Par Camille Loty Malebranche
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La qualité est prioritairement ontologique en tant que manifestation de tout être fini ou infini, tangible ou intangible à partir de sa substance et de ses caractères intrinsèques, alors que la quantité n’a qu’une valeur ontologique secondaire parce que référant aux seuls êtres finis et matériels dont elle constitue l’étendue à travers la mensuration de la densité, du volume, de la masse... La quantité évoque l’occupation spatiale d’un étant dans un topos. Ainsi, les choses immatérielles sont désignées par leur niveau d’expression, leur intensité exprimée car n’ayant pas de posture quantitative à proprement parler : la connaissance, l’amour, la joie sont intenses mais jamais volumineux pour être mesurables ou comptables!
Au niveau matériel, la qualité réfère au substratum qui définit un étant alors que la quantité est la condition contingente où la qualité prend forme pour être factuelle dans le monde. La qualité a donc une acception ontologique où elle incarne tel attribut d’une essence et un sens axiologique prenant forme dans le jugement de valeur appliqué par l’homme aux étants. Au sens axiologique absolu, la qualité intronise la plénitude du bon, alors qu’au relatif, elle est l’archétype qui permet de juger les étants dont la conformité ou non audit archétype, détermine leur bonne ou mauvaise qualité!
Il est toujours un peu ridicule de voir les sondages sur le bonheur et toutes les choses non quantifiables que l’obsession quantificatrice, comptable du matérialisme veut mesurer et chiffrer notamment dans certains pays dits heureux! C’est, en effet, une pathologie du matérialisme vulgaire que de vouloir tout chiffrer à travers des mensurations insensées! Les anxiolytiques et les stupéfiants omniprésents dans la vie des individus dans la plupart de ces paradis sans oublier la fragilité émotionnelle courant vite au désespoir et à la perte de repères caractérisant les personnalités hyper-extrinsèques de la civilisation matérialiste, en disent long sur la soi disant vie heureuse des gens, malgré ce délire de quantification du bonheur! L’exclusivisme du quantitatif est une des marques de l’aberration de la vision dominante d’un monde empêtré dans ses inepties de jugement oubliant l’essentiel qu’est l’humain, pour des ressources qui seraient en soi des gains indépendamment de ce que leur mésusage, leur séquestration par des oligarques, leur érection en instrument de pouvoir et de contrôle implique contre l’humanité. Car ces chiffres que l’on applique pour supputer les ressources, ne disent pas combien l’idéologie de la richesse telle qu’imprimée par la culture peut corrompre les mentalités, détruire les qualités intrinsèques, altérer les valeurs humaines fondamentales.
Quand, dans la civilisation, la quantité éclipse la préséance due à la qualité, l’avoir peut devenir le tombeau de l’être et dévorer les moindres traces d’humanité au niveau des multitudes voire des peuples entiers. La métrologie a été créée pour mesurer les choses et les mettre en toute efficacité au service de l’homme, mais des hommes, par perversion viscérale, se sont mis à se mesurer eux-mêmes à des fins serviles et le monde est devenu une vaste dépouilles d’anthropomorphes utilitaires, mesurés au gré des besoins systémiques de quelques prédateurs dominateurs.
Un des aspects poignants de notre temps, c’est que la quantité quasi incommensurable de richesses matérielles semble inversement proportionnelle à la qualité humaine des sociétés. Car la monstrueuse misère humaine en pleine société d’abondance est spectrale par son étendue qui dévoile les horreurs de déshumanisation que la course à la quantité peut infliger à la qualité des richesses intrinsèques et vraiment humaines. Quand je vois et entends tant de grossièretés, de mesquineries, de sottises arrogantes, de complexes de haine ou d’infériorité méchante, de barbarie ethnocentriques et d’individualismes grotesques, de compétitions sous forme de rivalités viles compulsives, d’ostracismes de tout homme de bien non vendu aux scélérats dominants oui, quand je constate tout ce misérabilisme sous-animal parmi nos prétendus riches civilisés, je me dis que cette pénurie de prestance humaine, cette pauvreté d’humanité au milieu de tant d’ostentations de richesses sur fond de grivoise intumescence, ce misérabilisme endémique de nos chers intumescents du quantitatif, constitue sans doute un point de non retour pour les cuistres, les bêtes civilisationnelles! Faut-il croire que cette salissure systémique soit l’irrémissible misère, l’irrémédiable déchéance d’une masse d’humains dénaturés, définitivement engluée dans les illusions de la quantité qui lui procurerait les qualités de son être et de son essence?!
La qualité est la teneur en substance de l’essence, la quiddité identitaire des êtres, alors que la quantité - en certaines occurrences - peut être nécessaire pour permettre à cette qualité de se manifester, d’être significative pour ne pas être négligeable, comme le dit si bien, le vocable très répandu de « quantité négligeable ». Néanmoins, en matière anthropologique, à l’échelle de l’homme, malheur au minable hagard qui guette qualité du soi dans la quantité des choses?
Dans l’ordre de la quantité où l’avidité de l’accumulation prime par les appétences et avarices de la civilisation, le grand nombre est comparable à une vulgaire foule de gloutons insatiables dans un festin de boulimiques. Leur être même est devenu dérisoire colifichet parmi les colifichets accumulés. Des multitudes d’humains ont perdu jusqu’au réflexe de gourmet qui caractérise le goût de la qualité propre à leur humanité mollement, bêtement abandonnée, au point de n’aspirer qu’à combler leur vide à cette sorte de soue systémique où l’idolâtrie de la quantité par les déshumanisés voraces, s’adonne sauvagement comme à un culte malsain, compulsif de la quantité, sans prendre garde à l’odeur méphitique de l’insanité qui s’en dégage! Comme des péripatéticiennes usagères de faux-culs, évaluant leur prix et leur désirabilité par le volume de proéminence sous leur croupière et leur jupe, d’innombrables humains se mesurent eux-mêmes et entre eux par la masse, la quantité d’objets qu’ils parviennent à accumuler!
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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