Par Camille Loty Malebranche
La correction est l’intervention d’un changement qui maintient l’essence et rend la nature à elle-même. Corriger n’est pas changer la nature d’un étant, corriger un étant, c’est résorber certaines défectuosités en son expression, c’est évacuer des dérogations à sa modalité pour propulser son ipséité vers la plénitude, et ainsi rendre sa nature à elle-même.
Dès le départ, je dois préciser que vu les connotations prêtées, imprimées au correct d'un point de vue idéologique, où le mot réfère aux dépravations d'un ordre social et politico-économique, il est essentiel de remarquer que la correction dont il s'agit dans notre texte, est aux antipodes dudit correct qui, lui, est simplement ce qui sied aux cerbères régnants du monde et à leur idéologie malsaine. La correction et le correct dont nous parlons en ce qui suit, se réfère au sens sémantique mélioratif du mot au-dessus de toute récupération et anticipant tout mésusage idéologique comme le "politiquement correct" vocable simpliste et stupide popularisé ces temps-ci par une certaine élite.
Corriger c’est débarrasser la nature de toute scorie pour qu’elle soit pleinement dans sa vérité, sa naturalité. C’est renforcer la nature d’une nature en l’expurgeant de toute étrangeté indue. Quand je corrige un texte, je ne le change point dans son fond ou sa forme, je purifie ce qui par inattention ou vélocité lors de l’écriture, a pu s’y infiltrer malencontreusement. En fait, la faute, l’erreur, l’inapproprié - ces raisons d’être de la correction - sont des malencontres, de mauvaises rencontres du texte au cours de l’activité du scripteur en tant que celui-ci reste un humain, un être donc passible d’erreur, capable de se tromper. Force est ici de comprendre que les interventions sur le style en fin de rédaction ne sont des corrections que si elles changent quelque chose de linguistiquement fautif dans le langage, sinon ce ne sont que du peaufinage esthétique contingent au goût du rédacteur... Quand la correction est logique et concerne donc le fond à nettoyer de toute méprise langagière temporaire intervenant dans le cours scriptural pendant la rédaction, la correction se manifeste comme un effort de perfectibilité, véritable essor de la finesse esthétique et sémantique qui rendra le sens à lui-même. Et en matière de création, la correction est la préservation logique, sémantique de l’oeuvre contre toute altération. Et nul écrivain ou artiste quelque magistral ou génial qu’il soit, ne peut créer sans connaître ce passage par les fourches caudines de l’énervement plus ou moins désenchantant voire angoissant, cette part de désenchantement immanent à toute démarche créatrice, qui suit l’enchantement festif de la création.
Il est à remarquer que l’on ne corrige que ce qui est bon en soi, mais affecté de coquilles ou de manques affaiblissant son essence. Corriger c’est tendre à la finition de l’œuvre, y mettre toute la finesse possible à défaut de l’inexistante perfection en ce bas monde. Quand l’essence est mauvaise, on ne corrige pas, l’on rejette, l’on détruit, pour créer du tout autre.
L’autocorrection, un dévolu de la conscience humaine.
L’autocorrection est le principe même de conservation de notre humanité où les forces des bas-fonds ouvrent constamment sous notre conscience, leur trappe de basculement dans l’animalité primitive propre à la chair et de violence primaire véhiculée par un monde d’agressions de toutes sortes contre l’individu.
Dans le champ de l’humain, il est une responsabilité majeure de la conscience qui consiste pour l’homme, à croître en son être, son essence. Croître au plan ontologique, c’est reconnaître nos failles et faiblesses pour corriger toute impropriété dans notre penser-agir qui affecterait indignement, indûment notre nature humaine, notre humanité. Dans cette perspective existentielle - l’existence étant l’espace global de notre être ici-bas, notre vie, notre temps et ce que nous en faisons - nous sommes constamment sommés en juges de nous-mêmes de corriger par la prévention ou par le changement de cap, ce qui fait se manifester nos défauts afin d’être fidèle à notre nature.
La gloire du sujet humain, souverain par essence, n’est pas dans la perfection qui n’est jamais qu’un point de mire, mais dans son mérite à identifier sa peccabilité pour en minimiser le surgissement triomphant dans le comportement. La gloire de l’homme-sujet est dans l’autocorrection qui est donc minimisation des faiblesses et culture-exaltation des grandeurs. Au niveau humain, il n’y a pas de correction en propre mais de l’autocorrection car personne ne corrige personne! Seul le soi corrige le soi en sujet conscient humble et fier à la fois de s’autoconstruire. Et le soi se corse par la pensée-action par où il s’exprime, se comporte dans le monde. Au stade spirituel, Dieu nous indique les matériaux spirituels, nous dispense ses dons de lumière par sa Parole, son Christ, et nous assiste par son Paraclet, mais c’est toujours à nous de nous en construire.
La correction est le conatus par excellence de l’humain souverainement assumé, la bouée de sauvetage de toute nature quand les flots de l’inapproprié voire de la contre-nature menacent l’essence de cette nature. Comme un chirurgien habile qui opère et rend tel organe dysfonctionnel à sa normalité, comme un éboueur qui intervient, nettoie une canalisation obstruée par des alluvions et lui rend sa bonne fonctionnalité, la correction des choses ou, en ce qui a trait à l’homme, l’autocorrection purifie l’essence et lui rend son essentialité, sa naturalité plénière.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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