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Par Camille Loty Malebranche 

 

(Le philosophe et le dubitatif : considérations sur la quiddité du sens)

 

LE DUBITATIF

 

Vous avez, à l’instar de nombre de vos devanciers, évoqué le sens comme domaine privilégié de toute votre démarche discursive, en quoi votre vision du sens consiste-t-elle?

 

LE PHILOSOPHE

 

La quête et l’éprouvement du sens sont des parts de la nature humaine se cherchant et s’éprouvant elle-même. Par delà l’organique, où nos sens du corps désignés par le mot somesthésie dans la somatologie moderne, nous renseignent physiquement sur nous et le monde environnant, il est l’aspect du directionnel qui tient de l’orientation, mélange de somesthésie, de perception spatiale voire de géographie, et l’aspect duel de l’herméneutique qui est soit simplement immédiate, langagière soit téléologique et métaphysique. C’est cette face métaphysique que je tiens surtout à évoquer ici. Car c’est le domaine suprême du sens, là où nos rapports à l’existence et aux étants vivent le sens comme mouvement mental de l’homme vers l’être. Le sens, c’est d’abord la recherche de l’ordre pour se positionner parmi toutes les globalités et les parties auxquelles nous faisons face comme espèce. L’univers: la nature, l’être qu’il constitue - univers appelé monde par l’activité objectivante et langagière de l’homme - est avant tout affaire de signification humaine. Signifier cest aussi bien désigner un sens que se représenter par rapport au signifié où lon sassigne à une position soit de simple observateur, soit de juge voire parfois, de juge et de partie. Car le monde, c’est l’univers posé comme objet et pris par le regard, le questionnement et l’action de l’homme; et, au niveau de la planète terre, c’est cette part du cosmos accessible à l’action de l’homme! Le monde est essentiellement l’univers humain, l’ensemble des faits qui proviennent de l’espèce humaine à travers l’espace et le temps. Le monde, c’est donc l’homme ajouté à l’univers qu’il chosifie par l’esprit à travers l’abstraction, l’idéation, pour ensuite le maîtriser via la recherche, l’expérimentation, l’action… Toute l’activité cognitive de l’homme est une tentative d’arriver - à force d’interrogations, d’expérimentations, de classifications, d’élaborations de signes (sémiotisation) - à une saisie de la procession finalitaire ou non finalitaire, signifiante ou absurde de l’univers et de ses créatures.

Le sens est réellement le but de toute l’aventure connaissante et de toute tentative interprétative de l’homme face au cosmos. C’est la quête herméneutique sur les « buts » mystérieux du cosmos et la place de l’homme, s’il en est, dans l’immensité de ces buts de l’infini. La science tente de pénétrer les secrets de la matière cosmique ou de la condition humaine et toutes ses branches apportent une bienheureuse lorgnette qui perce l’épaisseur obscure de l’univers ou de l’être humain, pour nous laisser voir par des hypothèses et des lois, quelques infimes parcelles de leur vérité. Quant au logos, la « logique » plurielle du discours philosophique, il se fait le miroir du mystère cosmique qu’il porte de manière plus pénétrante que n’importe quoi d’autre puisse le faire, à la conscience. C’est comme un rite de contemplation et d’interrogation acatégorielle qui nous impose de porter le regard sur ce que nous biffons par nos ratures et nos oublis coupables dans la quotidienneté machinale de nos activités utilitaires ou de loisir. C’est ce que j’appelle spécularité idéelle du sens.

Le sens commence donc à vagir avec la volonté de l’homme, cette conscience consciente au degré du pour soi, ce plus haut degré de la conscience qui, non seulement s’efforce de bousculer sa condition de non sachant mais aussi veut influencer l’univers au moins dans la part immédiate de cet univers auquel il a rapport. C’est là ma vision du sens : une démarche de la conscience humaine en quête de finalité à soi et au monde.

 

LE DUBITATIF

 

Le sens est donc le thème majeur de toute démarche connaissante de l’être humain?

 

LE PHILOSOPHE

 

Le sens n’est pas qu’un thème, car le thème, la thématique se contente dêtre thétique, de servir de générique à un ensemble de paroles et d’actes à une occurrence donnée. Or le sens est le fil conducteur de l’esprit qui sans lui se fourvoie dans l’incohérence chaotique de la privation de finalité et de fin. Le sens est logos et praxis mentale et intellectuelle. Un des domaines de règne et de déchéance de l’expression de l’esprit, est bien l’Histoire, ce champ privilégié de l’imaginaire et du sens. L’Histoire est le miroir même de l’humanité dans l’expression de la nature humaine par la culture. Et la culture, spécularité herméneutique et pratique multiforme de la nature humaine en action dans la communauté!

 

LE DUBITATIF

 

Quand vous dites "l’esprit", qu’est-ce qu’on peut en entendre?

 

LE PHILOSOPHE

 

C’est à la fois une dimension gnoséologique et une hypostase métaphysique.

 

LE DUBITATIF

 

Commençons par l’aspect gnoséologique ?

 

LE PHILOSOPHE

 

Il s’agit de la dimension cognitive de l’esprit de lhomme un fonds caractéristique de l’espèce que porte tout individu, l’homme étant le seul être matériel sur terre à être capable d'opérations complexes et non réflexes par son intelligence, telles l’abstraction et la projection pour mieux se connaître, se représenter l’univers, tout en s’assignant sens et finalité dans son organisation sociale, sa gérance de la nature etc. Malheureusement, au lieu d'entendement, la réduction moniste, intellectualiste de l’esprit perçu uniquement comme cette dimension connaissante chez l’homme, a créé cette confusion nominale. Il ne sagit pas de l’esprit mais de la faculté qua lesprit de l’homme de savoir par apprentissage de lintelligence, cette faculté de l’esprit qui, en nous, selon notre apprentissage, apprend et fait que nous sachions  savoir. Le corps a des réflexes des sens mais lesprit par son entendement possède le sens en tant qu’il interroge, expérimente, observe, signifie.

 

LE DUBITATIF

 

Intéressant, cette saisie du sens différent des sens somatiques! Et maintenant quid de la face métaphysique de l’esprit?

 

LE PHILOSOPHE

 

C’est la vérité de lhypostase quest lesprit et la perception dualiste a raison de lappréhender comme substance vivante à lintérieur du corps sans lui être réductible, ayant en propre, son être entier, intégral, cheminant dans la matière. Car si lesprit nétait quune émanation du corps ou une somme de fonctions cognitives du cerveau, comment comprendre sa puissance à entrer en conflit avec le corps dont il est censé être, n’en étant qu’une fonction, une émanation!? Et toutes les intuitions d’un au-delà viendrait-il d’un corps dont les réflexes et instincts savent plus que tout, qu’il est organique, mortel, temporel!?...

 

LE DUBITATIF

 

Vous me convainquez et plus je vous écoute, j’entends la manière moniste comme celle de quelques infirmes de la faculté de sentir, privé du sens supérieur de se sentir eux-mêmes, d’éprouver le sens qui, pourtant, les habite!…

 

Plus je vous entends, plus je comprends que l’intuition du sens caché est forte et doit être juste écoutée par notre attention intérieure. Je me dis que l’esprit n’attend que l’éveil au sens intérieur pour humaniser pleinement l’être dit humain en le rendant à ses origines supraterrestres malgré sa dimension somatique liée à la terre! L’esprit n’est pas un simple produit de l’évolution phylétique mais un missionnaire habitant le corps de cette espèce mystérieuse, cette entité à bien des égards énigmatique et insaisissable, qu’est l’homme! En vous entendant, le scepticisme est mort, je ne doute que des choses humaines mais plus de la nature humaine.

Qui sent le sens, renonce à douter des essences et de la transcendance qui habite l’apparente banalité de l’aventure humaine.

 

LE PHILOSOPHE

 

Vous vous joignez, cher esprit en autoconquête, au petit nombre des contemplatifs actifs du Véritable par l’éprouvement intérieur. Le doute, en vérité, n’a qu’une mission, c’est de nous conduire à l’hyperconscience et à sa clairvoyance supérieure. Clarté et sagacité émanent de votre raisonnement sain. Vous, le dubitatif éclairé, vous avez su assumer le doute pour la Vérité de la nature humaine, sa juste fin logique et métaphysique, loin des logorrhées sceptiques des bouffons intellos qui baragouinent en ratiocinant par la réfutation vide et byzantine de toute révélation et intuition, selon une factice éristique d’apparat pour paraître intelligents!

 

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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