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Par Camille Loty Malebranche

 
 

La modération est vertu de renoncement à des jouissances indignes. C’est aussi la non utilisation de certaines prérogatives par souci supérieur de justice voire de bonhomie. Car même si le permis reste à la discrétion de l’homme, le modéré sait que savoir user de sa faculté décisionnelle lui revient et qu’il n’a pas besoin d’en exagérer pour se sentir libre et pour jouir de son pouvoir. Il sait que si l’interdit est déjà bien défini, telle frugalité dans le permis peut parfois faire du bien à autrui en difficulté à cause de certains aspects abusifs du permis. Nous pouvons par exemple, prendre le cas d’un haut fonctionnaire qui renonce, sans en faire un objet de propagande personnelle, à un pourcentage non négligeable de ses frais de table au profit des écoliers pauvres sous-alimentés.

 

La modération, c'est la maîtrise de soi à l’égard d’autrui et des situations de tentation, de provocation, vertu tournée vers la gérance des cas de conscience, une casuistique de résistance aux penchants vers des excès que porte tout humain et de refus des occurrences qui peuvent entraîner l’explosion des forces négatives comme l’évitement d’une situation risquant d’entraîner de la violence sous l’effet d’une colère juste. 


La posture du modéré invoque l’art mental de la transcendance des pièges qui peuvent faire chuter un homme hors des principes forts de sobriété et de justice. C'est une vertu du soi en rapport à l’altérité. C’est la modération qui me guide et me fait refuser une plaisante invitation féminine venant d’une jolie mariée afin de minimiser le risque de tentation à l'adultère. La tempérance, en cette occurrence, est lettre morte, même si elle est ce qui m’aide à vivre la sexualité avec mesure, car elle ne discerne pas la portée relationnelle! La modération, quant à elle, me commande donc à renoncer à des jouissances immorales ou aux plaisirs potentiellement douloureux ou injustes dans leur retombée. 
 
Un vrai modéré politique au pouvoir mènera le combat du bien collectif sans complaisance, pour ne pas céder aux ennemis de la justice, aux puissants prédateurs et idéologues de la finance, toutefois, en sa modération sereine, pèsera et soupèsera l’impact de ses décisions sans jamais tenter, sauf par erreur humaine contingente, rien d'inconsidéré par orgueil abusif et grivois qui pourrait faire mal à ses gouvernés. Même au combat, les armes à la main, le modéré sait qui attaquer, en mesurant quand et comment pour éviter autant que possible tout abus. Le modéré est l'ennemi de l'hubris des excentriques qui frappent aveuglément dans leur délire de faux héros ou de délirant forcené d’une prétendue justice sans discernement.
 
La tempérance, quant à elle, est le contrôle de soi pour soi-même dans le manger, le boire, l'utilisation des facultés à assumer et orienter avec sagesse selon la juste mesure sans la démesure qui les tournerait au contraire de leur essence et finalité consistant en l'accomplissement par le bien global de l’homme. Un tempérant très intellectuellement doué, mettra sa grande intelligence au service de l'avancement de l’humain, et jamais ne l'utilisera au profit de certaines institutions monstrueuses très payantes qui dévorent l'humanité même si les servir, l'enrichirait et serait approuvé par l'aliénation des masses - parfois aliénées, méchantes et sans compréhension - qu'il ménage en refusant d'être complice des puissants prédateurs. La tempérance est donc le bon usage pondéré des choses et plaisirs du monde, c'est une vertu tournée vers l’ipséité. Un tempérant sait que si le sport est excellent pour le corps, son excès peut provoquer la mort. Ainsi le tempérant est un évaluateur qualitatif de la liberté et des jouissances dans la conduite
 envers soi, alors que le modéré est l’homme de la juste mensuration appliquée des bonnes choses pour quelles restent bonne sans déviance, gardant leur quiddité et finalité  dans le rapport à autrui.
 
Modération et tempérance ne sont pas des dons statiques mais des conquêtes permanentes selon la dynamique de l'effort par un travail incessant de soi-même, sur soi-même. Les deux deviennent le continuum, le couple de la sagesse propre à l'homme en quête de maîtrise de soi. Un combat de tous les jours! L'homme, étant l'être des extrêmes, il lui faut, par une discipline de soi, transcender et convertir en forces d'équilibre et puissances du bien, ses tendances aux débordements pour son propre accomplissement ontologique, sans pourtant cesser de faire des choix sans laxisme que ceux d'en face trouveront extrêmes parce qu'envers et contre les extrêmes du mauvais qui sévissent.

 

Le modéré agit jusqu’à l’extrême du bien qu’il s’efforce de faire triompher dans le rapport à autrui, alors que le tempérant est l’arbitre impassible de soi, un homme sans complaisance avec ses propres penchants mauvais qu’il apprend à transcender et réduire autant que possible au silence. Un modéré tempérant, père, manifeste son amour paternel avec force, sans toutefois jamais transiger sur les principes du bien même pour plaire à ses bien-aimés; le vrai modéré est donc aussi tempérant, c'est un homme qui se reconnaît autoconstructeur et qui sait que tous les attributs (ces traits espéciels de l’humanité), toutes les facultés (caractères individuels des humains) sont des dons ontologiques de Dieu à l’Homme pour la juste orientation de soi vers l’accomplissement global, spirituel et temporel. Modération et tempérance sont des mises en silence de nos faiblesses par l’affirmation volitive intransigeante du devoir de dépassement permanent, et projection de notre être vers l’idéal du bien à poursuivre avec fidélité. L’idéal du bien à poursuivre avec fidélité constitue la boussole et la motivation du modéré tempérant, ce coureur toujours en route vers ses confins d’humanisation. Car la tempérance est le dépassement de l’énergie animale canalisée vers les hauteurs idéelles et mélioratives qui humanise l’animal humain, le rendant à l’effectivité de ses prétentions humaines, sa vocation humaine où il peut modérer ses actes sans jamais abdiquer les sommets de justice et de bien qu’il se fixe.

 

Le tempérant, s’il modère ses ardeurs pulsionnelles en certaines circonstances, il multiplie sa détermination immodérée pour le juste et le véritable; et sa volonté explosive d’énergie ne fait que décupler pour la conquête du soi et son authentique manifestation humaine à travers sa pensée-action au profit de l’humanité dans un monde si souvent déshumanisant.

 

CAMILLE LOTY MALEBRANCHE

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Tag(s) : #Monde du Concept
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