Par Camille Loty Malebranche
Décontextualiser les faits de l’histoire, c’est affabuler le passé pour manipuler le présent. Quant au héros nous ne pouvons le juger que par les principes qu’il promeut, les valeurs qu’il endosse. Là, le principe pérenne de justice ponctuera toujours le parcours du bon héros car l’héroïsme juste est celui où le héros, au bout de tout son génie et parfois, son sacrifice, se consacre à la défense de ce principe du bien qu'est la justice surtout dans son application effective qu'est l’équité. À ce niveau, justice et équité forment la paire axiologique du bien que prônent les sagesses millénaires qui les considèrent inscrites en l’homme comme innéité de la conscience morale que sous-tend la faculté d’empathie dont tout humain le moindrement équilibré, est porteur.
Toute action historique - j’entends spécifiquement, tout acte et fait politique impliquant le sort d’un pays, d’une société ou d’un groupe à travers l’orientation que lui donnent ses dirigeants - est forcément incluse voire tributaire de la dialectique de la contextualité. Dialectique de contextualité, c’est-à-dire jeu d’actions-réactions, manière de répondre à des situations à travers les conjonctures tout en ciblant des fins. Le contexte est un espace ludique où l’acteur politique qui fait l’histoire est comme un joueur qui doit bien jouer au risque de différer voire de dévier le destin collectif en ruinant son appel et sa signification pour le devenir du peuple.
Je refuse de parler de vérité historique car le vocable vérité en histoire charrie trop de complexités et de configurations selon les représentations et les angles de considération. Je préfère évoquer en histoire la factualité établie des évènements évoqués et le sens strictement contextuel de leur perpétration. Ainsi, une fois les faits vérifiés et leur contexte socio-historique intelligé, les regards du jugement ne reflèteront que le niveau mental, intellectuel voire humain des intervenants.
Refaire l’histoire d’un génie militaire en l’accusant de violence, accuser un héros de guerre de libération révolutionnaire - qui doit faire face avant, pendant et après la guerre à toutes sortes de piégeurs - au nom d’une prétendue moralisation postérieure pour de soi disant crimes en déformant le sens et le contexte de son action, équivaut à tout simplement effacer l’histoire révolutionnaire qui est un lieu de guerres sans merci avant pendant et un bon temps après la révolution. C’est aussi mettre à quia la mémoire authentique par de fausses anamnèses. Le sens du militarisme guerroyant qui, par nature, n’émerge que via l’âpreté des combats où il baigne dans le sang, ne prend corps qu’à travers l’orientation des combats menés.
Héros humanistes et héros agresseurs...
(Le combat de libération, seule cause justificatrice du héros)
Le héros militaire lutte-t-il pour la libération ou la colonisation; intervient-il pour l’émancipation ou l’agression? Le héros est-il vil conquérant pour une gloire immonde à la fois égoïste et nationaliste ou au contraire un résistant, un renverseur de l’asservissement? Il s’agit de se figurer la juste cause des guerres d’un héros et non de pérorer sur ses faits d’armes, sa route vers la victoire où coule le sang. Car une guerre révolutionnaire est hélas, un déluge de sang par l’affrontement des forces. On ne peut non plus juger un chef d’État émergeant des guerres anticolonialistes, antiesclavagistes et antiracistes par des inepties d’une morale de convenance pour liseurs de salon, liseurs, car nul lecteur digne et sérieux - informé le moindrement sur ce que fut l’inimaginable violence multiple à la fois physique et symbolique, violence individuelle, sociale et (raciale) en fait ethnique, violence à tous égards létale et réifiante du colonialisme - ne peut se laisser gruger par le moralisme désuet et à posteriori des niais et couards contemporains conspuant les preux et les héros authentiques qui ont bravé la mort pour dire leur dignité et leur humanité contre les assassins racistes des humanités non européennes, niées jusque dans leur nature humaine au point que l’Europe les eût officiellement définies par la réification esclavagiste.
Le héros militaire est un tueur, cela est immanquable. Maintenant, entre le criminel conquérant et le combattant de la liberté, intervient le discernement axiologique, la saisie de la noblesse ou de l’ignominie du militarisme qui, comme tout instrument est qualifiable par son usage et non sa maîtrise par l’utilisateur. Alors, nous mesurons l’imposture anti-historique quand des intello de bazar, vils intellotypes, nous dénigrent la violence d’un esclave des champs ayant percé grâce à ses faits d’armes jusqu’à faire sortir un peuple des abîmes de l’esclavage et créer une nation et un État que précisément les niais et indignes descendants soi disant élites sociales, ont galvaudé jusqu’à la quasi disparition, jusqu’à la honte. Je dis que c’est du misérabilisme anti-intellectuel, de la logorrhée méprisable mise en verbiage manipulateur soi disant analytique, que de conspuer un héros anti-esclavagiste dont la pugnacité et la victoire qui hantaient d’épouvante tous les colonialistes de l’Amérique, auront été la référence pour tous les grands combattants d’hier et d’aujourd’hui, je vois les révoltés du Venezuela au début du 19ème siècle, et aussi notre contemporain Castro qui ne tarit d’éloge quant à la contribution de la révolution haïtienne menée par Dessalines et son armée, au combat de libération des peuples d’Amérique et du monde. Antiesclavagiste et antiraciste, la révolution haïtienne n’en finit pas de traumatiser et de hanter les colons et néocolons, les impérialistes et tous leurs avatars proches des plus viles institutions néocoloniales, stipendiés d’institutions financières lugubres qui recolonisent les Suds au profit d’un Nord inhumain et prédateur. Honnies soient les ablutions chosifiantes et idéologiques qui falsifient la portée de la factualité historique.
Les Héros historiques et les agresseurs idéologiquement héroïsés.
Pour illustrer ce que j’entends comme valeur de l’héroïsme et du héros, je tiens à préciser que l’héroïsme ne peut et ne saurait être exinscrit des valeurs morales et profondément humaines, citoyennes et collectives censées le voir émerger dans les contextes de l’histoire; car c’est au nom des valeurs que l’on clame l’héroïsme d’un homme exceptionnellement consacré à une cause humaine. L’héroïsme est donc fils de l’axiologie car il en vient en tant que désignation par la considération des valeurs portées en flambeau par le héros reconnu et proclamé. De là, nous saisissons la facticité grossière de certains héros devenus légendes des peuples par le mensonge des scribes d’épopée masqués en historiens pour manipuler la mémoire et conditionner les sociétés au nom de scabreuses tares idéologiques. Agression de la mémoire vraie des peuples par l’indécence épique des faiseurs de sagas pleins de mépris pour le droit de savoir de leurs propres peuples, eux, sinistrement complaisants dans leurs récits romancés des crimes de leurs héros contre la liberté au dédain de l’humanité.
Mille Bonaparte - envahisseurs esclavagistes mégalomanes dont la place est à la poubelle de l’histoire sinon dans la perversité des mentalités hégémoniques contemporaines - n’égaleront jamais objectivement et axiologiquement un seul Dessalines combattant impénitent de la libération, vainqueur du colonialisme, qui força l’occident à entamer partout l’abolition de l’esclavage. Pas plus que cent Kennedy, crapules impérialistes agressant Cuba, ne vaudront point un seul Che Guevara. Un seul communard a plus de poids humain que des tonnes de Louis 14; et César, vil conquérant des Gaules et tyran exterminateur de la république romaine, est une minable paille liberticide face à un Hô Chi Minh.
La face de l’héroïsme et le sens de l’action historique, ne peuvent se passer de la valeur triplement humaine, citoyenne, collective comme critère d’approbation ou de désapprobation dans le jugement des actes et des faits pour la formation des générations que la lecture historienne veut inspirer au présent et au futur des sociétés.
L’héroïsme authentique ne vaut que par la juste valeur qu’il affirme et prône dans le combat et l’action globale du héros. Les grands agresseurs ont été peut-être efficaces, intrépides et preux, ils se sont parfois même manifestés des génies, mais ils ne méritent point le titre glorieux de l’héroïsme, ils ne sont pas des héros car ils n’ont pas su faire primer à travers leur combat et leur implication d’acteurs historiques majeurs, les valeurs de la justice et de l’équité pour la libération des hommes, pour la prééminence des brimés, pour l’affranchissement des opprimés.
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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