilibre. Et plus l’autre et moi sommes ouverts au sain partage, plus, il se crée un seuil élevé d’harmonie que l’autre et moi définissons selon la relation entretenue. Néanmoins, ne nous y méprenons guère, dans un monde où d’innombrables frustes méprisables se consolent de leur vide existentiel en infligeant nuisance et malheur à autrui, comme ces reîtres de la haute finance et leurs politicards de service qui sacrifient le monde à leur débile arrogance de mégalomanie matérielle si présente dans le capitalisme, tout comme ces menus fretins qui injurient, diffament les hommes de valeur pour étancher leur soif de paraître importants et masquer leurs abîmes et leurs complexes, le seuil d’harmonie possible avec les humains demeure un idéal souvent déçu. Et l’équilibre dans le rapport aux humains, dans un monde où le jugement et le comportement malsain prime, est aussi de refuser sans complaisance toutes relations néfastes pour notre harmonie intérieure avec nous-mêmes tout en évitant systématiquement les violents et les agresseurs. 

L’équilibre doit être poursuivi en tout rapport aux humains, aux choses, aux situations… C’est le seuil minimal d’une existence saine. L’harmonie, quant à elle, est un pinacle atteint entre semblables, elle ponctue les relations avec l’autrui exceptionnel qui devient par ses qualités, une part de nous-mêmes et dont nous sommes réciproquement une part d’eux-mêmes selon les saines balises bien fermement établies.

Heureux l’Homme à la conscience emmétrope qui sait reconnaître, poursuivre la véritable harmonie quand elle est possible pour la vivre, car c’est une des conditions du seuil de bonheur atteignable ici-bas, mais gare au débile qui pense atteindre l’harmonie, là où seul l’équilibre est possible, il finira en chiffon du désarroi.
 

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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